La participation des patients évolue vite dans le paysage francophone. Elle recouvre des pratiques très différentes et pose notamment la question de la reconnaissance desassociations de patients. Petit tour de la question avec quelques acteurs clefs.
Prendre part à l’amélioration de sa propre santé, à la gestion d’une maison médicale ou encore à l’élaboration des politiques desanté… Du niveau micro (la relation entre le dispensateur de soins et le patient) au niveau macro (les niveaux communautaire, régional et fédéral), en passant parun niveau intermédiaire, celui de l’institution de soins, les pratiques de participation des patients poursuivent des objectifs divers et sont mises en œuvre de mille et unemanières.
Participation aux politiques de santé
« A un moment est née l’idée d’ouvrir les lieux de décision et de débats au point de vue des patients. Mais il n’y avait pas de cadrestructurel. Il y avait une ouverture chez certains, mais pas une culture dominante. Même s’il y avait beaucoup d’associations de patients qui réalisaient un travaild’entraide et d’information, au niveau politique, démocratique, il n’existait pas grand-chose », retrace Hervé Lisoir, coordinateur de projets à laFondation Roi Baudouin1.
Progressivement, les associations de patients ont de plus en plus été imaginées comme des ressources, comme détentrices d’une expertise reconnue.Conséquence de cette évolution, la naissance il y a une dizaine d’années de la LUSS (Ligue des usagers des services de santé) du côté francophone et dela VPP (Vlaams Patiëntenplatform) du côté flamand. Deux fédérations ayant une forte dimension de représentation politique des patients. « Nous avons unpôle de fédération et de services aux associations, et un pôle de concertation et de représentation des patients au niveau politique », explique Carine Serano,chargée de communication et de projets à la LUSS2. La fédération représente notamment les patients à la Commission fédérale «Droits des patients », à l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) ou encore au Conseil supérieur de promotion de lasanté (CSPS) de la Communauté française. « En 2007, nous avons été nommés coupole de représentation des usagers, nous sommes devenus une sortede « stakeholder », un acteur incontournable », poursuit-elle.
« Parallèlement à cela, continue Hervé Lisoir, il y a eu un gros travail de dialogue et d’éclaircissement des concepts. C’est à cela ques’est attelée la FRB pendant plusieurs années : élaborer une revue de la littérature, réfléchir à la définition de la participation,à ses risques et aux stratégies mises en œuvre. La participation des patients peut avoir quatre grandes finalités, résume-t-il : la représentationdémocratique, la qualité des soins, la gestion des moyens financiers limités ainsi que l’autonomie ou « l’empowerment » des patients. » Entre 2009 et 2011,l’objectif prioritaire de la FRB est de travailler au renforcement des associations de patients. Avec un pan formation des associations de patients et un autre touchant au cadrelégislatif, à la question de la reconnaissance et du financement des associations de patients.
Vers une reconnaissance des associations de patients ?
« Beaucoup se disent prêts à travailler avec les associations de patients, mais dans le fond, ils se demandent : qui sont-elles et que font-elles, à qui est-ce que jeparle ? », reprend Hervé Lisoir. C’est la raison pour laquelle un groupe de travail a été constitué avec toutes les administrations concernées afin deréfléchir à la question de la reconnaissance des associations de patients et à celle de leur financement. « Car il y a un gros tabou sur qui sont ces associations depatients et qui il y a derrière. Elles sont toujours soupçonnées de travailler pour l’un ou l’autre sponsor. »
De son côté, la LUSS travaille sur une proposition de décret relatif à la reconnaissance des associations d’usagers des services de santé wallons. «En tant que LUSS, nous sommes reconnus, mais nos membres ne le sont pas, commente Carine Serano. L’objectif est de faciliter le travail des associations de patients, de les fairereconnaître comme de réels collaborateurs du politique et des professionnels de la santé, et de faciliter leur recherche de subsides. »
Et d’ajouter : « C’est un décret inclusif, où un maximum d’associations pourront se retrouver. » Le texte a été présenté le26 octobre dernier au cabinet d’Eliane Tillieux, lors d’une journée de rencontre entre les associations de patients, l’équipe de la LUSS et la Région wallonne.L’asbl Psytoyens, ancrée dans le champ de la santé mentale, travaille elle aussi sur une proposition de décret de reconnaissance légale des associationsd’usagers en santé mentale. « Car la proposition de décret de la LUSS n’est pas vraiment adaptée à la santé mentale », préciseChantal Gelders, coordinatrice de Psytoyens3.
« La difficulté, en ce qui concerne la reconnaissance des associations de patients, réagit Céline Leto, conseillère au cabinet de Laurette Onkelinx (PS), ministrefédérale de la Santé, c’est qu’elles sont très diverses, avec de grandes différences en termes d’objectifs, d’activités et decomposition4. Il y a autant de réalités que d’associations de patients. Le fait de reconnaître les coupoles représentatives est un premier pas. Biensûr, il faut analyser ce qui existe et élaborer des pistes pour soutenir les associations de patients. Mais il est trop tôt pour savoir comment et à quel niveau decompétences. »
Deux exemples au niveau fédéral
Céline Leto coordonne le plan cancer et le programme de soins maladies chroniques, deux politiques où le fédéral a misé sur la participation des patients. Leplan cancer a été lancé en mars 2008 et a été élaboré en trois mois. Des tables rondes ont été mises sur pied, dont une avec lesassociations de patients. « L’objectif était d’entendre leur parole, de leur donner une place, car l’expertise du patient repose sur une expérience vécue.C’est très important de pouvoir faire remonter leurs besoins au niveau des traitements mis en place. » Plusieurs axes du plan cancer sont issus de cette table ronde : lanécessité de créer pour l’annonce du diagnostic une consultati
on de plus longue durée et qui soit remboursée totalement (mesure entrée en vigueur ce1er novembre), la mise sur pied d’une formation en communication pour les professionnels soignants des hôpitaux et d’une formation spécifique en psychologieoncologique pour les psychologues travaillant dans ces services et, enfin, l’élaboration d’un dispositif d’annonce avec des professionnels qui travaillent enmultidisciplinarité. Un Centre du cancer a aussi été mis sur pied mi-2009, avec pour mission de produire des recommandations pour un futur plan cancer. Pour cela, une vasteconcertation avec l’ensemble des acteurs de terrain est organisée via des « focus groups » et à l’aide des nouvelles technologies.
Le programme « maladies chroniques », également réalisé en 2008, s’est lui appuyé sur une autre méthode : une grande enquête par questionnaire,envoyée à plus de 350 associations de patients afin de mieux identifier les postes de dépenses auxquels sont confrontés ces patients et les mesures nécessaires pouraméliorer leur prise en charge. « Nous avons eu un taux de réponse au questionnaire de quasi 50 %. Le programme des maladies chroniques a étéélaboré sur cette base-là, explique Céline Leto. Les principales demandes émanant du terrain étaient celles de la reconnaissance et de lanécessité de faire remonter les besoins dans le long terme. »
Une des conséquences de cette consultation : la création de l’Observatoire des maladies chroniques au sein de l’Inami, composé de douze membres issus desorganismes assureurs et de douze membres issus des associations de patients. Il est malheureusement en stand-by pour le moment, les nominations ne pouvant pas être réalisées dansle cadre d’un gouvernement en affaires courantes.
La participation en maison médicale, une philosophie
Depuis leur naissance, les maisons médicales placent les usagers au centre de leurs pratiques et tentent de favoriser leur participation. Tendre vers plus d’égalité etde démocratisation : une véritable philosophie à la base de leur action. « Mais cela recouvre des réalités très différentes »,précise Ingrid Muller, de l’Intergroupe liégeois des maisons médicales et de la Fédération des maisons médicales56. Une grosseproportion des maisons médicales a des projets où l’on retrouve la participation : projets de santé communautaire, de promotion de la santé. Les usagers peuventparticiper à la gestion de leur santé, à la définition des activités de la maison médicale, ils peuvent être présents dans l’AG voire dansle CA des maisons médicales. « En général, les maisons médicales développent ce genre de projets après quelques années d’existence, maisil y a aussi de très jeunes équipes qui intègrent les usagers dans leurs projets. » Certaines MM ont des groupes de patients, d’autres ont une association de patientsqui s’est autonomisée en se constituant en asbl.
Il faut travailler avec les usagers pour voir quelle place leur donner : « Certains ne sont pas prêts à ça. C’est tout un cheminement avec les gens. Mais ce qui estintéressant, c’est qu’on remarque que plus on participe à la place qui nous convient, plus ça fait du bien à sa santé », constate Ingrid Muller.Faire émerger la participation dans une maison médicale, autogérée par ses travailleurs, implique aussi de réfléchir à la place de ces professionnelsde la santé. « Quand on est médecin, kiné, la participation ce n’est pas forcément quelque chose qu’on a appris. De plus, il faut travailler sa position,pour laisser de la place aux usagers. » C’est un processus qui peut bousculer, car il touche à l’organisation de la maison médicale, aux horaires d’ouverture,à la relation entre patient et soignant… De nouvelles fonctions ont d’ailleurs émergé dans les MM : les gestionnaires de projets ou les animateurs en promotion de lasanté. « Ces fonctions se développent et vont probablement faire évoluer la question au cours des prochaines années. »
La participation sera au menu du prochain congrès des maisons médicales, en mars 2011. Son fil rouge : réaffirmer les valeurs des maisons médicales et questionner leurmise en œuvre dans un monde qui bouge et où l’organisation du système de santé évolue.
Cela bouge du côté de la santé mentale !
L’asbl Psytoyens, rassemblant des associations et comités d’usagers en santé mentale, est née en 2003 (voir le cahier Labiso qui présentel’association sur le site www.labiso.be) afin de faire entendre le point de vue des usagers à propos des servicesqu’ils utilisent, de promouvoir la dé-stigmatisation, la non-discrimination et l’égalité des chances pour toutes les personnes confrontées à desproblèmes de santé mentale.
A l’ordre du jour, bien chargé, de ses activités, épinglons-en quelques-unes : le soutien à la mise en place de comités d’usagers dans les maisons desoins psychiatriques et dans les hôpitaux de jour, l’évaluation des « projets thérapeutiques » (recommandations sur la réorganisation des soins ensanté mentale), la mise en place de dix comités d’usagers et d’un organe de concertation à l’Etablissement de Défense Sociale de Paifve, ledéveloppement d’un partenariat avec l’Awiph pour une formation sur l’encadrement de personnes en situation de souffrance psychologique (notamment pour les professionnels des ETA),une formation à la participation à destination des usagers et des professionnels, ainsi que la participation à différents lieux de concertation : LUSS, Institut wallonpour la santé mentale (IWSM), Plate-forme de concertation en santé mentale de la Région de Bruxelles-capitale…
Une continuité de ces activités, bien ancrées sur le terrain depuis plusieurs années, devrait être assurée dans le cadre de la réforme des soins ensanté mentale en Belgique (www.psy107.be). Cette réforme prévoit en effet une « horizontalisation »des relations entre professionnels et usagers et une part plus active de l’usager dans son processus de soin. Psytoyens est d’ailleurs l’un des partenaires de l’ensemble des projetsde la réforme (à l’exception de l’un d’entre eux), afin de prendre part à leur élaboration et à leur pilotage.
« La représentation des usagers évolue bien, s’enthousiasme Chantal Gelders, coordinatrice de Psytoyens. La place de l’usager a fait un énorme bond en avantces trois dernières années,
et particulièrement au cours de la dernière. Cela a un lien avec les recommandations de l’OMS, la Belgique souhaite prendre en main cettequestion, que ce soit au niveau du politique, des professionnels ou des patients. »
1. Fondation Roi Baudouin :
– adresse : rue Bréderode, 21 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02/511 18 40
– fax : 02/511 52 21
– courriel : info@kbs-frb.be
– site : www.kbs-frb.be
2. Luss asbl :
– adresse : avenue Sergent Vrithoff, 123 à 5000 Namur
– tél. : 081/74 44 28
– fax : 081/74 47 25
– site : www.luss.be
– courriel : info@luss.be
3. Psytoyens :
– adresse : rue Henri Lemaître, 78 à 5000 Namur
– tél. : 081 23 50 19 ou 0498 11 46 24
– fax : 081 23 50 16
– courriel : info@psytoyens.be
4. Cabinet de Laurette Onkelinx, Vice-Première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique :
– adresse : rue du Commerce, 76-80 à 1040 Bruxelles
– tél. : 02/233 51 11
– fax : 02/230 10 67
– courriel : info@laurette-onkelinx.be
– site : www.laurette-onkelinx.be
5. Intergroupe liégeois des maisons médicales :
– adresse : rue du Laveu 76 à 4000 Liège
– tél. : 04/344 38 34
– fax : 04/344 90 96
– courriel : igl@fmm.be.
6. Fédération des maisons médicales :
– adresse : boulevard du Midi 25 bte 5, 5e étage à 1000 Bruxelles
– tél. : 02/514 40 14
– fax : 02/514 40 04
– site : www.maisonmedicale.org
– courriel : fmm@fmm.be