A la suite de la publication en 2009 du premier rapport thématique du délégué général aux droits de l’enfant relatif aux incidences et auxconséquences de la pauvreté sur les enfants, les jeunes et leurs familles, et dans le cadre de l’Année européenne de lutte contre la pauvreté etl’exclusion sociale, la Communauté française, l’ONE et le DGDE1 décidèrent d’organiser en 2010 un cycle de séminaires àdestination des professionnels du secteur de l’Aide à la jeunesse.
Le résultat des travaux a été présenté le 27 juin dernier dans un document intitulé « Comment contribuer à la réduction desinégalités sociales dans le champ socio-éducatif ? » Le champ d’investigation circonscrit par ce cycle de séminaires, s’il est large du point de vuedes participants (quasi toutes les formes de structures d’aide à la jeunesse sont représentées), est relativement centré sur l’accueil de la petite enfance. Cesecteur est l’objet exclusif d’un séminaire et de l’une des deux priorités identifiées : rendre effectif, pour tous les enfants et leur famille, le droità un accueil et à des services éducatifs rétablissant une réelle égalité des chances.
Deux priorités…
Selon le DGDE, « les inégalités se fondent dans les premières années et elles ne font qu’augmenter à mesure que les enfantsgrandissent » ; il faut donc améliorer l’accès à un milieu d’accueil de qualité pour les familles précarisées en mettant enexergue le qualitatif plutôt que le quantitatif : un droit à l’accueil qui ne soit pas réservé à des catégories particulières de lapopulation ; des pratiques plurielles et évolutives, adaptées aux situations ; des programmes communs aux parents et aux enfants ; l’ouverture àd’autres services sociaux ; l’acquisition d’un capital social et d’un capital culturel ; le renforcement des compétences éducatives des parents. Enrésumé, insister sur la fonction sociale des milieux d’accueil de la petite enfance, et ce, sans négliger les autres fonctions (économique et éducative).
L’autre priorité – rendre possible l’exercice d’une transversalité positive et effective – est, elle, une volonté d’articuler droitsculturels et droits sociaux, ce qui implique deux préalables. D’une part, « sortir de la sectoralisation des dispositifs et de l’effrayante déperditiond’énergie qui règne dans les champs social et éducatif ». Et donc, sortir de la logique technocratique et managériale, non centrée sur lebénéficiaire. D’autre part, il s’agit de distinguer les acteurs et leurs missions respectives et spécifiques. Or « organiser des transversalités,c’est une responsabilité politique. C’est le politique avec un grand “P” ». Cette citation extraite du rapport – avec d’autres extraits descomptes rendus des séminaires – illustre l’objectif final de l’exercice : interpeller le monde politique. Y parviendra-t-il ? Le rapport n’évite pasdeux écueils.
… et deux écueils
En effet, si la méthodologie est lisible et transparente, et si la problématisation de départ repose sur des constats issus du terrain, il n’en reste pas moins que lestermes choisis réifient les situations et déshumanisent les publics fragilisés. Un rapport excessivement technique, presque académique, mais qui est la conséquencedirecte du choix des participants : ce sont des managers qui ont été invités à s’exprimer, des personnes dont la fonction au sein de leur structure estd’abord la gestion. Ce ne sont pas des travailleurs en contact direct et parfois issus des publics fragilisés. Le propos n’est pas de dire que les gestionnaires ne sont pas enprises avec la réalité de terrain, mais bien d’établir un lien entre les participants aux séminaires et l’aspect technocratique de ce rapport.
Second inconvénient, et non des moindres : l’impossibilité pour les instances administratives et politiques de la Communauté française de penser en dehorsd’elles-mêmes. Les spécificités régionales sont niées : les publics, et donc les interventions comme les problématiques, sont radicalementdifférents, selon qu’ils soient de Molenbeek ou d’Ougrée. Cela semble une évidence que la Communauté française persiste à nier, au profit d’unevision idéalisée d’une « population francophone ». Elle déduit son action d’une vision idéologique, alors qu’elle devrait induiresa politique de la réalité vécue par les individus.
« Les situations d’inégalité sociale dans le champ socio-éducatif doivent être considérées comme le résultat de politiquesstructurelles produisant la précarité et la pauvreté. » Outre son aspect terrifiant, cette hypothèse de départ, maintes fois confirmée durant lesséminaires et dans le rapport, revient, en définitive, à questionner la structure même de la Communauté française. Ce que l’administration et lesresponsables politiques se gardent bien de faire, faisant ainsi planer un sérieux doute sur l’avenir des recommandations de ce rapport.
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