Grâce à un récent accord entre Communautés, un système de base de données va permettre d’identifier les élèves en défaut par rapportà l’obligation scolaire, quel que soit leur lieu de vie. On va ainsi pouvoir mettre la main sur les élèves en « décrochage scolaire absolu », ceux qui ne sontinscrits dans aucune école, sans aucune justification. En Région bruxelloise, les Communautés vont même créer une cellule commune et faire appel aux pouvoirs locauxpour éviter que des jeunes ne passent entre les mailles du filet. La Région elle-même appuie la démarche. L’étau se resserre donc bel et bien sur les jeunes mineursqui fuient l’école…
La Communauté française et la Communauté flamande ont signé ce 12 novembre 2008 un protocole d’accord qui porte sur la coopération et l’échange dedonnées en ce qui concerne le contrôle de l’obligation scolaire en Région wallonne et en Région flamande. Ainsi, chaque Communauté est chargée de constituerune base de données de l’ensemble des élèves mineurs inscrits dans l’enseignement sur son territoire1. Les deux Communautés vont, de plus, croiser leur base dedonnées respective avec le Registre national afin d’identifier les élèves qui sont scolarisés dans une Communauté tout en étant domicilié dansl’autre. Concrètement, la Communauté flamande va donc transmettre à la Communauté française les informations sur les élèves domiciliés enWallonie mais qui suivraient leurs études en Flandre. Et vice versa.
Du boulot en perspective pour les informaticiens et spécialistes de la gestion des données… Mais cela signifie surtout que chaque Communauté va disposer d’un outil luipermettant de savoir ce qu’il en est en termes d’inscription scolaire pour tous les jeunes en âge d’obligation scolaire qui sont domiciliés sur son territoire. Et ce, même pour lesélèves scolarisés dans l’autre Communauté, ce qui est tout à fait nouveau. De quoi plus facilement non seulement identifier, mais également mettre la mainsur les jeunes « égarés ».
Tout ce joli montage doit être effectif pour le 15 janvier. Du côté de la Communauté française, c’est le récent Service de l’obligation scolaire qui est encharge des aspects opérationnels. Les données relatives aux jeunes scolarisés en Communauté française lui sont transmises directement par les écoles, envertu de la circulaire n° 2007 du 28 août 20072 qui définit les aspects pratiques : types et organisation de données à transmettre, mode électroniquede transmission, protection des données, etc.
Du spécifique pour Bruxelles
Sur le territoire de la Région bilingue de Bruxelles-Capitale, les deux Communautés assument, séparément jusqu’ici, la compétence sur le contrôle del’obligation scolaire. La coopération entre elles va donc, là, aller plus loin que ce qui est mis en œuvre pour la Wallonie et pour la Flandre, où elles sont exclusivementet respectivement compétentes et où la situation est donc plus simple.
Ainsi, les deux Communautés vont mettre en place à Bruxelles une cellule commune pour la collecte et l’échange de données, avec trois missions principales :
– vérifier la manière dont les jeunes satisfont à l’obligation scolaire ;
– repérer les jeunes qui ne satisfont pas au respect de l’obligation scolaire ;
– donner « suite utile » aux dossiers de ces jeunes hors-la-loi.
Quand cette cellule va, grâce aux bases de données croisées, identifier un jeune potentiellement en manquement par rapport à l’obligation scolaire, elle va envoyer uncourrier aux parents de ce jeune afin de leur demander une remise en règle. Si la cellule ne reçoit pas de réponse, elle transmet les coordonnées du jeune en questionauprès des autorités de sa commune de résidence. C’est alors la charge de la commune d’organiser une visite domiciliaire soit par la police locale, soit par la cellule de veilleau décrochage scolaire qui est, dans toutes les communes bruxelloises, intégrée au service de prévention communal et qui collabore avec le dispositif d’accrochage scolaire(DAS) communal. Les parents et le jeune concernés sont donc mis une nouvelle fois au pied du mur. Au terme de cette procédure, après feed-back de la commune et s’ils’avère que l’obligation scolaire n’est pas remplie, la cellule commune inter-Communautés envoie le dossier au parquet et la machine judiciaire s’enclenche.
La Région, de son côté, « recommande » aux communes d’affecter au travail de porte-à-porte (visites domiciliaires) une partie des moyens en personnel qu’elleaccorde depuis 2007 aux différentes cellules de veille communale dans le cadre des contrats de sécurité et de prévention. Une manière d’avaliser l’accord entre lesCommunautés et ses finalités, ainsi que de promouvoir une application locale cohérente au niveau régional, même si Charles Picqué (PS), leministre-président, souligne qu’ « en fonction des réalités locales, il y aura une variété de mise en œuvre de l’accord »3.
Concernant 2007-2008, le système actuellement déjà en place a permis d’identifier, en Région de Bruxelles-Capitale, 6 345 mineurs pour lesquels un doute existaitconcernant le respect de l’obligation scolaire, ce qui représente quand même 4,5 % du total des jeunes en âge d’obligation scolaire. Le problème semble donc bien concernerune minorité non négligeable et l’accord entre Communautés va potentiellement permettre d’identifier plus de cas problématiques grâce à la cellulecommune.
« Laisser l’école gérer les problèmes de scolarité »
Du côté des associations de parents, si l’on soutient les démarches de lutte contre le décrochage scolaire, on tient à les mettre en perspective…
« Il est inadéquat de mettre en place un système qui mène à sanctionner pénalement des parents dits « démissionnaires ». Car les parents ne sontjamais démissionnaires…, déclare Pierre-Paul Boulanger, vice-président de l’Ufapec4, Simplement, certains d’entre eux, qui se débattent souvent dans desproblèmes importants, ont perdu pied et n’arrivent plus à mobiliser les ressources qu’il faudrait pour assurer l’encadrement correct de leurs enfants. Leur infliger une sanction esttout à fait injuste. Il est bon de lutter contre le décrochage scolaire, mais il faut s’attaquer à la question à la base : le décrochage est souvent lesymptôme visible de problèmes sociaux ou psycho-sociaux au sein des familles. Pour lutter vraiment contre le décrochage, il faut un travail social mené par desprofessionnels, sur base volontaire et non sous la contrainte p&eac
ute;nale. »
« C’est très bien de ramener les élèves à l’école, surtout ceux en « décrochage absolu », note pour sa part Marie-Christine Linard, administratricedéléguée de la Fapeo5, mais il faut encore pourvoir les y garder, ce qui est un enjeu beaucoup plus important. Pour nous, il faut en fait surtout remettre en cause lesystème scolaire qui a trop tendance à exclure certains élèves : sortir de la culture de la sélection par l’échec, faire en sorte que tous les enfants aientdu plaisir à apprendre, innover dans les méthodes d’apprentissage, etc. Il est aussi important de ramener les problématiques liées à la scolarité dansl’école, sous la responsabilité des enseignants, et non de se disperser en dispositifs extérieurs qui deviennent vite ingérables. »
1. La base de données comprendra aussi des indications sur les élèves exemptés, scolarisés à domicile, résidant à l’étranger, etc. Lebut étant bien entendu d’identifier les élèves résidant en Belgique et se trouvant en dehors de tout cadre.
2. La circulaire peut être téléchargée sur www.enseignement.be (lien documentation,circulaires/loi)
3. Les 19 communes, des acteurs-clés, Stéphanie Bocart, in La Libre Belgique du 13 novembre 2008, p. 37.
4.Union des fédérations d’associations de parents de l’enseignement catholique, Upafec :
– adresse : av. Belliard, 23 A à 1040 Bruxelles
– tél. : 02 230 75 25
– courriel : info@ufapec.be
– site : www.ufapec.be
5. Fédération des associations de parents d’élèves de l’enseignement officiel, Fapeo :
– adresse : av. du Onze Novembre, 57 à 1040 Bruxelles
– tél. : 02 527 25 75
– courriel : secretariat@fapeo.be
– site : www.fapeo.be