Les habitats alternatifs, solidaires, intergénérationnels ou en zones de loisir, se multiplient. Déconsidérés par le Code wallon du logement, ses habitantsrencontrent de nombreux problèmes juridiques. Une situation complexe sur laquelle s’est interrogé le Conseil supérieur du logement1 en collaboration avec la DG04lors d’un colloque vendredi passé à Charleroi. Sous le thème « la norme à l’épreuve de habitat alternatif », ce colloque a réuni plusde 500 personnes.
Au cours des débats, la problématique de la domiciliation revient sur toutes les lèvres. Si inscrire une adresse dans le registre civil est clair au niveaulégislatif, des doutes apparaissent quant à la pratique. Cette loi s’applique difficilement, notamment avec la séparation des pouvoirs. « Lefédéral oblige la domiciliation, la Région refuse de domicilier hors d’un lieu défini par le Code wallon du logement, la commune permet l’inscriptiond’un domicile à titre provisoire », explique David Praile, coordinateur de Solidarités nouvelles.
En effet, sur le terrain, la loi s’envisage subjectivement. « Les Gens du voyage ne peuvent pas se domicilier parce qu’ils ne possèdent pas de permisd’urbanisme », « les jeunes ne peuvent pas se domicilier dans un habitat intergénérationnel afin que le senior soit toujours considéré commeisolé au vu des aides sociales » ou « les personnes dans une occupation précaire ne peuvent pas s’y domicilier », peut-on entendre dans la salle.Cette situation installe une sorte d’insécurité juridique chez l’habitant qui ne l’empêche pas de s’installer dans un habitat alternatif et elle encouragesurtout l’arbitraire légal lors d’une plainte.
Ceci n’est pas un logement
Le déni des habitats alternatifs renforce également l’insécurité juridique. Que représente une caravane ou une péniche aux yeux de la justicelorsqu’elle n’est pas pensée comme un logement ? Issue de l’asbl Maisons fluviales, Gwendoline Bostryches défend les péniches résidentielles, unchoix adopté par de nombreuses personnes : « Installés dans un bras du Canal de Ronquières, les habitants payent un loyer et disposent d’unerésidence décente. Pourtant, leur habitat n’est pas un logement aux yeux du Code wallon. » Cette négation précarise les habitants. Les aides sociales sontbloquées ; leurs droits, tels que l’accès à un prêt hypothécaire ou une prime pour la rénovation, sont anéantis.
Ce refus interpelle d’autant plus que cette situation n’est pas anodine. On compte par exemple 12 000 personnes vivant dans des chalets et caravanes, 20 000 dans un habitat mobileterrestre. Si certains d’entre eux sont contraints d’y vivre pour des raisons financières, d’autres investissent les lieux pour différentes valeurs –convivialité, propriété ou vie au grand air. « Beaucoup d’habitants délogés d’un habitat alternatif retournent à leurs pénatesdeux semaines après avoir aménagé un logement social. Ils veulent retrouver leur choix de vie », précise David Praile. Dès lors, face à la crisedu logement et en parallèle au plan Habitat permanent, ces alternatives, certes en conformité aux règles territoriales et de salubrité, pourraient répondre àla pénurie de toits.
Le territoire de pair avec l’habitat
Le nœud juridique se situe enfin aussi dans l’affectation du sol. Encore une fois, la loi est claire quant au territoire mais se trouble dans la pratique dès qu’un habitatse localise dans un espace « non-défini » comme un terrain habitable. Dans le cas des zones de loisirs par exemple, comment déloger les habitants permanents alorsqu’il n’y pas assez de logement social ? « Une cinquantaine de personnes ont acheté une caravane qu’ils investissent au cours des années. Ils neveulent pas bouger », explique la bourgmestre de Walcourt, Christine Poulin, en référence au camping du bois de Thy.
D’après cette bourgmestre, lorsque la commune a réalisé le PV urbanistique, généralement négligé par le gérant du camping, elle estdémunie de moyens. « Les solutions quotidiennes voient alors le jour : suivi d’une assistante sociale, nettoyage annuel des détritus de la zone, formation desenfants souvent déscolarisés. Mais cela reste du bricolage », reprend-elle. La commune de Walcourt a ainsi décidé d’acheter la voirie du camping etd’en faire une zone habitable. Ce processus laisse perplexe face à une infraction pénalement répressible, mais non condamnée en raison des différents niveauxde pouvoir.
Bientôt un espace juridique
Toutefois, des avancées se profilent. Deux arrêtés sont en train de voir le jour. D’un côté, le Code wallon du logement serait en phase d’adopterl’article 22 bis qui envisagerait la notion « d’habitation qui n’est pas un logement ». De l’autre côté, l’article 44 bis proposeraitdes zones franches d’habitat, autrement dit, des espaces accessibles à un logement mobile ou à un « habitat qui n’est pas un logement ». Cet espace,régi par un règlement communal, disposerait d’installations logistiques, se situerait proche des lieux de services (commerce et enseignement) et s’intégrerait auxautres habitations.
Mais l’idée d’une ouverture complète au logement alternatif reste encore lointaine. Pourtant cette réalité sociale, incompatible avec le cadrelégislatif actuel, est bel et bien présente. Dans ce contexte, la tolérance et la liberté telles qu’on les observe dans les habitats alternatifs devraients’envisager comme une possibilité face à la crise du logement qui risque d’augmenter au fil des années, plutôt que comme un problème àrésoudre. Et de là, envisager alors un renouveau politique et juridique en termes de logement qui serait en accord avec le choix de vie des citoyens.
L’occupation précaire, la réponse souple à la crise du logement
Cet outil n’a ni dispositif légal ni cadre administratif. Il consiste à squatter un lieu inhabité pour un laps de temps défini avec l’accord dupropriétaire qui met à disposition son bien. L’asbl bruxelloise Occupation 123 rue Royale a encouragé des squatteurs à occuper un bâtiment du service publicwallon. « L’occupation est collective, gratuite et propose un délai de renom. Elle crée du lien et permet d’épargner un peu d’argent avant derepartir dans l
a vie active », explique Thomas Dawance, président de l’asbl. Selon ce dernier, 2 500 logements sont vides. Il suffirait dès lors de se servir decet outil comme une étape de transition pour le citoyen en difficulté financière passagère.
La domiciliation
L’adresse du domicile, au même niveau que le nom dans le registre de population, est légalement obligatoire pour le citoyen belge. La loi est claire : il faut indiquer larésidence principale selon les faits. Des exceptions existent. Si le logement est considéré comme insalubre, non-sécurisé ou hors la loi, l’adresseindiquée sera provisoire. « Mais en pratique, le champ d’application du mécanisme est problématique : quelle est la limite des exceptions, comment lesinscrire, quels moyens mettre en œuvre », explique Nicolas Bernard, professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis. Pour lui, il faudrait réaliser desdémarches en vertu des lois et ne pas légaliser certains faits en prenant des mesures provisoires face à cette réalité.
Image : Agence Alter/Sophie Lapy
Légende : Camping du Lac de Bambois
1. Conseil supérieur du logement :
– adresse : rue des Brigades d’Irlande, 1 à 5100 Namur
– tél. : 081 33 24 99
– courriel : info@conseilsuperieurlogement.be
– site : www.conseilsuperieurlogement.be