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Regard critique · Justice sociale

Environnement/territoire

Des subprimes US au photovoltaïque wallon

Le développement d’un mécanisme basé sur le tiers payant pour s’équiper en panneaux photovoltaïques vire à la banqueroute. Les cessations de paiement et les faillites des sociétés qui proposaient ce montage vont causer une casse sociale importante, renforcée par l’octroi inconsidéré de crédits par des prêteurs ayant pignon sur rue.

03-03-2014

Des transactions commerciales spéculant sur des équilibres économiques fragiles et des produits financiers octroyés en dépit de toute prudence : tel a été le scénario qui s’est développé sur le marché immobilier US, avec la possibilité pour un public peu favorisé d’accéder à la propriété moyennant des crédits hypothécaires à taux variables et garantis par une hypothèque. Lorsque le taux directeur de la Réserve fédérale s’emballe entre 2004 et 2007, les mensualités dues pour ces emprunts enflent et les ménages fortement endettés au regard de leur budget limité n’arrivent plus à rembourser leur prêt. Etant donné le nombre important de biens immobiliers saisis et vendus pour couvrir les prêts dénoncés, le marché immobilier flanche et le montant de revente des biens saisis ne suffit plus à rembourser les prêteurs. Le fait que ces créances aient été titrisées exporte alors ce bug à l’échelle de la planète.

Un montage hasardeux

On n’est clairement pas dans ce scénario-catastrophe avec le mécanisme mis en place par une série de sociétés proposant des panneaux photovoltaïques, selon le modèle du tiers payant. Pas d’effets boule de neige à l’échelle mondiale, mais des dégâts sociaux considérables, notamment dans le chef de près de 3 000 familles wallonnes peu aisées qui se sont laissées attirer par ce miroir aux alouettes. Le marché du photovoltaïque s’est considérablement développé de par les primes qui y étaient associées, ainsi que sur la base des certificats verts. Une série de sociétés se sont positionnées sur ce marché en proposant le montage suivant : « Nous plaçons des panneaux solaires sur votre toit. Ces derniers nous appartiennent, donc nous touchons les subsides des autorités régionales et les certificats verts découlant de la production d’énergie verte. En tant que particulier, vous souscrivez à votre nom un prêt auprès d’un organisme bancaire et nous, société, nous vous versons une mensualité qui couvre le remboursement du prêt, voire un montant supérieur. » Avec l’arrêt des primes pour l’installation de panneaux photovoltaïques et la baisse des certificats verts, ainsi que la diminution de leur octroi dans le temps, ces sociétés ont vu leur montage financier se casser la figure et n’honorent dès lors plus leur partie du contrat, proposant au mieux de rompre l’accord passé, au pire répondant désormais aux abonnés absents. Les particuliers qui ont souscrit à ce mécanisme se voient contraints de continuer à rembourser leur prêt, sans plus toucher la mensualité promise. En cas de résiliation amiable, les cli0ents ont pu récupéré les certificats verts par le biais de la Cwape et peuvent espérer une indemnisation couvrant notamment les avantages d’impôts que les sociétés ont engrangés. Si la société cesse de payer purement et simplement les mensualités, s’engage alors une bataille juridique nécessitant l’appel à un avocat pour envisager un procès au fond, notamment pour empêcher la société de continuer à empocher les primes et les certificats verts. Test Achats a très tôt dénoncé les risques que ce type de contrats recelait de manière intrinsèque (Voir sur le site de Test-Achats : « Tiers investisseurs : pas sans risque », du 22 janvier 2013 et « Tiers investisseur : que faire en cas de problème ? », du 11 février 2014).

De la solvabilité des emprunteurs

Selon les investigations du journaliste Xavier Counasse, parues dans Le Soir du 3 mars 2014, un autre élément renforce les difficultés des particuliers qui ont souscrit ce type de contrat : le fait que les crédits qui leur ont été concédés par des prêteurs – travaillant généralement de concert avec les sociétés installatrices de panneaux solaires – l’ont été de manière très légère, sans que la solvabilité des emprunteurs ait été analysée de manière approfondie. Et de citer le cas de Michel : « J’ai demandé à ma banque (Belfius, NDLR) un emprunt de 15 000 euros pour installer moi-même des panneaux, mais le crédit m’a été refusé. Deux semaines plus tard, en passant par la société Home Vision, j’obtiens dans la même agence un prêt de 40 000 euros pour financer mes panneaux et des panneaux en Italie. L’installateur m’avait garanti un bénéfice de 250 euros chaque mois (…). Aujourd’hui je dois rembourser 427 euros par mois et je ne touche plus le moindre euro depuis que l’installateur est en faillite. A bien y réfléchir, je me demande comment la banque m’a laissé faire, moi qui suis chômeur, avec un crédit hypothécaire et une pension alimentaire mensuelle ». Toujours selon le journaliste du Soir, le nom du prêteur Record Bank reviendrait souvent dans ces dossiers, avec des analyses de solvabilité très sommaires, alors qu’elles font pourtant partie des obligations dans le chef des prêteurs. De nombreuses familles déjà très faibles socialement seraient ainsi en grande difficulté en raison des cessations de paiement des sociétés de panneaux solaires et des montants prêtés par les banques de manière inconsidérée.

Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

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