Jugées trop chères et peu efficaces, les maisons de l’énergie vont passer à la trappe. Les négociations sont toujours en cours quant à l’avenir du personnel des six antennes locales lancées voilà deux ans à peine.
Inaugurées sous l’égide d’Évelyne Huytebroeck, alors ministre bruxelloise de l’Environnement, les maisons de l’énergie avaient pour but d’aider les locataires et propriétaires à réduire leurs factures énergétiques. Un objectif louable mais qui n’a même pas eu le temps de faire ses preuves ou de trouver son rythme de croisière, car ces maisons de l’énergie doivent déjà plier boutique moins de deux ans après leur lancement. En effet, la déclaration de politique régionale bruxelloise prévoit la relocalisation de ces maisons, en les intégrant dans d’autres structures déjà existantes. Un projet qui tenait à cœur à Écolo, mais que la nouvelle majorité a tôt fait de balayer «pour éviter la dispersion des moyens budgétaires concernant l’information aux citoyens mais aussi pour renforcer les intervenants qui regroupent un ensemble de compétences en rénovation urbaine et en développement durable plutôt qu’accroître de nouvelles cellules décentralisées, coûteuses et spécialisées», peut-on lire ainsi dans la déclaration de la politique régionale.
À l’époque de leur lancement, la Région bruxelloise avait prévu un budget de 2.300.000 euros par an pour ces maisons de l’énergie. Réparties en six antennes locales sur le territoire de la région, ces maisons de l’énergie ont commencé à proposer à l’automne 2012 un service entièrement gratuit et personnalisé comprenant des conseils sur les primes ou les prêts, des visites à domicile, de petites interventions. Mais économie oblige, les six antennes locales devraient être tôt ou tard regroupées et centralisées au sein du Centre urbain des Halles Saint-Géry, le guichet régional d’information sur l’habitat durable en Région de Bruxelles-Capitale. Les négociations sont toujours en cours entre le personnel des antennes locales des maisons de l’énergie, Bruxelles-Environnement et la ministre Céline Fremault, en charge de cette future «relocalisation». «La ministre a rencontré toutes les maisons de l’énergie afin de travailler à la rationalisation des outils d’accompagnement des ménages bruxellois en matière d’efficacité énergétique», nous précise-t-on au sein de son cabinet. Un travail de concertation qui se poursuivra au cours des prochains mois. Objectif affiché: organiser ces différents outils d’accompagnement énergétique, comme ceux proposés par les maisons de l’énergie, dans un souci d’efficacité et d’efficience, de visibilité et de clarté des politiques régionales en matière d’énergie. Mais derrière cet objectif, il y a surtout un reproche, souvent entendu dans les rangs socialistes et humanistes, sur la gestion «budgétivore» du cabinet Huytebroeck qui aurait dispersé les aides dans tous les sens, sans coordonner l’accompagnement des publics, y compris les plus fragilisés.
Du côté du personnel des maisons de l’énergie, on essaie de sauver les meubles vaille que vaille. Mais on sait que la tâche sera rude… «Outre un stress énorme, on est évidemment inquiet pour nos emplois, car, avec cette décision du gouvernement, on n’a aucune certitude pour l’avenir de nos missions. On sait que derrière ce souci de rationalisation, on paie surtout l’étiquette Écolo. Mais on préfère attendre les résultats des concertations en cours», explique un coordinateur d’une de ces maisons. Du côté de la ministre, on se veut plus rassurant: «Une attention toute particulière sera évidemment apportée aux questions de personnel, car, derrière les réformes, il y a des hommes et des femmes compétents qui méritent d’être considérés.»
Trop de moyens pour la classe moyenne?
Du côté des détracteurs des maisons de l’énergie, l’un des reproches souvent évoqués, c’est qu’elles venaient marcher sur les plates-bandes d’autres associations qui travaillaient elles aussi sur la problématique de l’énergie. Bien avant le lancement de ces antennes locales, certaines associations regrettaient de ne pas avoir été suffisamment consultées par le cabinet Huytebroeck, leur imposant quasiment de collaborer avec les maisons de l’énergie afin de pouvoir continuer de bénéficier de subsides, notamment en matière de rénovation.
Par ailleurs, leur disparition n’aura pas réellement d’impact sur l’accompagnement des publics précarisés à Bruxelles, les maisons de l’énergie touchaient très peu ce public. C’était d’ailleurs là une autre des critiques majeures de ce projet: autant de moyens pour la classe moyenne et supérieure qui, si elle le souhaite, peut se faire accompagner à la rénovation de son logement sans trop de difficulté.
«Que ce soit par rapport à l’ancrage local ou à l’accompagnement d’un public défavorisé, les maisons de l’énergie passent à côté de ces objectifs. Elles s’adressent pour l’essentiel à un public plus aisé financièrement. Mais ce reproche, on peut l’adresser aux maisons de l’énergie comme aux primes, confirme Michel Colson, président la section CPAS de l’Association de la Ville et communes de la Région de Bruxelles-Capitale (AVCB). À titre personnel, j’avais le sentiment que ces maisons venaient s’ajouter à d’autres structures déjà existantes, sans rien coordonner.»
Par la rationalisation des services et des outils d’accompagnement en matière d’énergie, plaide une partie du secteur, la disparition des maisons de l’énergie pourrait être mise à profit pour, à terme, accompagner des ménages fragilisés via les cellules énergie des CPAS ou le service énergie de la Fédération des services sociaux. D’autant plus que ce public n’a souvent pas accès aux dispositifs régionaux liés à cette matière et que les problèmes rencontrés par ces ménages sont multiples, ce qui nécessite, en plus du travail social, une approche adaptée. Dossier à suivre chez la ministre Fremault.
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Numéro spécial Alter Échos n°371-372 du 17.11.2014 : Précarité énergétique, réduire la f(r)acture