Mis en place par la Ville de Bruxelles, les Espaces verts ou l’IBGE (Bruxelles Environnement), les points d’eau potable et les toilettes publiques sont primordiaux pour ceux qui en sont dépourvus. Quid des initiatives privées venant pallier le manque d’infrastructures publiques d’aide à la satisfaction de besoins élémentaires ?
Les points d’eau potable et les facilités sanitaires sont indispensables pour les sans-abri. Pourtant, ils sont encore trop rares dans la capitale et comme souvent, les institutions, privées, qui en dispensent manquent de moyens pour améliorer et élargir leur offre.
Les sources vives du Pentagone bruxellois
« Tu ne peux pas savoir le bien que ça m’a fait d’être dans un grand bain ! », se réjouit ce SDF. Grâce à l’ouverture des bains de Saint-Josse, les sans-abri ont accès pour une somme modique à leurs infrastructures. « Ces petites structures fonctionnent ! », s’exclame Jean Peeters, pour le Front commun des SDF1 « et elles sont indispensables au même titre que les collaborations entre structures privées ». A Bruxelles-Ville, huit lieux mettent à disposition douches et/ou bains pour ceux qui en ont besoin. Outre cette offre, de surcroît répertoriée par Infirmiers de Rue2, le Pentagone bruxellois recense plus de trente points d’eau potable. La Ville de Bruxelles les met en place dans « des lieux où les personnes en situation précaire font régulièrement la manche », précise la Région. A cet égard, Infirmiers de rue tente de « mettre en valeur ce qui existe déjà et d’inciter les différents responsables à entretenir ou réparer ces infrastructures, à les signaler comme étant potables et à en installer de nouvelles », explique Laeticia Cloostermans, membre de l’asbl.
Devant l’incapacité des autorités publiques à prendre en charge ce large spectre de services, des initiatives privées voient le jour.
« Face aux dysfonctionnements et à la démission catastrophique de l’Etat, place est laissée au bricolage », explique Laurent d’Ursel3, initiateur, avec Chris Aertsen de DoucheFlux. « Nous avons décidé de mettre les mains dans le cambouis », dit-il, convaincu de la pertinence de son idée (toujours en état de gestation) qui vise à instaurer une « nouvelle dynamique » et qui « entend modestement « révolutionner » l’assistance apportée à Bruxelles aux plus précarisés ». Le public cible est par ailleurs large et ne se limite pas aux sans-abri. « Nous tenons absolument à être là pour les plus démunis, c’est-à-dire les SDF, les sans-abri et les sans-papiers. Et à permettre à la population défavorisée des environs de se doucher », précise Laurent d’Ursel.
Le premier axe vise donc à apporter un complément aux services sanitaires élémentaires existants : trente douches, douze lavabos, douze toilettes, des consignes et un salon-lavoir seront installés. Sans oublier un primordial guichet mettant à disposition les informations relatives aux divers services qu’offre le secteur. Mais il n’est pas tout de satisfaire les besoins les plus élémentaires…
« Ici, on ne joue pas au ping-pong »
C’est aussi, et surtout, le second axe de DoucheFlux qui est novateur. Au-delà de l’offre « lit-bain-assiette », DoucheFlux tend à appuyer l’adage de certains SDF : « On n’est pas que des estomacs… » « Ce n’est pas un endroit où l’on tue le temps », explique Laurent d’Ursel. Dans l’optique de participer à l’épanouissement des plus précarisés, un large panel d’activités « inédites » sera organisé : tables rondes, émissions radio hebdomadaires, conférences par et pour SDF. Une vidéothèque et une bibliothèque sont aussi prévues. Toutes ces activités permettraient de « donner du recul et de stimuler » le public visé.
« L’idée est merveilleuse… mais il ne faut pas rêver ! », réagit le Front commun des SDF, qui s’avoue sceptique et juge le projet à première vue « irréaliste ».
De DoucheFlux à Douche… Lux
Plus que le contenu, le contenant revêt une importance centrale dans la dynamique du projet. Le bâtiment, situé idéalement dans le centre-ville de Bruxelles, devra se vêtir de ses plus beaux apparats. « C’est un jeu de miroir », justifie l’artiste-activiste selon qui le précarisé « ne se verra plus comme un déchet dès lors qu’il entre dans un lieu luxueux qui lui est entièrement destiné ». Le cadre doit, en adéquation avec les activités, être stimulant et « tirer vers le haut ».
DoucheFlux veut élargir le champ des possibles et compte dès lors « voir très grand, tout de suite… ou ne sera pas ». Et il risque de ne pas voir le jour s’il ne récolte pas les bonnes grâces (et le soutien financier) tant de l’Etat et des entreprises privées que de « monsieur Tout-le-Monde ». « Nous les mettons au pied du mur », admet Laurent d’Ursel. DoucheFlux aura effectivement besoin du soutien du pouvoir public pour le bâtiment (900 m2minimum) ainsi que pour l’équivalent de vingt salaires à temps plein. Le secteur privé est invité à mettre la main au portefeuille via le sponsoring d’entreprise. Laurent d’Ursel cite en exemple le défilé annuel des Petits Riens, celui-ci attirant les plus grands couturiers du Royaume et d’ailleurs. « Nous voudrions créer cette même dynamique », souhaite-t-il.
Pour le Front commun des SDF, il est au contraire primordial que DoucheFlux parte du « petit pour ensuite greffer de nouveaux éléments et grandir ». Par ailleurs, une source ayant préféré conserver l’anonymat estime que la Région bruxelloise monnaierait sa participation à DoucheFlux contre une diminution des subsides octroyés à d’autres associations. Le cas échéant, cela ne manquera pas de faire grincer des dents auprès des institutions actives dans le secteur.
Se félicitant de pallier les manques existants en matière d’offre, en termes de service ou de plage horaire, DoucheFlux se veut complémentaire à qui existe déjà. A cet égard, Laurent d’Ursel souligne l’importance de synergies au sein du réseau.
Les réactions y sont, d’après celui qui les a récoltées, parfois sceptiques mais souvent « pires que bonnes ». En témoigne celle recueillie auprès du Front commun des SDF. Celui-ci, s’il voit dans le projet de bonnes choses, estime par ailleurs qu’il vaudrait mieux augmenter les moyens des petites structures plutôt que « d’investir massivement dans un Inno pour SDF », plaisante Jean Peeters.
« DoucheFlux n’est pas une destination finale mais un point de départ », soutiennent, idéalistes, les initiateurs du projet. Le duo se donne un an pour qu’il devienne réalité. « Bon courage ! », lui souhaite, entre espoir et ironie, le Front commun.
1. Front commun des SDF
– rue du Progrès, 225/1 à 1030 Schaerbeek
– site : http://www.frontsdf.be
2. Infirmiers de Rue
– rue de la Caserne, 80/4 à 1000 Bruxelles
– tél. : 0477 483 150 ou 02 265 33 00
– courriel : info@infirmiersderue.be
– site : http://www.infirmiersderue.be
3. DoucheFlux asbl :
– adresse : rue Coenraets, 44 à 1060 Bruxelles
– tél. : 02 539 30 24
– courriel : [mail=contact@doucheflux.be
– site : http://www.doucheflux.be