Constatant un écart entre « les réalités bruxelloises » en matière d’enseignement et de culture notamment, et le fonctionnement bicommunautaire desinstitutions belges, plusieurs personnes sensibles à la problématique ont mis au point un manifeste bruxellois. Il s’agit de dénoncer « le dangerd’idéologies qui enrégimentent les gens dans une appartenance et ne se construisent pas sur une base de diversité ». Le fonctionnement bruxellois imposerait auxorganismes comme aux particuliers de « choisir leur communauté ». Le Manifeste est ainsi proposé à la signature d’associations comme departiculiers1. Quelque 600 signatures ont été engrangées. Cependant, le nombre de signataires associatifs ou collectifs reste limité : treize actuellement.Alain Maskens, porte-parole francophone pour le manifeste, met en avant la frilosité de certains qui se trouvent en processus de demande de subvention auprès des autoritéssecouées par le manifeste et souhaitent éviter les risques.
L’avis de deux associations culturelles signataires du manifeste
Parmi les organismes signataires, Recyclart2 et le KunstenFESTIVALdesArts3, souscrivent de par leur travail quotidien dans le croisement des cultures aux idéessous-jacentes au Manifeste.
Le festival bruxellois de création Kunsten festival des arts, déclare « battre en brèche les frontières établies » en proposant une programmationd’artistes belges – francophones et néerlandophones –, d’artistes européens et non européens. Et Recyclart est à la fois un laboratoire artistique,un acteur de l’espace public urbain qui « puise son inspiration dans la réalité quotidienne bruxelloise ».
Pour Frie Leysen directrice du Kunsten festival des arts, il y a une réelle convergence entre le manifeste et la philosophie du festival. L’idée défendue est en effetcelle de « regarder Bruxelles comme le lieu de frottements entre trois cultures, une européenne, une geRmano-anglo-saxonne, une latine », et de valoriser ce mixage. Pour ce rareprojet subsidié de manière structurelle par les deux Communautés, le parcours n’est pas sans incidents. En exemple, le conflit qui l’a opposé récemmentau ministre Richard Miller (MR) à propos d’une promesse d’augmentation de subventions du côté des Communautés. Plus largement, Frie Leysen s’interroge surl’aspect générationnel de la querelle communautaire, en exprimant le souhait de la dépasser.
Quant à Wim Embrechts, directeur de Recyclart, il s’oppose à l’idée d’une langue comme critère d’appartenance, préférant ladéfinir comme un outil de communication. Face aux structures publiques, il revendique « une attitude têtue », celle de l’indépendance qui interdit de se placerdans un seul cadre linguistique ou politique. « Les artistes bruxellois font très souvent partie de groupes mélangés, ils constituent de véritables croisements auxdimensions internationales. » Quant au financement, entre le fédéral, la Ville, la Communauté française, la Communauté flamande, les Régions… ils’agit pour lui de faire vivre une structure porteuse de projets. Recyclart reçoit quasiment de chacun et « trop peu ». Wim Embrechts constate la bonne collaboration entre laVlaamse gemeenschap et la Vlaamse Gemeenschapcommissie, au contraire de la Communauté française et de la Cocof qui souffrirait notamment de son manque de moyens.
KunstenFESTIVALdesArts
Le festival est né en 1994 « pour, avec et à Bruxelles ». Annuel, il se concentre sur trois semaines, toujours au mois de mai, du 2 au 24 mai pour cette saison 2003. Unequinzaine d’endroits culturels différents dans la capitale accueillent le public. Le programme est ouvert à toutes les disciplines : théâtre musical, danse, film,multimédia, arts visuels… Il est ouvert à tous les artistes belges – francophones et néerlandophones, européens et non européens.
Le KunstenFESTIVALdesArts marque son identité au travers de son nom : « Un nom multilingue à l’image de Bruxelles où cohabitent de nombreuses communautéslinguistiques. »
Par rapport au Manifeste, l’avantage de la démarche est de provoquer, en se plaçant sur le mode de l’action-réaction, déclare Wim Embrechts de Recyclart. Ilsalue l’aspect propositionnel du texte, se positionnant comme en accord avec les grandes lignes du manifeste. Du côté du Kunsten festival des arts, on émet quelquesréserves quant à la proposition de faire de Bruxelles une entité communautaire. « La demande est celle d’une gestion adaptée de Bruxelles, mais il ne faudraitpas aller trop loin », explique Frie Leysens.
Plus qu’un texte, un processus de mise en débat
Issu d’un processus de réflexion d’une dizaine de séances avec le soutien d’experts dans diverses matières comme le Mrax quant à l’immigration,Didier Lesage quant à la culture, Henry Tulkens pour l’économie, le Manifeste bruxellois souhaite susciter le débat. Alain Maskens le décrit comme « un effortcitoyen dans l’arène politique ». Après avoir posé un diagnostic et lancé des idées, deux étapes supplémentairesd’élargissement de la discussion sont déjà balisées. D’une part, avec les politiques : 1.000 mandataires résidant à Bruxelles ou dans lesenvirons (sous le code postal 2000) ainsi que les têtes de liste pour les élections fédérales ont reçu un questionnaire afin de réagir aux propositions duManifeste. Lors des fêtes de l’Iris, les réactions seront communiquées et disponibles sur le site.
D’autre part, des actions de débat sont prévues avec les associations de terrain issues des domaines culturel, social, socioéducatif ou environnemental, ainsiqu’avec les citoyens intéressés. L’objectif est de faire avancer la réflexion, puis d’ouvrir à la confrontation avec le politique en vue desélections régionales.
Recyclart
L’asbl Recyclart a été créée en 1996 dans le cadre d’un projet pilote urbain dont l’objectif central était la réaffectation du site dela gare Bruxelles-Chapelle et de ses alentours. Ce projet bruxellois est né de l’initiative du département urbanisme de la Ville de Bruxelles et a reçu le soutien du Fondseuropéen au développement régional de la Commission européenne. Recyclart se définit comme « un laboratoire artistique, un lieu de création, deconfrontation et de diffusion culturelles, un acteur de l’espace public urbain, un centre de formation, un lieu de rencontres et d’expérimentations ». Il articule artistique,urbain et social en proposant entre autres une programmation artistique, des formations professionnelles, en se faisant moteur de réflexions et d’interventions sur l’espacepublic.
1.
2. Recyclart, rue des Ursulines 25 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 502 57 34 – fax : 02/502 64 03 – courriel : info@recyclart.be –
site : – contact : Wim Embrechts.
3. Kunsten festival des arts, quai du Commerce 18 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 219 07 07 – fax : 02 218 74 53 –
courriel : info@kfda.be – site : – contact : Frie Leysen.