Relayées par la presse francophone au début du mois d’août, les recommandations du Comité des Droits de l’homme des Nations Unies épinglaient lerapport remis par la Belgique dans une série de domaines où selon ce dernier, elle viole le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié en 1966 : droitsd’asile, conditions de détention des droits communs, moyens mis en œuvre pour lutter contre les partis xénophobes… Pourtant, ce Comité n’est pas lapremière, ni la seule instance à condamner certaines pratiques de la Belgique en matière de droits de l’homme. Retour sur un rapport qui peut en cacher d’autres.
Derrière la publication de ces recommandations se dissimule une procédure en fait assez élaborée. La ratification par un État de l’une des conventions del’ONU en matière de droits de l’homme l’oblige dans le même temps à remettre de manière périodique un rapport sur l’application desdispositions que celle-ci contient1. À cette occasion, des associations du secteur, le MRAX et la LDH ont contribué au dossier à charge. Le rapport a fait ensuite l’objetd’un examen et des remarques de la part du Comité, auxquels les représentants belges ont pu répondre, avant la formulation de conclusions définitives.
Comme l’a rapporté la presse, les préoccupations que le Comité a exprimées vis-à-vis de la Belgique sont, il est vrai, relativement nombreuses. Leséléments apportés par les associations n’y ont pas rien à voir :
> Le faible nombre de condamnations et sanctions prononcées vis-à-vis des militaires belges suspectés d’abus des droits de l’homme en Somalie ;
> La persistance d’allégations de violences policières accompagnées de discriminations ethniques, ainsi que le recours à une force excessive durant lesprocédures d’expulsion d’étrangers en séjour illégal ;
> Le fait que le droit de séjour ne se trouve octroyé aux victimes de trafic d’êtres humains que lorsque celles-ci collaborent avec les autorités judiciaires,et que leur accès à une aide financière soit trop restreint ;
> L’état de surpopulation des prisons, l’absence de modernisation de la législation pénitentiaire2, ainsi que le maintien de malades mentaux dans lesétablissements pénitenciers ou leurs annexes psychiatriques ;
> Le fait que la directive – non publiée – du ministère de l’Intérieur en matière de double peine ne garantit pas en toute circonstance que desétrangers ayant la majorité de leurs attaches en Belgique ne seront pas expulsés ;
> Le fait que même si les étrangers détenus dans un centre fermé (illégaux) disposent d’un droit de déposer une plainte auprès d’unecommission pour des faits liées à leurs conditions de détention(recours individuel), l’introduction de celle-ci(d’une plainte) ne peut se faire que durant les 5 joursqui suivent les faits ayant donné lieu au dépôt de cette plainte(la décision d’expulsion), et que ces recours ne sont pas suspensifs de l’expulsion ;
> En outre, le maintien dans la zone de transit de l’aéroport de Zaventem d’étrangers remis en liberté par décision de tribunal s’apparente, selonle Comité, à des détentions arbitraires
> Le fait que des doutes demeurent quant à l’indépendance et à l’objectivité du Comité P4 ;
> Enfin, le fait que des partis politiques incitant à la haine raciale continuent à bénéficier d’un financement public.
Du côté des points positifs, le Comité relève la ratification du second protocole facultatif sur l’interdiction de la peine de mort, l’octroi du droit devote aux étrangers hors CE aux élections locales, ainsi que l’assurance que les mineurs non accompagnés ne seront plus détenus au sein de centres fermés.
Bien que sous les feux de l’actualité, ces recommandations ne constituent pas les seuls rendez-vous de la Belgique avec une évaluation de certaines de ses politiques enmatière de droits humains. Plusieurs conventions qu’elle a ratifiées font ainsi l’objet d’un reporting spécifique selon une procédure qui leur estpropre. Ainsi, bien que d’un champ de compétences nettement plus large, le Réseau UE d’experts indépendants en matière de droits fondamentaux,créé en 2002 et chargé d’examiner le suivi de l’application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne5 recoupe certaines observations duComité de l’ONU. Se retrouvaient ainsi déjà épinglées par la cuvée 2003 de leur travail la politique de l’Office des étrangers enmatière d’illégaux et le transfert en zone de transit de l’aéroport de Bruxelles national, ainsi que les conditions de détention dans les établissementspénitentiaires. Par contre, le réseau mentionne d’autres éléments, comme la création du centre de détention pour mineurs délinquantsd’Everberg, et l’établissement par une société privée d’un fichier de locataires défaillants, malgré l’avis défavorable de laCommission de protection de la vie privée. Enfin, les astreintes en cas de grève, ainsi que le fait qu’en cas de licenciement par représailles (notamment en cas derevendication d’égalité salariale), la réintégration du salarié relève de l’arbitraire de l’employeur y sont égalementcritiquées.
Comme on le voit, même si philosophies et textes fondateurs différent, les intersections existent entre ces deux textes, pour ne parler que d’eux. Travailrépété et inutile ? Pour Marianne Gratia, du MRAX, cette interpénétration confirme les constats relayés par les ONG, sur des questions sensibles. « Lefait que les mêmes recommandations soient reprises, pour certains aspects, dans un rapport ultérieur met en évidence le fait que la Belgique ne les a pas suivies et ce, demanière récurrente. Mais si elles n’ont pas de force contraignante, elles ont un poids moral sur le plan international qui peut, à terme, entraîner des changementspositifs. »
1. Les éditions précédentes du rapport ont été élaborées en 1987, 1991, 1996. En principe, la prochaine publication est due pour le premieraoût 2008.
2. En revanche, le Comité applaudit l’engagement de la Belgique à adopter une mesure en ce sens au cours de la prochaine législature : à bon entendeur, donc.
3. Le Comité se félicite de l’adoption le 1er mai 2004 par la Belgique de la loi-programme instituant un mécanisme de tutelle pour les mineurs étrangers nonaccompagnés. Il serait intéressant de savoir si le Comité a ét&eac
ute; saisi des dispositions d’une autre loi programme – celle parue au Moniteur le 31décembre concernant l’aide sociale aux enfants d’illégaux, et en vertu de laquelle ceux-ci pourraient se retrouver éloignés de leur parents.
4. Comité permanent de contrôle des services de police – http://www.comitep.be/
5. Texte du rapport soumis par la Belgique au Comité des droits de l’homme de l’ONU :http://www.bayefsky.com/docs.php/area/reports/treaty/ccpr/opt/0/state/17/node/4/filename/belgium_ccpr_c_bel_2003_4 ; Remarques du Comité :http://www.bayefsky.com/docs.php/area/issues/treaty/ccpr/opt/0/state/17/node/4/filename/belgium_ccpr_c_80_l_bel_2003 ; rapport du Réseau UE d’experts indépendants enmatière de droits fondamentaux : http://www.europa.eu.int/comm/ justice_home/cfr_cdf/index_fr.htm