L’Observatoire de l’enfance de la jeunesse et de l’Aide à la jeunesse (OEJAJ)1 de la Communauté française a organisé un séminaire sur le thèmedes obligations qui découlent de la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide). Trois questions étaient passées au crible : droits économiques, sociauxet culturels, éducation et stratégies à mettre en place. Le moins que l’on puisse dire c’est que la Belgique ne brille dans aucun de ces trois domaines.
À la fin de l’année passée, différents anniversaires se sont télescopés. L’OEJAJ soufflait ses dix bougies alors que la Convention internationale desdroits de l’enfant (Cide) atteignait sa vingtième année. Pour marquer le coup, l’OEJAJ a décidé de célébrer ces évènements en organisant, le 9décembre, un séminaire ayant pour thème « les obligations des États parties qui découlent de la Convention des droits de l’enfant : état deslieux ». Les secteurs des droits de l’enfant et de l’Aide à la jeunesse étaient conviés au séminaire. Si trois spécialistes universitaires sontintervenus pour poser le cadre théorique, place était laissée aux débats et aux perspectives d’actions : des recommandations seront d’ailleurs adressées auxpouvoirs publics sur la base des discussions de la journée du 9 décembre.
Les principales régressions dues à la pauvreté
Les États, dont la Belgique, ne peuvent pas se contenter de vagues engagements en matière de droits de l’enfant, ils ont des obligations qu’ils doivent respecter. Cetteidée-force du séminaire a traversé les trois discussions de la matinée.
La première traitait des obligations en matière de respect des droits économiques sociaux et culturels, sur la base d’un exposé de Wouter Vandenhole, professeur àl’université d’Anvers et titulaire de la chaire Unicef-Droits de l’enfant.
La Cide a expressément prévu que les États respectent une série de droits économiques et sociaux, dont le droit à la santé, à lasécurité sociale, à un niveau de vie suffisant ou au logement. Si les spécialistes, explique le professeur, conviennent qu’en fonction des ressources d’un État, laréalisation concrète de ces droits ne peut se faire du jour au lendemain, tous les États ont des obligations de base et notamment celle d’agir en mettant en place des politiquespubliques qui tendent à assurer le respect de ces droits. Dans le même temps, ils s’engagent à ne pas régresser sur le chemin du respect des droits économiques etsociaux et à ne pas discriminer certaines catégories de population.
Face à ces principes théoriques, un constat amer était partagé par les membres de l’assemblée : la Belgique ne respecte pas vraiment ses obligationsinternationales. Elle régresse même, notamment à cause de la pauvreté, qui elle, s’accroît sous les effets de la crise économique. Avec un impact important surles droits économiques ou sociaux et ce, malgré les filets de sécurité sociale qui, tant bien que mal, amortissent les effets du chômage et de l’exclusion. Lesenfants et les jeunes sont parmi les victimes, les premiers touchés. Tous les acteurs impliqués auprès des enfants, de l’ONE aux services d’aide à la jeunesse en passantpar le délégué général aux droits de l’enfant, tiraient la sonnette d’alarme. Les services sociaux sont plus que jamais engorgés et l’attente pourbénéficier d’une aide peut se faire longue, ce qui accentue l’état général de précarité : logement insalubre, accès à lasanté médiocre, et décrochage scolaire dès le plus jeune âge. Bien évidemment, ces situations sont parfaitement incompatibles avec la recherche de« l’intérêt supérieur de l’enfant », point cardinal de la Cide. Et, cerise sur le gâteau, observent les acteurs de terrain, les nombreux services encontact avec des demandeurs d’aide (CPAS, ONE, Aide à la jeunesse, etc.) se concertent peu et sont cloisonnés, ce qui alourdit davantage encore les démarches pour les futursbénéficiaires d’une aide sociale.
Une absence de stratégie globale
La question scolaire est une bonne illustration de ces problèmes, il s’agissait du second thème de la matinée, abordé par Jacques Fierens, chargé de coursà l’université de Liège. Ce dernier n’a pas traité la question sous l’angle habituel de l’accès au droit à l’éducation, la question de l’écolecomme facteur de reproduction des inégalités sociales étant par ailleurs très souvent étudiée et discutée. Jacques Fierens s’est plutôtattelé à analyser la question de l’éducation du point de vue de son contenu. La Cide, en son article 29, insiste en effet sur le fait que les droits des enfants, ainsi que lesdroits de l’homme en général doivent être enseignés aux enfants. Pour que les enfants se sachent sujets de droit, ils doivent les connaître, on doit leur enseigner.Là encore, le bilan dressé tant par Jacques Fierens que par les participants n’était guère réjouissant. De l’avis général, l’enseignement reçupar les professeurs en école normale ne traite pas, ou trop peu, des droits de l’enfant. Plus encore, les droits de l’enfant ne sont pas inscrits au programme scolaire alors que, selon JacquesFierens, la Belgique en a l’obligation.
Il s’agit pourtant d’un élément clé : lorsque les enfants – et la société dans son ensemble – auront conscience de l’étendue de cesdroits, alors peut-être que les enfants réclameront leur application concrète dont l’accès à l’éducation « sur la base de l’égalitédes chances », comme le stipule la Cide en son article 28. Le manque de formation sur le thème des droits de l’enfant et l’inégalité scolaire qui se construitdès la prime enfance ont occupé l’essentiel des débats. L’absence de stratégie globale de la Communauté française en la matière a par ailleursété rappelée, ce qui nous conduit tout droit au dernier échange du séminaire qui avait pour but d’approfondir les questions de« stratégies » des États. Qu’est-ce que les États doivent mettre en place pour réaliser concrètement les droits de l’enfant ? Quellesstratégies, quels plans d’action, quelles études d’impact et quels indicateurs ? Gauthier De Béco, chercheur associé à l’université de Louvain, s’estchargé de poser les jalons de la réflexion. Le point de départ sonnait comme une évidence : si l’on souhaite mettre en place des politiques publiques efficaces pourfaire vivre les droits de l’enfant, celles-ci doivent se baser sur des indicateurs fiables. Il est nécessaire, dans le même temps, d’imaginer des p
lans d’action, des stratégiespour atteindre les buts fixés. Les indicateurs servent ensuite à évaluer l’impact de ces politiques sur le réel.
À l’écoute des différents intervenants, on réalise que les carences de la Communauté française sont importantes et reconnues : le manqued’indicateurs fiables est criant et la « stratégie globale » qui avait été élaborée par le précédent gouvernement est,semble-t-il, tombée aux oubliettes. Quant aux études d’impact, elles se font rares. Le décalage avec le voisin flamand est évident : pour chaque mesure concernant lesdroits de l’enfant, le parlement flamand commande des études d’impact. Même si peu de pays dans le monde mettent en place des plans d’action et si le travail sur les indicateurs auniveau international n’est qu’à l’état embryonnaire, les participants au séminaire ont touché un point important : une stratégie d’ensemble,intégrée et concertée avec tous les acteurs est essentielle pour appliquer la Cide, des indicateurs sont nécessaires, il faudra travailler d’arrache-pied pour entrouver.
Les recommandations tirées de ce séminaire ne sont pas encore connues. On pressent qu’elles concerneront les efforts que la Communauté française doit encore faire, enfonction de ses compétences, pour tendre vers une réalisation concrète des droits de l’enfant : mise en place d’indicateurs et de stratégies globales, mais aussienseignement des droits de l’enfant à l’école en sont quelques exemples. La concertation entre les nombreux services d’aide sociale, d’aide à l’enfance, à la jeunesse,entre les différents niveaux de décision devrait également être encouragée…
1. Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’Aide à la jeunesse :
– adresse : bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 413 37 65
– courriel : observatoire.enfance-jeunesse@cfwb.be
– site : www.oejaj.cfwb.be