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Regard critique · Justice sociale

Echos du crédit et de l'endettement

Des violences économiques faites aux femmes

L’asbl Financité s’est penchée sur la thématique des violences économiques vécus par les femmes. Une problématique qui se manifeste au sein des familles, mais aussi dans le milieu du travail et du fait des institutions.

Parmi les différents types de violence fondée sur le genre, à savoir physique, verbale, psychologique, sexuelle, figure la violence socioéconomique, comme le relève le Conseil de l’Europe sur son site internet1. Il y est mentionné les formes les plus classiques de violence socioéconomique, soit priver la victime de ses revenus, lui interdire d’avoir un revenu propre ou l’empêcher de travailler, mais aussi avoir un regard sur les finances de la famille ou encore usurper l’identité de la personne pour effectuer des transactions financières.  

La violence socioéconomique dans la sphère publique est également citée comme étant à la fois la cause et l’effet d’une relation de pouvoir déséquilibrée entre les femmes et les hommes, avec le refus de l’accès à l’éducation ou à un emploi rémunéré, à certaines fonctions et à la jouissance de droits civiques, sociaux, économiques, culturels et politiques. Certaines de ces violences économiques contribuent à placer les femmes dans une dépendance économique à l’égard de leur partenaire, ce qui permet à cette violence de s’exprimer dans le couple, sans craindre de perdre son partenaire vulnérable sur le plan économique. 

C’est cet angle spécifique que l’asbl Financité et le Gsara, un organisme d’éducation permanente axée sur l’expression audiovisuelle, ont développé dans un cycle de conférences qui se sont déroulées en novembre dernier et qui se basaient sur un documentaire filmé par le Gsara. Sous les coûts est un court métrage de 26 minutes qui reprend les témoignages de trois femmes victimes de violences économiques, lesquelles représentent un fléau silencieux qui touche principalement les femmes.

L’argent, outil de domination dans le couple

Selon une étude de l’Agence de l’Union européenne pour les droits de l’homme réalisée en 2014, en Belgique, une femme sur sept a subi des violences économiques ou risque d’en subir2. Le documentaire du Gsara ne fait rien d’autre que d’illustrer cette réalité telle qu’elle est vécue au sein du couple. Trois femmes y déposent leurs témoignages poignants, révoltants, questionnants sur les relations hommes-femmes au XXIe siècle.

 La violence socioéconomique dans la sphère publique est également citée comme étant à la fois la cause et l’effet d’une relation de pouvoir déséquilibrée entre les femmes et les hommes, avec le refus de l’accès à l’éducation ou à un emploi rémunéré, à certaines fonctions et à la jouissance de droits civiques, sociaux, économiques, culturels et politiques.

Parmi ces témoignages qui vont crescendo, des phrases choc et un piège qui semble se refermer, inexorablement: «Très vite, après qu’on s’est mis ensemble, il est venu s’installer chez moi. Je vivais avec ma sœur, il l’a mise dehors», «Il disait que je dépensais trop. Avec mon premier salaire, je voulais m’acheter un gilet. Il m’a dit non. Quand on faisait des courses, il passait derrière moi et retirait des affaires du Caddy», «Il choisissait mes amis, j’étais complètement isolée», «Nous étions cohabitants légaux. À la première dispute, il a été à la commune faire annuler le contrat. Je travaillais, il avait ma carte bancaire», «Il a hérité, j’ai proposé qu’on achète un bien immobilier ensemble, il a dit non et a acheté un appartement à son nom. Pendant ce temps, je payais toutes les factures du quotidien», «J’étais enceinte, j’ai dû arrêter le travail à cinq mois de grossesse. Quand j’ai voulu reprendre le travail, il ne voulait pas, cela a créé des tensions», «Il est parti en Turquie en vacances pendant six semaines. Sur le compte il restait 84 euros, même pas de quoi acheter une boîte de lait en poudre. Je pensais pouvoir récupérer de l’argent sur son compte bancaire sur lequel j’avais procuration. Quand j’ai été à la banque, on m’a dit que la procuration avait été retirée», «Je voulais partir, mais je n’avais nulle part où aller», «Quand j’ai cherché de l’aide, l’assistante sociale m’a dit que j’aurais dû mieux choisir le père de mes enfants», «Je travaille, mais je n’ai qu’un petit salaire et, pour la pension alimentaire, c’est le parcours du combattant. C’est le seul moyen de contrôle qui lui reste et de punition pour l’avoir quitté», «Il a retiré tout l’argent du compte d’épargne de mes filles, soi-disant pour le bien-être du ménage», «Je suis seule avec mon fils, je me prive, j’ai pu retrouver un travail à temps plein, mais j’ai d’abord dû apurer les dettes laissées par mon conjoint. Aujourd’hui j’ai 45 ans, je ne pourrai jamais devenir propriétaire», «J’ai perdu onze ans de ma vie, j’ai reculé. Il faudrait un système judiciaire qui protège mieux.»

Une reconnaissance légale

En 2011, la Convention d’Istanbul est le premier texte international à définir et à faire une typologie des violences économiques faites aux femmes. La loi belge féminicide du 13 juillet 2023 reprend cette notion de violence économique comme une forme de violence conjugale. Elles consistent à priver une personne de son autonomie financière en limitant son accès aux ressources, en la surendettant ou l’empêchant de travailler. L’objectif est de restreindre l’indépendance de la victime et de la rendre dépendante de l’agresseur.

Le fait d’avoir voté cette loi et d’avoir également adopté une résolution à la Chambre en date du 19 avril 2024 qui reconnaît ces violences et préconise leur pénalisation permet désormais de prévenir et de lutter contre ces violences, notamment par la formation de policiers et magistrats.

D’autres violences économiques

Les violences économiques faites aux femmes ne se situent pas uniquement dans le couple ou dans les relations interpersonnelles, mais aussi dans les collectivités, que ce soit dans le milieu du travail ou par les institutions.

Le licenciement abusif autour d’une grossesse est un exemple relativement fréquent de violence économique lié au monde du travail, tout comme les différences salariales entre les hommes et les femmes pour un emploi équivalent. En effet, cet écart salarial est toujours de 9,2%, selon un rapport établi par l’IEFH en 2021. Les contrats de travail proposés aux femmes relèvent par ailleurs davantage du temps partiel que celui proposé aux hommes: dès lors, deux tiers des travailleurs pauvres sont des femmes.

En 2011, la Convention d’Istanbul est le premier texte international à définir et à faire une typologie des violences économiques faites aux femmes. La loi belge féminicide du 13 juillet 2023 reprend cette notion de violence économique comme une forme de violence conjugale.

Autre domaine dans lequel on peut évoquer la question des violences économiques basées sur le genre: celui des pensions. En effet, bon nombre de femmes peinent à atteindre les 45 ans de carrière complète et dès lors ne touchent pas une pension complète. Le risque de pauvreté est dès lors cinq fois plus élevé pour les femmes en âge d’être pensionnées. De manière connexe, on peut également citer le travail domestique très largement encore pris en charge par les femmes, pour lequel aucune valorisation n’existe.

Quel rôle des banques?

Alors qu’en France, des institutions financières proposent une aide financière sous forme de prêt sans intérêt ou de don à des femmes qui souhaitent quitter le domicile conjugal à la suite de violences conjugales ou encore donnent la possibilité d’ouvrir et de bénéficier d’un compte bancaire et des services financiers gratuitement pendant deux ans, en Belgique, rien de tel, si ce n’est lors des contacts interpersonnels avec la banque. Seule BNP Paribas Fortis a été recensée par Financité comme se déclarant attentive à cette question et promettant des actions de sensibilisation de leur personnel. Une option pour l’ouverture facile d’un compte réside aussi dans le compte Nickel, qui se fait via les librairies.

Avec la création d’un «Pack nouveau départ», mis en place par la Conférence interministérielle sur le droit des femmes en avril 2024, il est désormais prévu une aide financière d’urgence pour aider les femmes victimes de violences économiques à quitter leur foyer. Un engagement qui reste encore à concrétiser… sous la nouvelle législature.

1. https://urls.fr/nDz5Op.

2. https://urls.fr/8ij7hb.

Pour aller plus loin…

sur le site de Financité, vous pouvez retrouver les deux analyses de Danaé List (Financité) sur cette question: «Les violences économiques faites aux femmes» (https://urls.fr/uUKJx1) et «Les banques alliées des femmes victimes de violences conjugales?» (https://urls.fr/WISrqN).

Une campagne qui vise les hommes

On peut aussi signaler la campagne conjointe de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Wallonie et la COCOF, diffusée depuis le 18 novembre sur les chaînes de télévision belges francophones. Ses originalités: le fait qu’elle s’adresse aux hommes en tant qu’auteurs potentiels et son angle particulier qui met l’accent sur «la meilleure version de vous-même». Il s’agit d’encourager les hommes à s’interroger sur leurs comportements, à identifier s’ils exercent un contrôle ou une emprise sur leur partenaire, à réaliser l’intérêt d’une relation plus épanouissante et si elle est exempte de violence. Cette campagne invite aussi à faire appel à la ligne Écoute violences conjugales (0800.300.30) permettant d’entrer en dialogue avec des professionnel(le)s. Pour plus d’infos: https://urls.fr/4ZPbo1.

Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

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