Une nouvelle étude juridique1 aborde le thème du droit à l’épanouissement au travail. Elle traite notamment de la formation dont l’effet positifdépendrait de la finalité.
Instiguée dans le cadre d’un projet ‘Fonds de la recherche scientifique fondamentale collective – Initiative ministérielle’ (FRFC – IM), l’étudemenée par trois juristes de l’ULB dresse un tableau actuel de l’épanouissement au travail pour les individus et met ce constat en perspective avec le droit social qui en fixe lesconditions.
L’hypothèse de départ est originale et interpellante : des dangers pèsent aujourd’hui sur le bien-être des travailleurs et mettent en péril leur légitimedroit à l’épanouissement professionnel. Les auteurs épinglent parmi les conditions objectives d’épanouissement au travail : la non-discrimination, les contraintestemporelles, les conditions de santé physique et mentale, le degré d’autonomie et la formation. « Dans la mesure où celle-ci permet aux individus de développer leurspropres activités », précise le chercheur André Nayer. Si, selon l’étude, ces différents piliers viennent à être déséquilibrés, ilest nécessaire de protéger les intérêts du travailleur, de même que de moderniser le cadre contractuel de la relation de travail.
L’épanouissement au travail peut se résumer à développer sa personnalité sans en être entravé et à déployer ses capacitésprofessionnelles. « Il s’agit d’une vision complémentaire par rapport à celle de l’homme perçu comme capital humain, nécessaire au processus de production de biens et deservices, poursuit André Nayer. La notion de capacité humaine est liée à la liberté des individus, à leur satisfaction et à leur valorisation. »
Traitant du phénomène d’ « accélération » – modification permanente du rythme, du nombre d’êtres humains et des conditions de travail – qui va de pair avec lerenforcement d’inégalités entre individus face au travail, l’étude s’attache à évaluer l’importance de la formation dans l’atteinte d’un « bonheur » professionnel ouau contraire dans la simple amélioration utilitariste des travailleurs. Cette seconde optique est celle, décrite par les chercheurs, comme répondant au seul intérêtde l’employeur sans que celui des personnes concernées soit pris en compte.
Formation et épanouissement : un lien direct
L’étude le rappelle : la formation perçue comme un droit social fondamental entraîne un devoir de la part de l’État ou de l’employeur d’organisation de celle-ci. « Onquitte ici la simple vision de se former pour avoir un emploi puis de suivre des recyclages professionnels pour le garder », commente André Nayer.
Sous quelles conditions la formation est-elle un facteur d’épanouissement ? Elle dépend d’abord d’éléments tels que la perception de la formation (valorisante oudévalorisante) en fonction de son vécu ainsi que de la prise en compte de l’investissement de l’apprenant dans sa formation. Cela peut induire une « contrepartie salariale quelquefoisignorée » en compensation de l’effort personnel effectué.
L’autodétermination des individus dans le choix de la formation est aussi indispensable, en suscitant « des situations où l’élève se forge des habiletésutiles à l’action » par opposition à la vision classique de la simple transmission des savoirs. L’épanouissement dépend aussi des relations qu’a l’individu avec lesautres membres de l’entreprise et de la reconnaissance qu’il en obtiendra.
D’après les auteurs, la question du sens de la formation prend aussi une importance grandissante. C’est aux individus de définir leurs objectifs de formation sous peine d’êtreinstrumentalisés par les besoins de leur entreprise ou du marché du travail et de connaître insécurité et déception professionnelle. Les auteurs reprennentici les réserves énoncées par le formateur d’adultes dans le domaine du développement personnel Franck Le Vallois2. La formation comme une fin en soi, et non un »moyen de perfectionnement permettant d’aboutir à la réalisation de nos projets » ou de validation de compétences serait une illusion. L’étude met aussi en gardecontre une certaine fuite en avant née d’une succession de formations, non évaluées et se révélant peu utiles à leurs bénéficiaires.
1. Anna Cieslar, Bernadette Smeester, André Nayer, le Droit à l’épanouissement de l’être humain au travail : métamorphoses du droit social, Éd.Bruylant, 2007.
2. Franck Le Vallois, Formation déformation. Des miroirs du développement personnel à l’œuvre de création, Éd. L’Harmattan, 2000.