C’est à Bruxelles que des participants issus de cinq pays différents se sont réunis pour une deuxième rencontre internationale des entreprises d’insertion. Elle apermis de relancer un travail d’échange de pratiques et de mise en réseau initié au Québec en 2004. Elle a aussi jeté les bases d’un débat sur le rôleet le devenir du secteur.
L’intention de constituer un réseau francophone d’échange d’expériences des entreprises d’insertion s’était concrétisée lors d’une premièrerencontre internationale au Québec en 2004 et à travers la Déclaration de Montréal issue de cette rencontre. Les participants belges s’étaient alors engagésà mettre sur pied la seconde édition de cet événement en 2007. Organisée par un comité composé de SAW-B, l’ACFI-FIAS, la FeBISP et le RES, cetterencontre s’est déroulée à Bruxelles du 2 au 5 octobre. Elle a été soutenue par le secrétariat fédéral au Développement durable età l’Économie sociale.
Par le biais de conférences, d’ateliers et de visites d’entreprises, elle a été un lieu d’échanges sur les différents contextes, tant au niveau législatifqu’au niveau macro-économique, dans lesquels s’insèrent les entreprises d’insertion. Sur les paradoxes et contraintes qui découlent de ces contextes. Elle a surtoutété un lieu de confrontation des pratiques et des visions de l’insertion par l’économique. Ces échanges se sont notamment déroulés dans le cadre de sixateliers : l’évaluation et la reconnaissance des acquis d’un parcours d’insertion, la place des participants dans la vie démocratique de l’entreprise, la formation du personneld’encadrement, les moyens financiers des entreprises d’insertion, les partenariats entre économie sociale et secteur privé, les échanges entre entreprises d’insertion au Nord etau Sud, la question des emplois durables en entreprises d’insertion.
Le rôle historique des entreprises d’insertion
Cette rencontre a également permis de rappeler le rôle historique, parfois oublié, que les entreprises d’insertion ont joué dans nos sociétés au cours desdernières décennies. L’insertion par l’économique a en effet participé à l’invention de nouvelles politiques publiques. C’est notamment ce qui ressort d’uneétude menée par le réseau Emes1 et présentée par Marthe Nyssens, professeure au Cerisis (UCL). Les entreprises sociales, en voulant faciliterl’accès au travail pour tous, ont contribué à l’invention des « politiques actives » qui ont succédé aux politiques dites « passives »menées par les États. « Cela s’est d’ailleurs fait non sans ambiguïté », a souligné Marthe Nyssens.
Le rôle de ces entreprises ne se réduit cependant pas à celui d’un instrument de ces « politiques actives ». Elles poursuivent en effet des objectifs multiples : unobjectif économique, doublé d’un objectif social d’insertion qui accorde une dimension importante à l’empowerment et à la participation desbénéficiaires. En outre, les entreprises ont aussi des objectifs socio-politiques de mise en réseau et de défense de leur propre conception de l’insertion.
Les défis pour le devenir du secteur
Faire réfléchir le secteur des entreprises d’insertion à leur devenir, tel a été l’objectif de Jean-Louis Laville, professeur au Conservatoire national des Artset Métiers (Cnam) et codirecteur du Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (CNRS-Cnam). Il a proposé à son auditoire trois scénarios possiblesdans le futur. Le premier, celui de la constitution d’un nouveau secteur parapublic, favorise la création d’emplois à destination de personnes exclues du marché du travail dansles collectivités locales. Le second scénario, le plus privilégié actuellement, est celui du « sas » ou des emplois de transition, considéréscomme des tremplins pour s’insérer sur le marché du travail classique. L’inconvénient de ce scénario est de placer les entreprises d’insertion dans une situation dedépendance par rapport au marché, ce qui entraîne un risque d’écrémage de leurs publics. Pour s’extraire de cette situation de dépendance, et nous arrivons autroisième scénario, Jean-Louis Laville appelle les entreprises d’insertion à créer des alliances. Avec l’économie de marché territorialisée d’unepart, avec l’économie sociale et solidaire et les mouvements sociaux d’autre part. « Les acteurs, dans leur contexte national, ont souvent l’impression qu’un seul choix est possible», souligne Jean-Louis Laville. « Or, ces trois scénarios sont déjà mis en œuvre et sont donc trois choix possibles pour le futur ». D’oùl’importance, selon lui, de réaliser un travail heuristique (procédés de recherche et d’invention conduisant à la découverte) au niveau international, quipermettrait au secteur de l’insertion par le travail de prendre appui sur les initiatives existantes.
Lors de la journée de clôture, les intervenants et les participants ont réaffirmé leur adhésion aux valeurs communes de la Déclaration de Montréal :la primauté de la personne, l’importance accordée au travail pour l’intégration des personnes en insertion, la valorisation des compétences de ces personnes et l’actionéconomique réelle, associée à une prise de risque.
Ils ont également exprimé leur volonté de poursuivre un travail commun en constituant un « inter-réseau » francophone des entreprises d’insertion. Cet« inter-réseau » aurait pour objectifs de réaliser une veille stratégique politique collective, d’associer des experts pour réaliser des analyses touchantà des thématiques spécialisées. Il serait aussi un lieu d’échanges de pratiques pour les acteurs de terrain. Christophe Dunand et Jean-Charles Rey (Suisse romande)se sont engagés, si le processus s’enclenche bien, à l’organisation d’une 3e rencontre internationale des entreprises d’insertion dans quatre ans.
1. Réseau de recherche sur l’économie sociale et l’entrepreneuriat social, Emes European Research Network, c/o Université de Liège :
– adresse : bd du Rectorat, B33, boîte 4 à 4000 Liège (Sart-Tilman)
– tél. : 04 366 30 24
– courriel : info@emes.net
– site : http://www.emes.net