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Regard critique · Justice sociale

Emploi/formation

Droit de grève : un règlement européen tué dans l’œuf

Retrait du projet de texte visant à concilier le droit de grève avec les libertés garanties par les traités européens.

28-09-2012 Alter Échos n° 346

Concilier le droit de grève avec les libertés garanties par les traités européens, tel était l’objectif d’un projet de texte présenté par la Commission européenne. Mais face à une opposition quasiment unanime et après l’avis négatif de nombreux parlements nationaux, le commissaire Laszlo Andor s’est résigné à laisser tomber son idée.

« Carton jaune » ! C’est le petit nom d’une procédure européenne nouvelle, prévue par le Traité de Lisbonne, qui permet aux parlements nationaux de contrôler la subsidiarité des projets venant de Bruxelles. Autrement dit : de vérifier que la Commission n’outrepasse pas ses compétences. Pour la première fois, le seuil a été atteint pour activer le mécanisme. Douze parlements nationaux (dont la Chambre belge des Représentants) ont dit clairement que le droit de grève était une question purement nationale. Le commissaire aux Affaires sociales, Laszlo Andor, n’est pas de cet avis. « Contrairement à ce qu’allèguent les différents avis motivés, le règlement ne pose aucun problème de subsidiarité », a-t-il rétorqué. Mais dépité par le « peu de soutien exprimé », il a fini par retirer la proposition. Une première.

Le texte avait été critiqué de toutes parts, aussi bien par les syndicats que par les fédérations patronales. Les partenaires sociaux se sont réjouis du retrait de la proposition – avec bien sûr des accents différents. Pour la confédération européenne des syndicats (CES), elle menaçait le droit de grève. Pour la coupole patronale BusinessEurope, « la diversité des pratiques nationales de relations industrielles doit être respectée ».

Les tribunaux garderont le dernier mot

Baptisé « Monti II », ce court texte disposait que les libertés garanties par les traités européens ne peuvent pas porter atteinte au droit de grève et, inversement, que celui-ci doit respecter les libertés économiques. Une clause définissait les voies judiciaires et extra-judiciaires pouvant être utilisées par les partenaires sociaux pour faire respecter leurs droits, principalement dans les cas de litiges transfrontaliers. Un nouveau mécanisme d’alerte était institué en cas de conflit social grave : les Etats membres auraient été tenus d’en informer les autorités du pays de siège d’une entreprise au cœur de la tourmente.

Il s’agissait, pour la Commission, de clarifier le cadre juridique du droit de grève, alors qu’aujourd’hui il revient souvent aux cours et tribunaux de déterminer si une action collective est excessive ou non. En Belgique comme ailleurs en Europe, les piquets de grève et autres actions restrictives sont souvent combattus par les employeurs par la voie judiciaire – avec un certain succès. Certains cabinets d’avocats se font même une spécialité d’aider les patrons à faire intervenir des huissiers.

La Cour de Justice européenne a rendu deux décisions de référence – les affaires dites « Laval » et « Viking ». Elle s’efforce d’y équilibrer libertés économiques et droits sociaux. Un exercice périlleux, qui ne manque pas d’inquiéter les syndicats. Après l’abandon du projet de règlement, la CES réclame désormais que la Commission présente un protocole de progrès social à joindre aux traités. Le document devrait notamment « confirmer que le marché unique n’est pas une fin en soi mais a été créé pour que les peuples de l’Union accèdent au progrès social ». Il devrait aussi « préciser que les libertés économiques et les règles de concurrence ne peuvent prévaloir sur les droits sociaux fondamentaux et le progrès social mais, au contraire, que les droits sociaux doivent avoir la priorité en cas de conflit ».

Pas sûr que la Commission l’entende de cette oreille. Echaudé par les critiques, le commissaire Andor n’entend pas de sitôt lancer de nouvelle initiative sur le droit de grève. Il entend plutôt se consacrer sur l’adoption d’un projet concret de directive sur le détachement de travailleurs, qui avait été déposé en même temps que le règlement controversé. Objectif : clarifier les responsabilités légales des employeurs et sous-traitants en cas de détachement de travailleurs d’un pays à l’autre. Un sujet plus proche des revendications des syndicats, même s’ils l’ont déjà jugé insuffisant.

En savoir plus

Le projet de règlement Monti 2
http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=7480&langId=fr

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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