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Discrimination dans le logement social : entre le marteau et l'enclume ?

Le « Foyer namurois » pratiquerait la discrimination raciale à l’entrée pour les candidats locataires. Objectif avoué : favoriser la mixité sociale etculturelle. On se rappellera qu’on a déjà accusé les sociétés de logement public de favoriser la création de ghettos ethniques. Dès lors, on peut sedemander comment concilier ces deux positions.

24-04-2008 Alter Échos n° 250

Le « Foyer namurois » pratiquerait la discrimination raciale à l’entrée pour les candidats locataires. Objectif avoué : favoriser la mixité sociale etculturelle. On se rappellera qu’on a déjà accusé les sociétés de logement public de favoriser la création de ghettos ethniques. Dès lors, on peut sedemander comment concilier ces deux positions.

Le 18 avril, Le Soir titrait sur des « pratiques ‘racistes’ au Foyer namurois » concernant des candidats locataires d’origine étrangère. Il se basait sur un auditréalisé par la Société wallonne du logement (SWL), transmis depuis au parquet de Namur. Concrètement, le Foyer namurois établirait une discrimination enfonction de l’origine des candidats, en vue de limiter les personnes d’origine non européenne. Jacques Étienne (CDH), bourgmestre de Namur et président du CA du Foyer namurois,dit assumer. Il explique avoir pris cette décision pour lutter contre la ghettoïsation et favoriser la mixité culturelle et sociale.

Des réactions sans concession

On s’en doute, les réactions ont fusé suite aux informations parues dans la presse. « Sans préjuger des éléments du dossier transmis aujourd’hui auparquet, le Centre dénonce ce type de pratiques entrainant la mise en œuvre de modalités opératoires discriminatoires contraires aux règles d’attribution deslogements sociaux et à la législation de lutte contre les discriminations », précise le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme(CECLCR)1 dans un communiqué. Édouard Delruelle, directeur francophone du Centre, signale toutefois que « ces pratiques ne sont, hélas, pas une exception. Larecherche de mixité sociale est un objectif honorable et sans doute nécessaire pour la cohésion sociale des sociétés de logement. Mais cet objectif ne peutêtre atteint en dehors de règles clairement établies et applicables par tous et certainement pas en instaurant des quotas sur une base ethnique, sociale ou autre. »

De son côté, le Mouvement contre le racisme et la xénophobie (Mrax)2 dénonce également les pratiques du Foyer : « Cette pratique seprésente non seulement comme une discrimination caractérisée mais reposerait de surcroit sur une représentation raciste des étrangers. En effet, juger que pouréviter une population dite ‘de pauvre hygiène’ ou présentant tel ou tel ‘comportement’ indésirable, il suffirait d’écarter tous les étrangers noneuropéens, repose implicitement sur une hypothèse raciste consistant à réduire ces mauvais comportements à la seule origine des personnes. » Il a d’ailleursdéposé plainte au parquet de Namur pour faits de racisme.

Par ailleurs, le Centre d’action interculturelle (CAI) – Centre régional d’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère– de Namur3 s’oppose aussi à de telles pratiques discriminatoires en matière d’accès au logement : « La mixité sociale et culturelle est un enjeumajeur mais elle ne peut être rencontrée par de telles pratiques fondées sur des quotas raciaux ou ethniques. » Enfin, Didier Donfut, ministre wallon en charge del’Égalité des chances4, a déclaré soutenir « le principe de mixité sociale », tout en rappelant que « le droit au logement est un droituniversel et en aucun cas, une société de logement de service public ne peut le limiter sur la base de la nationalité ou en exigeant un certificat de bonne vie et mœurs».

Entre le marteau et l’enclume ?

Histoire de complexifier le débat, on signalera que le 7 mars dernier, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU5 se déclaraitpréoccupé par le fait qu’en Belgique, « les minorités ethniques sont souvent surreprésentées dans les logements sociaux en milieu urbain –jusqu’à représenter 90 % des occupants de ces logements dans certains cas – ce qui a abouti à une ségrégation de facto dans certains quartiers desgrandes villes ». Et d’inviter la Belgique à « adopter des mesures efficaces pour prévenir cette ségrégation de facto et remédier aux causes dece phénomène ». Sans approuver les pratiques dénoncées, on est dès lors en droit de se demander si ce n’est pas ce que le Foyer namurois était en trainde tenter…

Gérer « l’après » par la prévention

Quoi qu’il en soit, pour contrer ce type de dérives, on notera qu’André Antoine (CDH), ministre wallon du Logement, compte lancer une réflexion sur la mixité sociale etla lutte contre les ghettos. Le ministre Didier Donfut assure aussi travailler sur un décret visant à lutter contre les discriminations.
Par ailleurs, des contacts ont été pris entre le CECLCR et la SWL pour travailler ensemble, de manière à ce que « l’égalité de traitement pourchaque candidature soit assurée tout en rencontrant le souci de mixité qui peut exister ». Le CAI de Namur a fait une offre similaire au Foyer namurois et au bourgmestre, JacquesÉtienne, en vue d’élaborer des stratégies de travail communes sur cette question. Dernièrement, la Fédération de centres régionauxd’intégration (Fécri) avait édité un outil pédagogique visant à lutter contre la discrimination au logement privé.
On signalera aussi que, par le passé, de telles pratiques ont été dénoncées en Région de Bruxelles-Capitale. Afin d’y remédier, la solution avaitété l’instauration d’un fichier d’inscription centralisé, chose à laquelle s’attèle aujourd’hui la Région wallonne.

1. CECLCR :
– adresse : rue Royale, 138 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 212 30 00
– site : www.diversite.be
2. Mrax :
– adresse : rue de la Poste, 37 à 1210 Bruxelles
– tél. : 02 209 62 50
– courriel : mrax@mrax.be
– site : http://www.mrax.be
3. CAI :
– adresse : rue Dr Haibe, 2 à 5002 Saint-Servais
– tél. : 081 73 71 76
– courriel : info@cainamur.be
– site : http://www.cainamur.be
4. Cabinet de Didier Donfut :
– adresse : rue des Brigades d’Irlande, 4 à 5100 Jambes
– tél. : 081 32 34 11
– courriel : didier.donfut@gov.wallo
nie.be

5. Le même Comité s’était inquiété de l’obligation par le Wooncode d’apprendre le néerlandais, imposée aux candidats-locataires pouraccéder à des logements sociaux en Flandre. Relire à ce sujet l’édito de l’Alter Échos n° 248 : « L’ONU n’épinglepas que le Wooncode ».

Baudouin Massart

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