Ce jeudi 22 février, la Fedito bruxelloise organisait une journée d’étude sur le «phénomène» des drogues à Bruxelles (1). L’occasion de présenter les nouvelles initiatives qui se développent dans le secteur.
3 à 6 nouvelles infections au VIH par an; 20 overdoses mortelles annuelles; 2.500 patients en institutions spécialisées pour y suivre un traitement; 2.500 personnes prises en charge en psychiatrie avec un diagnostic assuétudes… Bruxelles compte son lot de personnes en difficulté à la suite de leur consommation de drogues. «L’usage de drogues dans la capitale est le reflet de Bruxelles aujourd’hui. Une ville a les usagers de drogues qu’elle mérite», a déclaré Serge Zombek, président de la Fedito bruxelloise, en début de journée. Parmi les consommateurs problématiques, beaucoup cumulent les vulnérabilités (logement, judiciaires ou encore isolement social…) ett les services à bas-seuil qui les accueillent sont souvent saturés.
Pourtant dans le secteur ce ne sont pas les initiatives qui manquent.
Première grande évolution à noter: l’asbl Transit, opérateur de crise et d’hébergement depuis 20 ans, vient d’être nommée le 7 février dernier «opérateur régional bruxellois en matière d’assuétudes» dans le cadre du «Plan global de sécurité et de prévention» (PGSP).
L’asbl assumera désormais les missions de coordination du groupe de travail «assuétudes et drogues» au sein de ce plan; un rôle d’articulation avec les communes dans le cadre du «Plan de prévention et de proximité»; et la mise en place d’un centre intégré pour le public de consommateurs en situation de précarité, en partenariat avec Médecins du monde (MdM) et le Projet Lama. La désignation de l’asbl comme opérateur régional marque la reconnaissance, par les pouvoirs publics, du travail de terrain qu’elle mène depuis 20 ans, mais aussi du rôle qu’elle a joué toutes ces années dans de nombreux réseaux bruxellois.
Le projet de centre intégré de Transit, MdM et du Projet Lama devrait voir le jour au cœur d’une scène ouverte de consommation (Lire «Drogues à ciel ouvert, cocktail de risques»). Il s’agira d’un centre à très bas-seuil d’accès combinant toute une série de services et d’approches: une maison médicale, un abri (lit pour quelques heures, de jour comme de nuit), un travail mobile de rue, un espace de réduction des risques, un espace infirmier, un accompagnement psychosocial… voire une salle de consommation et de délivrance de diacétylmorphine (héroïne médicale). Les services proposés seront gratuits et anonymes, et l’accueil aura lieu 24/24h et 7/7j. Le projet mettra l’accent sur une ouverture vers le quartier, mais aussi sur des initiatives de participation, et de réinsertion des usagers tant dans le champ socioprofessionnel que dans le logement. Une attention particulière sera portée aux femmes, avec un lieu qui leur sera spécifiquement dédié (Sur la notion d’intégration dans le champ des assuétudes, lire «Toxicomanie: plus d’intégration pour davantage d’inclusion» dans la revue Santé Conjuguée).
D’autres avancées sont à épingler: la reconnaissance de la réduction des risques au sein du secteur ambulatoire, un nouveau décret en préparation pour la promotion de la santé, le renforcement des dispositifs d’échanges de matériel d’injection… (2). «Les politiques de santé et de prévention et de sécurité s’articulent au niveau régional et il y a une vraie convergence de vue au sein du gouvernement bruxellois concernant la repriorisation à faire en la matière», a tenu à souligner Baptiste Dehlauteur, représentant du ministre-président Rudi Vervoort. Quant à Cécile Jodogne, en charge de la Santé à Bruxelles, elle a réaffirmé que la thématique «drogues» était l’une de ses priorités.
Pas de salle de consommation
«Je pense qu’il serait très important d’avoir un / des lieu(x) où les personnes pourraient venir consommer soit des produits de rue soit de la diacétylmorphine prescrite», a déclaré Muriel Goessens, directrice de l’asbl Transit. Depuis de nombreuses années déjà, le secteur assuétudes bruxellois milite pour l’ouverture de salles de consommation à moindre risque (SCMR) dans la capitale.
Si les autorités régionales bruxelloises s’étaient récemment montrées ouvertes sur le sujet (Cocom, Cocof), le consensus semble ne plus être de mise.
Il y a une acceptation de principe au sein du gouvernement pour un projet de délivrance de diacétylmorphine (héroïne médicale) du même type que le projet Tadam mené à Liège par le passé, a expliqué Baptiste Delhauteur. Mais la mise en œuvre d’un tel projet, pour qu’il soit pérenne, suppose un assouplissement de la loi de 1921. En ce qui concerne une SCMR, lieu où les consommateurs peuvent venir consommer leurs propres produits de manière sécurisée, pas d’accord du CD&V ni du CDH. «Cela devrait faire partie des dispositifs indispensables, à côté d’autres, pour notre public, souligne pourtant Muriel Goessens. C’est un combat que nous allons mener jusqu’au bout.» Les discussions vont continuer au Parlement francophone, a assuré Cécile Jodogne: «Il faudra convaincre tout le monde que c’est une bonne option en explicitant et en rassurant.» Le groupe Ecolo au Parlement bruxellois a, de son côté, rédigé une proposition d’ordonnance visant à créer et légaliser des salles de consommation à moindre risque à Bruxelles.
- Toutes les interventions de la journée sont disponibles sur le site de la Fedito.
- Pour en savoir plus, lire le Plan Drogues 2016-2019 et son monitoring sur le site de la Fedito bruxelloise.