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Regard critique · Justice sociale

Logement

Des yourtes en Gaume

Tintigny peine à loger ses résidents à moindres revenus. Du coup, la commune luxembourgeoise a affecté un terrain pour lancer une expérience pilote de logements légers, à l’instar des yourtes.

Un champs de yourtes, bientôt un paysage typique ardennais ? (photo Damien Craps-https://habitatsurpattes.wordpress.com)

Tintigny peine à loger ses résidents à moindres revenus. Du coup, la commune luxembourgeoise a affecté un terrain pour lancer une expérience pilote de logements légers, à l’instar des yourtes.

Des yourtes pour se loger? L’idée est de conserver les jeunes dans l’entité et de leur donner la possibilité de s’y installer définitivement. En permettant l’accès à un logement alternatif, avec un loyer modéré, le bourgmestre, Benoît Piedbœuf (MR), souhaite favoriser leur implantation grâce à une charge locative ou acquisitive réduite pour, dans un second temps, envisager la réalisation d’un projet de construction plus ambitieux. «L’intérêt est de répondre à un besoin, explique le bourgmestre de Tintigny. Depuis 27 ans, notre population est passée de 3.300 à 4.273 habitants. Sur la même période, le prix d’un terrain correspond au prix d’un terrain avec nouvelle construction d’il y a 20 ans. La valeur des terrains a été multipliée par plus de 10», continue-t-il. De là est née la réflexion sur l’habitat alternatif. «Pendant longtemps, on m’a répondu que l’installation de yourtes se faisait uniquement en zone de camping et de loisirs. Jusqu’au moment, avec d’autres parmi lesquels des responsables de l’urbanisme, on s’est dit que ce qui est possible en zone de camping devait être possible en zone d’habitat. Ce qu’il faut, c’est de trouver le bon terrain et d’introduire un dossier cohérent. Ce que nous avons fait», poursuit Benoît Piedbœuf. Le terrain sélectionné est celui de la halle de Han, lieu emblématique de la commune, lieu de développement rural où l’on retrouve des entreprises d’économie sociale ou encore un marché fermier. «Comme c’est un terrain en zone d’habitat, si nous l’équipons avec eau, égout, électricité et que l’on installe des unités d’habitation comme des yourtes, je ne vois pas pourquoi on pourrait refuser la domiciliation. La législation doit répondre aux besoins des gens. Il est donc nécessaire de la faire évoluer, en développant un type d’habitat moins cher, plus accessible. Il faut être créatif et permettre la domiciliation dans un habitat de ce type si on équipe le terrain et que l’on fait évoluer les normes urbanistiques», ajoute le bourgmestre.

Des freins aux yourtes

Pour le moment, ce projet pilote intéresse près d’une quarantaine d’habitants de l’entité, même si le terrain accueillerait entre six à neuf cellules d’habitation. Reste qu’en Région wallonne, l’habitat léger baigne dans un flou juridique, et la yourte n’y fait pas exception. Mis à part l’article 22bis du code du logement qui parle d’une habitation qui n’est pas un logement et l’article 28 § 1 du CWATUPE sur les équipements communautaires, aucun texte de loi n’ouvre la porte à ces logements peu conventionnels. Les freins à la reconnaissance légale sont nombreux et pas des moindres. Il faudrait en effet modifier le plan de secteur (CWATUPE) et modifier les normes de salubrité, de sécurité et de surpeuplement (code du logement) pour les propriétaires occupants.

 

«(…) si tout cela se passe bien, il y aura la possibilité de se domicilier dans une yourte. Inutile de vous dire que ce n’est pas évident parce qu’on a un gros problème de normes.», Damien Craps, asbl «Habitat sur Pattes»

 

Loin de Tintigny, Damien Craps a créé une asbl nommée «Habitat sur Pattes» pour promouvoir l’installation dans cet habitat léger. Avec un groupe d’artisans, il propose une aide technique à des gens qui voudraient par eux-mêmes construire une yourte. Damien Craps le reconnaît: se domicilier dans un habitat comme la yourte, c’est quasiment impossible. «Il n’y a pour ainsi dire aucune législation en la matière. Si vous voulez vous domicilier, il faut passer par la procédure classique, en trouvant un architecte, un entrepreneur, et si tout cela se passe bien, il y aura la possibilité de se domicilier dans une yourte. Inutile de vous dire que ce n’est pas évident parce qu’on a un gros problème de normes. L’architecte devra en tenir compte dans ses plans, et ainsi de suite», explique Damien Craps. À ses yeux, l’idéal serait d’avoir une législation adaptée, ce qui se traduirait par un permis d’installation simplifié pour les habitats légers. Mais à entendre l’ingénieur agronome, la volonté politique ne serait pas là…

Aller plus loin

«L’habitat léger: en finir avec la brique dans le ventre», Alter Échos n°398, mars 2015, Amélie Mouton.

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste (social, justice)

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