Des parents «parrainent» des enfants en difficulté. Ils les accueillent un week-end sur deux et pendant les vacances. Peu connu, le parrainage est organisé par quatre services en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Pour les vacances de Pâques, Béatrice Pendesini et son compagnon, Christof Carlier, partiront quelques jours dans un chalet forestier, non loin de Malmedy. Avec eux, il y aura deux enfants. La première est la fille de Christof. La seconde, Marie, 6 ans, n’est pas leur enfant. Même si elle fait partie de la famille depuis octobre 2014.
Elle est accueillie dans le cadre du «parrainage», une sorte d’accueil régulier et de court terme, d’enfants en difficulté. Le parrainage se fait uniquement sur une base volontaire. Des adultes proposent leur hospitalité, et leur affection, à des enfants, un week-end sur deux et une partie des vacances scolaires. «Cela ouvre des portes à Marie de voir que quelque chose d’autre peut se passer ailleurs, cela l’aide à porter un autre regard sur les choses.»
Le parrainage est mal connu. Même s’il existe depuis de nombreuses années, il n’est financé qu’à la marge par l’Aide à la jeunesse. Aujourd’hui, le ministre de l’Aide à la jeunesse, Rachid Madrane, semble s’y intéresser de près et miser sur cette solution qu’il considère, comme il le mentionnait dans nos colonnes (Alter Échos n°395), comme une «bulle d’oxygène» pour les familles, permettant de «prévenir les problèmes».
La Fédération Wallonie-Bruxelles compte seulement quatre services qui organisent le parrainage. Ils cherchent et trouvent des candidats parrains, les sélectionnent et préparent la rencontre avec des enfants, dont la moitié vivent dans des structures d’hébergement de l’Aide à la jeunesse alors que l’autre moitié proviennent de familles monoparentales en difficulté.
On prête au parrainage de multiples bienfaits pour les enfants. Il leur permet de créer un lien affectif avec des adultes de référence. De partir en vacances, de souffler un peu, de s’ouvrir à d’autres façons de vivre. Pour Anouchka De Beys, directrice du service laïque de parrainage, «les enfants sortent de leur cadre de vie habituel. C’est enrichissant, car certains ne sortent jamais. Leur maman est souvent désemparée. Il s’agit souvent de femmes très isolées et très seules».
Quant aux enfants en institution, beaucoup se sentent bien seuls, notamment les week-ends, lorsqu’un retour en famille est compliqué. Créer un lien «non institutionnel» leur fait du bien. «L’enfant découvre un autre milieu, précise Anouchka De Beys, une autre façon de vivre. Cela se joue parfois sur des choses simples. Nous disons aux parents de suivre leur programme habituel, de ne rien changer à leurs habitudes. S’ils font les courses le samedi, et bien qu’ils fassent les courses avec l’enfant. Beaucoup de parents ne réalisent pas qu’en institution certains enfants ne savent pas forcément ce que c’est que faire les courses.»
Un échange enrichissant
Les parents-parrains proviennent plutôt de classes moyennes ou moyennes-supérieures, nous apprend-on au service laïque de parrainage. «Il s’agit souvent de personnes qui se rendent compte qu’ils ont plus de chance que les autres et veulent partager cette chance.» La plupart de ces familles ont déjà des enfants. Et c’est aussi cette rencontre qui fait l’intérêt du parrainage. Ce que confirme Béatrice Pendesini: «L’échange est enrichissant, notamment pour la fille de Christof qui est enfant unique. Cela l’aide à partager.»
Bien sûr, la route du parrainage n’est pas sans nids-de-poule provoquant quelques cahots. La relation avec l’enfant peut prendre du temps à s’instaurer en toute confiance. «Au début, il fallait un peu canaliser Marie, témoigne Béatrice Pendesini. Et elle ne parlait pas beaucoup, souffrant de carence affective. Il faut être patient et avoir envie. Mais tout est vite rentré dans l’ordre.» Plus généralement, c’est, selon Anouchka De Beys, «lorsque l’enfant a pris ses repères, qu’il s’est installé, qu’il va tester le lien».
Les enjeux qui occupent le plus souvent les services de parrainage concernent la mère de l’enfant.
Pas évident de voir partir son fils ou sa fille tout sourire vers d’autres parents qui ont beaucoup à offrir. «Ce n’est pas facile pour elles de faire confiance à des gens qu’elles ne connaissent pas», explique la directrice du service laïque de parrainage.
Cette dernière insiste surtout sur le bénéfice que ces mères peuvent tirer du parrainage de leur enfant: «Ces mamans sont débordées, cela leur permet de souffler un peu, de retrouver l’enfant le dimanche soir en étant beaucoup plus sereine.» Et puis bien sûr les parrains sont prévenus; malgré toute l’affection qui pourra naître entre eux et l’enfant accueilli, c’est bien la mère ou les parents qui gardent l’autorité parentale. «Les parrains ont un rôle éducatif un week-end sur deux et cela ne doit pas dépasser ça», rappelle Anouchka De Beys.
Pour toutes ces questions, son service joue un rôle important. Il tente de bien accorder familles et enfants, de les sélectionner pour que cela se passe au mieux. De bien cadrer le rôle de chacun, de rassurer les uns et les autres et de donner un coup de main en cas de problème. «Nous sommes un intermédiaire qui aide à prendre du recul», conclut Anouchka de Beys, dont le service assure un suivi régulier des parrainages.
Aujourd’hui, son service organise une quinzaine de parrainages par an et assure en permanence une cinquantaine de suivis.