Le 23 avril dernier, le Réseau wallon de développement rural (RWDR)1 organisait à Saint-Vith un séminaire et des visites d’entreprises sur le thème « Entrepreneuriat rural : transmettre, collaborer, innover, partager ». Des préoccupations pas si éloignées de nombre d’acteurs sociaux, qui y ont aussi leur place
Les enjeux de la journée du 23 n’étaient pas minces : « Comment, en développant des approches entrepreneuriales collectives, faire face à la morosité économique ambiante et booster le développement des campagnes ? Comment favoriser la reprise de PME et TPE rurales dynamiques qui menacent de disparaître faute de repreneurs ? » D’autant, estime le Réseau wallon de développement rural, que « beaucoup s’accordent pour dire que dans les campagnes se trouvent des ressources à valoriser, un cadre adéquat pour un équilibre travail-famille, un endroit pour la création d’entreprises pérennes répondant à de nouveaux enjeux sociétaux et favorisant un redéploiement de l’économie wallonne ». Des constats que l’on retrouve déjà dans l’étude « L’entrepreneuriat rural en Région wallonne », menée en 2006 par le Capru, le groupe de recherche permanent spécialisé dans l’analyse et la prospective en matière de ruralité de l’Université de Gembloux2. Selon cette dernière, 66 % des entrepreneurs choisissent le monde rural pour la possibilité de travailler à domicile, 61 % pour « le cadre de vie agréable offert à la campagne », et 51 % pour l’existence d’un marché potentiel. Ils sont aussi 80 % à être originaires du monde rural.
Le RWDR en quelques mots
« Le Réseau wallon du Développement rural vise à mettre ensemble les acteurs du monde rural », décrit son coordinateur, Xavier Delmon. On y retrouve surtout les GAL (groupe d’action local), mais aussi des agriculteurs, des privés, des ADL (agence de développement local)… Le réseau travaille également avec l’ensemble des bénéficiaires du Plan de développement rural, les associations et structures actives en milieu rural, les services publics de la Wallonie et de la Fédération Wallonie Bruxelles. On traite de questions comme les énergies renouvelables en agriculture, la diversification des activités économiques, la mobilité ou encore le tourisme et les loisirs de proximité.
La journée
La journée fut l’occasion de mettre en avant la filière bois très présente dans la région de Saint-Vith. Rien que dans l’Est de la Belgique, elle représente 22 000 emplois salariés, 6 481 indépendants et 124 emplois dans le secteur public. En 2008, 35 entreprises locales ont marqué leur accord pour le lancement d’un Centre d’impulsion bois en vue d’encourager la formation, de favoriser la diffusion de bonnes pratiques, de jouer le rôle d’incubateur d’entreprises, ou encore de mettre en place une grappe d’entreprises en écoconstruction.
Autre projet mis en avant, la pérennisation des entreprises via la transmission aux travailleurs salariés. Le projet REDDI – porté par Crédal, Febecoop, SAW-B et Syneca – vise, d’une part, à favoriser ce mode de reprise d’entreprises, et d’autre part, à trouver des niches dans le développement durable pour développer des entreprises d’insertion et d’économie sociale. Si, pour ce deuxième volet, quelques projets ont pu être accompagnés chaque année (gestion des déchets, production et distribution de produits issus de l’agriculture biologique, écoconstruction…), le succès est plus mitigé en ce qui concerne le premier volet, nous explique-t-on au Crédal3. En effet, à la différence de nos voisins français, la transmission d’entreprises vers les salariés via la création de coopératives ne remporte guère de succès en Belgique. Une question de mentalités, mais aussi de facilités offertes aux candidats-repreneurs. Notre pays souffre effectivement de « l’absence de cadre juridique clair, d’exemples ou d’incitants fiscaux ».
D’autres outils ont également été mis en avant, tels les partenariats interentreprises sous forme de clusters, grappes, ateliers ruraux, microzones d’activités et autres (ex. : La Calestienne à Beauraing, Sana Konstruo à Enghien, toutes deux actives dans le domaine de l’écoconstruction). Ou encore les groupements d’employeurs, tels JobArdent, JobIris et Vert’Emploi, des entreprises qui engagent ensemble un ou des travailleurs sous CDI, et la mutualisation de la main-d’œuvre avec l’exemple du Service de Remplacement Agricole (SRA) qui engage des salariés pour remplacer des agriculteurs malades ou indisponibles à la suite d’un accident.
Un terroir pour l’innovation
Pour Xavier Delmon, coordinateur du Réseau, les TPE et les PME ont un rôle important à jouer dans la capitalisation de ce qui se passe sur les territoires ruraux. Même si l’on ne dispose pas de chiffres, l’économie sociale et les entreprises d’insertion y ont aussi leur place : « Des projets de circuits courts, de maraîchage d’insertion, d’agriculture sociale et d’écoconstruction voient le jour et permettent de s’adresser à des publics défavorisés. »
Dans un autre registre, les coopératives d’agriculteurs ont également permis à leurs membres d’avoir une meilleure qualité de vie en ne passant plus des journées interminables sur leurs exploitations. « Il y a peu de bruit autour d’elles, mais ce sont des dispositifs économiques qui fonctionnent, souligne Xavier Delmon. Il faut se donner les moyens de réfléchir à un entrepreneuriat avec une dimension plus humaine. Lorsqu’il y a de la casse sociale à grande échelle, comme Arcelor-Mittal, on en parle. Ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de TPE/PME. Il n’y a pas de réflexion approfondie sur le plan politique. » Etant donné le fort potentiel économique du monde rural, Xavier Delmon s’étonne du peu d’attention des pouvoirs publics pour ces territoires. Loin de baisser les bras, il annonce déjà, pour novembre prochain, l’organisation d’un séminaire international sur l’innovation des TPE/PME, où il sera question de l’accès au foncier, avec des dispositifs comme « Terres de liens », le microcrédit et le crowdfunding, à savoir le financement participatif de projets s’appuyant sur les réseaux sociaux et Internet.
Une grande diversité de métiers
Sur le territoire rural, il existe une diversité d’entreprises aussi importante qu’en milieu urbain. Elles ne se limitent plus au monde agricole. La recherche du Capru réalisée en 2006 a fait d’ailleurs l’impasse sur ce secteur pour parler des autres métiers. Menée auprès de 94 entrepreneurs ruraux, localisés au sein de six communes wallonnes, l’étude révèle que ces entrepreneurs peuvent être pépiniéristes, ébénistes, menuisiers, exploitants forestiers, commerçants en mobilier, brasseurs, négociants en boissons ou aliments, boulangers, bouchers, fromagers, pisciculteurs, fruiticulteurs, restaurateurs, gérants d’hébergement, d’activités de loisirs, culturelles et touristiques, organisateurs de spectacle, animateurs de fêtes, organisateurs de randonnées (équestres), voire actifs dans le secteur des technologies de l’information et de la communication ou dans celui des éco-entreprises.
1. Cellule d’Animation du Réseau rural wallon :
– adresse : rue de Liège, 83 à 4357 Limont
– tél. : 019 54 60 51
– courriel : info@reseau-pwdr.be
– site : http://www.reseau-pwdr.be
2. Capru, Gembloux Agro Bio Tech-Ulg :
– adresse : Unité d’Economie et Développement rural, passage des Déportés, 2 à 5030 Gembloux
– tél. : 081 62 23 65
– site : http://www.gembloux.ulg.ac.be/eg/capru
3. Crédal :
– adresse : place de l’Université, 16 à 1348 Louvain-la-Neuve
– tél. : 010 48 33 50
– site : http://www.credal.be
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