2022 commence pour notre magazine par un anniversaire: notre 500e numéro. À cette occasion, l’équipe a amorcé une réflexion sur son identité. Si chaque mois nous nous efforçons de nous demander «Pourquoi écrivons-nous cet article, sous quel format, pourquoi consacrer un dossier à cet enjeu…» et autres questions, il nous faut aussi pouvoir nous arrêter, nous regarder dans le miroir et, du haut de nos 26 printemps et 500 numéros, nous poser cette question existentielle et essentielle du «Qui sommes-nous?», mais aussi «Après quoi ou pourquoi courons-nous ?». D’autant que ce quart de siècle d’existence a vu se modifier en profondeur les univers médiatique et associatif, deux mondes parmi lesquels nous évoluons. Il a vu aussi se creuser les inégalités.
Face à ces dangers, notre pari est plus que jamais celui de l’alliage entre investigation, analyse en profondeur et reportage de terrain au plus proche de celles et ceux qui vivent les inégalités…
Le journalisme social est-il une espèce médiatique en voie de disparition?
Alter Échos fait du journalisme social (lire l’entretien croisé sur le sujet). Le journalisme social est-il une espèce médiatique en voie de disparition? On peut s’en inquiéter si l’on regarde les productions des médias généralistes qui diversifient peu leurs sources, qui pensent d’en haut, oubliant de tendre le micro à toute une frange de la société, à l’heure où la confiance démocratique se délite. Un «journalisme assis» (pour reprendre l’expression de la journaliste et collaboratrice Martine Vandemeulebroucke1).
En 2020, nous terminions l’année, considérant que nous avions – certes à partir de nos existences confinées mais confortables, de nos points de vue trop urbains – réussi à «faire remonter» les problématiques sociales rencontrées par une frange de la population dans l’ombre, décrypté l’objet de leur colère et réussi à raconter le travail essentiel de personnes mobilisées dans les secteurs du social et de la santé.
Cette année nouvelle sera aussi celle de la réflexivité: sur nos pratiques, sur notre propre pouvoir, sur nos façons de représenter le réel (des questions qui parcourent le dossier de ce numéro), notre autonomie, notre place singulière dans un paysage médiatique bigarré et sur un territoire associatif multiple.
L’investigation commence «de l’autre côté du trottoir» – titre que nous avons choisi pour notre dernier projet d’Alter Médialab. Mais il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver de l’info.
Celle d’une réaffirmation aussi, d’un journalisme «où les questions sociales passent en premier» avec une transversalité qui nous est chère, et dont on ne peut plus se passer si l’on veut comprendre et appréhender les catastrophes multiples qui surviennent. D’un journalisme de la transformation, aussi, qui tisse des liens avec les secteurs qui l’entourent, en témoigne le dossier École de transformation sociale que vous lirez dans ce numéro.
L’investigation commence «de l’autre côté du trottoir» – titre que nous avons choisi pour notre dernier projet d’Alter Médialab. Mais il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver de l’info, puis retourner à nos bureaux. Il faut interroger les mécanismes qui ont conduit une personne à la rue plutôt que l’individu lui-même, au risque de tomber dans l’anecdotique, l’urgent, pièges que d’ailleurs, nous débusquons dans notre analyse des politiques et sociales.
Rester sur le terrain, s’imprégner, participer au débat public, oser diversifier les sources, faire remonter l’info des sous-sols, relire et reconfronter nos archives au présent, en assurant des conditions de travail digne tant aux salarié(e)s qu’aux indépendant(e)s et en prenant le temps. Voilà ce qu’il nous tient à cœur de proposer et défendre. Un journalisme debout, et en mouvement.
- Dans «À quoi bon médiatiser le social», BIS, octobre 2017, n° 175.