Envisagé avec une certaine passion il y a quelques années, le dispositif Idess suscite moins la controverse aujourd’hui. Même si les positions des uns et des autres n’ont pasbeaucoup évolué.
Mis en œuvre il y a un peu plus de trois ans, le dispositif Idess (Initiative de développement de l’emploi dans le secteur des services de proximité à finalitésociale) avait fait beaucoup parler de lui dans un premier temps, notamment lors de la délivrance des premiers agréments. D’abord à cause des objectifs, ambitieux àcertains égards. Destiné à permettre la mise en place, par les CPAS, les asbl et les SFS (Sociétés à finalité sociale) de la Région wallonne,de structures capables de prester une série de petits travaux et de petits services répondant à certains besoins des particuliers ou des collectivités, Idess visaitégalement la création de 1 200 équivalents temps-plein pour personnes peu qualifiées.
Mais l’autre source d’agitation provenait également, d’après certains [au rang desquels on retrouvait notamment le CESRW1 (Conseil économique et social de laRégion wallonne)], du potentiel de concurrence déloyale des structures Idess par rapport aux entreprises « traditionnelles » actives dans les secteursconcernés, à savoir ceux de l’entretien de l’habitat et du jardinage, entre autres. Et ce, même si le dispositif s’adresse en grande partie aux personnes à faiblesrevenus.
L’excitation est-elle retombée ?
Aujourd’hui, il semble que l’excitation des premiers jours soit retombée. Si l’on a bien pointé encore quelques soubresauts le 9 février 2009 avec un avis défavorabledu CESRW (concernant un projet d’arrêté d’exécution modifiant l’arrêté du 21 juin 2007 et qui visait à élargir le dispositif Idess), depuis, c’est lecalme plat. Une sorte de drôle de guerre où tout le monde campe sur ses positions… Tout au plus note-t-on une évaluation du dispositif, réalisée à lami-2009 par la Sonecom2. Une évaluation importante tout de même puisque réclamée par beaucoup de monde, et notamment par le CESRW, qui justifiait son avisdéfavorable par le caractère indispensable de celle-ci avant toute modification du dispositif.
Au-delà de cela, on l’a dit, le dossier ne paraît plus vraiment passionner grand monde, même si, d’après le cabinet de Jean-Claude Marcourt (PS)3, ministrewallon en charge de l’Économie sociale, Idess représenterait aujourd’hui environ 81 structures agrées pour 700 emplois. Un certain nombre des intervenants que nous avonscontactés a en effet admis ne plus suivre le dossier de très près. Les positions, quant à elles, n’ont pas vraiment évolué non plus, notamment en ce quiconcerne le manque de « rentabilité » des activités. « Le bilan d’Idess est selon nous effectivement mitigé, affirme à ce propos RicardoCherenti, conseiller à la Fédération des CPAS de l’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW)4. Si le bilan est relativement positif pour les gros CPAS quiengagent beaucoup de personnes, cela n’est pas très rentable pour les petites structures. » Un dernier constat que l’on retrouve également auprès de l’Unipso5(Union des entreprises à profit social), qui nuance cependant. « La situation du dispositif Idess n’a en effet pas énormément évolué, remarqueFrédéric Clerbaux, conseiller juridique à l’Unipso. Sinon, l’activité Idess n’est pas viable en elle-même pour les asbl, sauf si le personnel est majoritairementAPE6 (Aide à la promotion de l’emploi). Mais le dispositif n’a pas vraiment pris au niveau d’asbl qui se seraient créées pour ça. La plupart des Idess sontintégrées dans de plus grandes structures. Cela dit, la demande est là. Et nous voyons souvent dans les rapports d’activité des structures dire : « Ce n’est pastrès rentable mais nous le gardons car c’est un service pour notre public. » C’est une corde en plus à leur arc, dans un secteur limité. »
Pas de concurrence ?
Face à ces problèmes de rentabilité, le cabinet de Jean-Claude Marcourt réagit. « N’oublions pas que nous parlons ici de publics précarisés,note Joëlle Soir, collaboratrice en charge du dossier au cabinet. Être « rentable » n’est pas le but. Ce qui est recherché, c’est de rendre service à unpublic particulier. »
Or, note notre interlocutrice, un des points importants soulignés par l’étude de la Sonecom semble indiquer que les utilisateurs et les travailleurs du dispositif sont satisfaits decelui-ci. Une étude qui paraît également désamorcer les angoisses nées d’une concurrence déloyale potentielle, puisqu’elle note que le dispositif a peud’incidences sur le « secteur régulier ». Les prestataires subventionnés ne seraient d’ailleurs pas perçus comme d’importants concurrents par unsecteur régulier qui semble avoir une idée assez peu claire de ce que sont les structures Idess. Tous ne connaîtraient pas leur existence et la plupart ignoreraient ce que sontréellement ces structures, seulement 20 % des répondants déclarant en avoir déjà entendu parler. Mieux, si on leur demande s’ils se sontdéjà sentis en concurrence avec une structure Idess (en leur ayant préalablement expliqué ce que c’est), 97,5 % des interrogés du secteur régulierrépondent par la négative. « Idess semble s’être engouffré dans la bonne niche, note l’étude. Les finalités de l’un rencontrent assezbien les exclusives de l’autre. Une part significative des chantiers refusés – quasi toujours pour des raisons liées à une saine gestion desaffaires – par les entreprises du secteur régulier peut être prise en charge par une Idess (travaux peu rentables ou peu intéressants, clients peu « fiables»). La complémentarité avec le secteur régulier n’est pas un vœu pieux. Que ce soit en termes de services proposés ou en termes de clientèlevisée, les deux types de structures ne semblent pas courir les mêmes lièvres. » Au point que l’étude évoque la possibilité de collaboration entreles deux secteurs, quelquefois de manière formalisée. Une formalisation qui ne rencontrerait apparemment pas d’avis favorable du côté du cabinet de Jean-Claude Marcourt,même si l’on s’y réjouit de la possibilité de collaboration entre le secteur régulier et les Idess, selon Joëlle Soir.
Face à ces commentaires apaisants, on pourrait penser que les inquiétudes quant aux risques de concurrence déloyale n’ont plus de raison d’être. Or, du côtéde l’Union des classes moyennes7 (UCM), on dit faire toujours preuve de vigilance, comme il y a trois ans. « Le problème de l’étude de la Sonecom, c’est qu’ellemontre bien que les acteurs du « secteur régulier », comme elle les appelle, identifient peu les Idess parce qu’ils ne connaissent pas les spécificités deces structures, déplore Geneviève Bossu, conseillère emploi/formation à l’UCM. Sur le terrain, ils ne font pas la différence avec d’autres structures. »En d’autres mots : difficile d’identifier son opposant quand on ne sait pas à quoi il ressemble…
Cela dit, Geneviève Bossu pointe aussi la modification de l’arrêté d’exécution (contre lequel le CESRW s’était positionné), entré en vigueur le 10juin 2009, comme source de problèmes. Un arrêté qui élargit notamment, pour le dispositif Idess, la notion de public précarisé aux personnes de plus de 65ans, aux personnes handicapées et à certaines familles monoparentales. « Un des arguments des Idess à l’époque de la mise en place du dispositif étaitqu’il fallait leur céder un champ laissé vacant par le secteur régulier. Or là, l’élargissement à d’autres publics ne va pas dans un sens que noussoutenons… »
Un problème de CP
Les « hostilités » étant quelque peu réouvertes, il convient dès lors de pointer un autre problème, présent d’après certainsdepuis le début du dispositif. Celui-ci est relatif aux commissions paritaires. Pour les SFS fonctionnant avec des titres services, le fait de développer d’autres activités Idessannexes, même minoritaires, les fait basculer dans la commission paritaire de celles-ci. « Ce qui peut amener à des situations bizarres, comme le fait de voir une nettoyeusese retrouver dans la CP du bâtiment », note à ce propos Sébastien Pereau, secrétaire général de Concertes8, la Plate-forme deconcertation des organisations représentatives de l’économie sociale. Afin de trouver une solution, des négociations auraient été entreprises pour créer unesous-commission paritaire, dédiée aux SFS Idess, et qui aurait porté le numéro de 327.04. Joëlle Milquet (CDH), la ministre fédérale de l’emploi, auraitainsi déclaré qu’elle envisageait de proposer au Roi de modifier le champ de compétence de la commission paritaire nº 327 (concernant les entreprises de travailadapté et les ateliers sociaux) aux travailleurs en général occupés dans le cadre des Idess, à l’exception des travailleurs occupés par des employeursrelevant de la CP pour les services des aides familiales et des aides senior (CP nº 318) et de la CP pour le secteur socioculturel (CP nº 329). « Malheureusement, le gouvernementest tombé, se retrouve en affaires courantes et le dossier n’a plus bougé », continue Sébastien Pereau.
Une situation qui a notamment poussé AtoutEi9 (la Fédération des entreprises wallonnes d’insertion) à prendre des mesures. « Il est clair qu’il ya un problème à ce niveau, constate Laure-Anne Petre, coordinatrice à AtoutEi. Dans ce contexte, nous dissuadons les porteurs de projet qui penseraient à demander unagrément Idess aux côtés d’une activité titres-services déjà existante. »
Du côté du cabinet de Jean-Claude Marcourt, on se dit conscient d’une situation qui, à l’heure actuelle, aurait déjà affecté entre cinq et sept structures.« Il y existe aujourd’hui une sorte d’accord tacite qui permet de geler toute requalification [NDLR dans une autre CP]. Le problème est que les inspections qui agissent enmatière de CP sont sous-régionales et que certaines sont plus orthodoxes que d’autres, continue Joëlle Soir qui affirme également que le cabinet attend des nouvelles dufédéral. « Maintenant, il est clair que le ministre Marcourt a conscience que le système se développe, ajoute-t-elle. Depuis quelque temps, à chaquecommission d’agrément, nous tenons à cet effet une liste de pistes de travail pour faire évoluer le dispositif. » Une liste qui devrait donc permettre certainesmodifications, en passant, d’après Joëlle Soir, par un arrêté. « Mais nous en sommes encore aux fondations », conclut-elle.
1. Conseil économique et social de la Région wallonne :
– adresse : rue du Vertbois, 13c à 4000 Liège
– tél. : 04 232 98 11
– courriel : info@cesrw.be
– site : www.cesrw.be
2. Sonecom :
– adresse : ch. de Charleroi 49 à 1060 Bruxelles
– tél. : 02 539 38 90
– courriel : sonecom@sonecom.be
– site : www.sonecom.be
3. Cabinet de Jean-Claude Marcourt :
– adresse : rue Kefer, 2 à 5100 Namur
– tél. : 081 23 41 11
– courriel : jeanclaude.marcourt@gov.wallonie.be
– site : www.marcourt.wallonie.be
4. Fédération des CPAS de l’Union des villes et communes de Wallonie :
– adresse : rue de l’Étoile, 14 à 5000 Namur
– tél. : 081 24 06 11
– courriel : commune@uvcw.be
– site : www.uvcw.be/espaces/cpas/86.cfm
5. Union des entreprises à profit social :
– adresse : av. Reine Astrid, 7 à 1440 Wauthier-Braine
– tél. : 02 367 23 90
– courriel : unipso@unipso.be
– site : www.unipso.be
6. Le système APE consiste à octroyer sous la forme de points, une aide annuelle visant à subsidier partiellement la rémunération de travailleurs, uneréduction importante des cotisations patronales de sécurité sociale (sauf en secteur marchand) et une indexation automatique du montant de la subvention selon l’évolutionde l’indice des prix à la consommation.
7. Union des classes moyennes (Entente wallonne des classes moyennes) :
– adresse : rue Émile Cuvelier, 33 à 5000 Namur
– tél. : 081 32 06 47
– site : www.ucm.be
8. Concertes :
– adresse : place de l’Université, 16 à 1348 Louvain-la-Neuve
– tél. : 010 45 64 50
– courriel : contact@concertes.be
– site : www.concertes.b
e
9. AtoutEi :
– adresse : rue Monceau-Fontaine, 42/6 à 6031 Monceau-sur-Sambre
– tél. : 04 330 39 86
– courriel : federation@atoutei.be
– site : www.atoutei.be