L’ouverture d’un centre à Bierbeek devrait enfin fournir un début de solution pour les détenus présentant des problèmes psychiatriques.
Publié le 30 septembre 2015.
On se souvient du cas de Frank Van Den Bleeken, qui avait fait grand bruit au début de cette année. Condamné à trente ans de prison pour plusieurs viols et un meurtre, ce délinquant sexuel, vraisemblablement incurable, avait demandé l’euthanasie en raison de souffrances psychologiques qu’il estimait insupportables. Atteint de problèmes psychiatriques lourds, il n’a jamais pu bénéficier d’un traitement approprié en détention, même s’il séjourne depuis peu dans le tout nouveau centre de psychiatrie légale de Gand (voir aussi Alter Échos 325).
Une solution semble enfin se dessiner pour ce type de cas avec l’ouverture, au sein du Centre psychiatrique universitaire Sint-Kamillus de Bierbeek, d’une section pouvant accueillir trente détenus psychiatriques pour lesquels aucun traitement psychiatrique n’est plus possible. La création de ce centre a été annoncée conjointement le 16 septembre par le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), et la ministre de la Santé publique, Maggie De Block (Open VLD). Cette dernière estime que ce type de patients pourra désormais y séjourner dans des conditions humaines et dans un environnement sécurisé. Les premiers patients devraient y être admis au printemps 2016. Il s’agit d’un projet pilote qui devrait faire l’objet d’une évaluation par les deux ministres d’ici un an.
Cette initiative ne vient pas trop tôt. La Belgique a été à maintes reprises condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir mis des patients psychiatriques incurables derrière les barreaux sans autre forme de procès. Le nouveau centre doit constituer le chaînon manquant dans l’optique de l’humanisation de la condition de ces condamnés. Pour accueillir les prisonniers pouvant bénéficier d’un traitement, outre le centre de Gand, une institution similaire devrait encore voir le jour à Anvers – elle est actuellement en chantier.
Consensus politique
Une fois n’est pas coutume, même l’opposition applaudit cette initiative. «Le ministre Geens s’attaque sérieusement au problème de l’accueil des détenus psychiatriques», réagit le sénateur SP.A Bert Anciaux, auteur de la loi relative à l’internement des personnes qui porte son nom. «Le chemin qui reste à faire est encore long mais, pour la première fois, j’ai bon espoir qu’on y arrive.» Cette solution n’est pas la panacée. Il y aurait entre 60 et 100 personnes souffrant de troubles psychiatriques incurables dans les prisons belges (selon des chiffres cités par Koen Geens, un quart des 1.100 détenus psychiatriques belges sont en prison). De plus, le centre de Bierbeek n’accueillera que des hommes. Il est encore question de créer un centre en Wallonie et un autre pour les femmes.
Les conditions d’admission seront très restrictives. Il devra s’agir de prisonniers sur lesquels les traitements n’ont aucun effet mais qui ne présentent pas de danger pour leur entourage immédiat – celui-ci n’était en l’occurrence constitué que d’hommes adultes – qui peuvent séjourner dans un environnement plus ouvert et qui ne risquent pas de s’évader. Par contre, il n’y a pas de critères quant au type de profil: délinquants sexuels, toxicomanes, pyromanes et même meurtriers pourront entrer en ligne de compte, sous les conditions évoquées ci-dessus. C’est la commission de défense sociale du nouveau centre qui fera la sélection.
Le centre de Bierbeek sera géré par la congrégation des Broeders van Liefde. Le Centre universitaire a pris pour son compte des travaux d’aménagement à hauteur de 206.300 euros, la Justice a investi 370.000 euros pour la sécurisation du site et la Santé publique paiera 700.000 euros par an en frais de personnel supplémentaires, le montant de base pour les soins prodigués à 30 patients psychiatriques étant de 3,5 millions par an.
D’après De Morgen et De Standaard
Aller plus loin
«Internés sous les verrous: punis ou soignés?», Alter Échos n°366 du 27.09.2013, par Marinette Mormont.
«Le futur centre de psychiatrie légale de Gand: prison médicalisée ou hôpital sécurisé?», Alter Échos n°325 du 21.10.2011, par Pierre Gilissen.