Sur une affiche à Londres, deux enfants, une fille et un garçon, avec ce texte : « Donnez-lui moins d’argent de poche (à la fille), vous l’éduquerezaux réalités professionnelles », rapporte Brigitte Grésy, responsable du Service des Droits des Femmes et de l’Égalité au ministèredélégué à la Parité et à l’Égalité professionnelle français. C’est le nœud de la question traitée par leréseau Flora1, l’OISP « Retravailler Liège » 2 et leurs partenaires français et italiens, dans le cadre du 5e programme communautaireÉgalité des Chances entre les femmes et les hommes et qui répond au doux nom de « Dow Jane ». Les associations participantes ont mené une réflexion surles représentations sexuées des valeurs du travail et de l’argent. En quinze mois, elles ont mutualisé, testé et imaginé des outils pour aborder cesthèmes avec des personnes en recherche d’insertion socioprofessionnelle, des travailleurs/euses et des syndicalistes. Une collaboration concrétisée par une malletted’outils3.
Un sujet tabou, l’argent, qui touche aux représentations ancestrales du rôle de l’homme et de la femme et met le doigt sur des enjeux identitaires forts. Bastiond’inégalités dans les échanges entre les sexes et inducteur de rapports de pouvoir. Les femmes éprouvent encore bien du remors à se donner une « valeurmonétaire » sur le marché de l’emploi. « Car malgré les avancées, les lois mises en place pour faire appliquer cette égalité entre lessalaires pour un travail à responsabilités et compétences égales s’imposent difficilement », reconnaît la représentante de la ministre Onkelinx.Le marché belge reste marqué par des ségrégations sexuées. L’écart moyen entre salariés masculins et féminins est de 15 %, le tauxd’emploi reste supérieur chez les hommes (69,5 % contre 51,5 %). Les femmes sont les plus nombreuses au chômage et sont les plus concernées par les emplois atypiques. Ellesrestent porteuses à 70-80 % des responsabilités familiales. Pourtant, autant les hommes que les femmes poursuivent des études supérieures, mais celles-ci sont majoritairesdans l’enseignement de type court à caractère social. Si les inégalités sont le fait d’une construction sociale, et culturelle, il en est de même pourl’égalité.
Céder une part de leur pouvoir de « fées du privé »
Partir du postulat que les tâches et les compétences n’ont pas de sexe permettra d’agir sur les représentations pour agir sur les faits eux-mêmes.L’implication des partenaires sociaux est fondamentale pour modifier le mode de distribution des fonctions, et s’attaquer aux écarts salariaux. C’est la prioritéactuelle de la Confédération européenne des syndicats, expose Béatrice Hertogs (secrétaire confédérale), qui se penche également sur uneréforme des pensions, en particulier pour les situations atypiques sources de pauvreté chez les femmes âgées. Autres soucis : organiser les structures d’accueil de lapetite enfance et de soins aux personnes dépendantes qui soient un appui pour de nouveaux rôles masculins et féminins, et mieux rémunérer le congé parental.« Toutes questions invisibles dans les débats politiques » souligne Béatrice Hertogs. Reconnaître à tous la pénibilité du travail et leurattribuer les primes en conséquence. Éviter l’écueil de la valeur sociale de l’activité des femmes, visualiser et valoriser leurs compétences.L’on continue à croire que leurs compétences tombent du ciel, explique Françoise Vouillot, maîtresse de conférences en psychologie (France).Reconsidérer les valeurs sexuées du travail et de l’argent c’est renverser l’ordre acquis de l’homme dominant mais attention, vouloir produire del’égalité ne doit pas éviter la question de la norme par rapport à laquelle on voudra devenir égalitaire.
« La solution est dans la mixité des métiers et des rôles sociaux, convainc Chantal Thomas, directrice de “Retravailler Liège”. Que les formateurscessent d’accrocher sur leur mur des calendriers avec des femmes nues et qu’il y ait des salopettes taille 38 dans les armoires. Les dispositifs de formation sont inadaptés. Laquestion du genre devrait traverser l’esprit de tous les formateurs et formatrices. La solution est dans le partage des tâches en permettant aux hommes d’investir la sphèrefamiliale. Cette conciliation entre vie professionnelle et familiale sera une clé dans les stratégies à venir en matière d’emploi, confirme Marina Piazza, de laDirection générale de l’Emploi et des Affaires sociales de la Commission européenne. Un gros travail est à entreprendre auprès des femmes en termes deformation à l’assertivité et de développement du sentiment de compétence, statistiquement plus élevé chez les hommes. Une présencemarquée des femmes dans des postes à responsabilités, dans les entreprises, aux niveaux politique et syndical, incitera à l’égalité. Les femmescontribuent au développement économique et sont essentielles à la diversité, explique Brigitte Grésy, mais elles doivent céder une part de leur pouvoir de“fées du privé” ».
1. Réseau d’associations bruxelloises, flamandes et wallonnes qui visent l’insertion socioprofessionnelle des femmes peu scolarisées, rue Bovy, 7 à 4000Liège, tél. : 04 253 24 15, site : www.florainfo.be, contact : Marie-Rose Clinet.
2. OISP « Retravailler Liège », rue des Champs, 75 à 4020 Liège, tél. : 04 341 24 24, site : www.users.skynet.be/retravailler/
3. Mallette (CD-Rom) disponible en mai 2003 auprès de Flora et de « Retravailler Liège ». Reprend les consignes d’animation, les référencesd’ouvrages, de productions et des personnes ressources, les lois déterminantes.