Entre régionalisation et libéralisation des services prévue pour cette année, à quelle sauce sera mangée l’économie sociale wallonne ?
La Sowecsom, créée en 1995 à l’initiative de la Société régionale d’investissement wallon (SRIW) en collaboration avec les organisationssyndicales et le gouvernement wallon, a pour objectif de promouvoir le développement de l’économie sociale marchande en Région wallonne. Elle participe au financement deprojets initiés par les entreprises du secteur : par une participation au capital, le consentement de prêts – obligataires ou non – et l’octroi de garanties. Elledispose pour cette première mission de 11 500 000 euros.
En 2005, le champ d’action de la Sowecsom a été élargi grâce à un accord-cadre avec le Fonds de l’économie sociale et durable (FESD) et laRégion wallonne. Disposant pour cette seconde mission, d’un budget de 15 millions d’euros, elle peut accorder des prêts aux entreprises de travail adapté, auxentreprises de formation par le travail, aux organisations d’insertion socioprofessionnelle et aux centres de formation professionnelle. Un élargissement qui a permis une belleprogression des dossiers de financement.
Or, la régionalisation prévue de l’économie sociale laisse planer de grosses incertitudes, notamment, sur le système qui succèdera au FESDfédéral. La Sowecsom aura-t-elle encore durablement les moyens de poursuivre ses anciennes « missions » déléguées par le FESD auprès des EFT,OISP et ETA ?
Régionalisation : les moyens suivront-ils ?
Pour rappel, le FESD, qui est une coopérative à finalité sociale, a été créé par les pouvoirs publics fédéraux pour soutenirl’économie sociale et durable. Les sociétés et les entreprises qui, au-delà de leurs chiffres, poursuivent un but social et environnemental peuvent trouverauprès de ce fonds un partenaire financier. Différentes formules sont envisageables : des crédits à l’investissement à taux d’intérêtintéressant, des prêts subordonnés ou une prise de participation significative en capital. Pour remplir ses objectifs, le FESD a fait appel à l’épargne citoyenne eta rassemblé, en juin 2003, 75 millions d’euros par le biais d’un emprunt obligataire avec garantie de l’état et avantage fiscal. Grâce à ces moyens, sur la période2003 à 2008, le FESD a approuvé, pour plus de 45 millions d’euros de prêts et participations dans l’économie sociale. Ces moyens ne sont pas négligeables et ont faitdu FESD un instrument incontournable pour le développement du secteur de l’économie sociale.
Or, le FESD a interrompu ses activités le 31 décembre 2008. Dans l’attente d’une reprise ou d’un transfert des moyens vers les Régions, le ministre wallon del’Économie, Jean-Claude Marcourt (PS), a provisionné pour 2009 les moyens nécessaires à la poursuite des missions déléguées à la Sowecsom. Soitun montant de 4,5 millions €. Mais cette somme n’est pas assurée à plus long terme. L’avenir des montants du FESD alloués à d’autres intermédiaires que laSowecsom est encore plus incertain.
Tant SAW-B que la Fédération belge de l’économie sociale et coopérative, Febecoop, revendiquent que soient maintenus les moyens globaux disponibles pourl’économie sociale. Par ailleurs, la plate-forme de concertation des organisations représentatives de l’économie sociale, ConcertES, demande qu’au sein de la Caissed’investissement wallonne soient réservés des moyens spécifiquement dédicacés à l’économie sociale. La requête est accueillie par une fin de nonrecevoir, jusqu’ici, par le cabinet Marcourt.
Protéger les services d’intérêt général
Au niveau européen, c’est la fameuse directive services qui pose problème. Alors qu’une majorité des services prestés par les organisationsd’économie sociale relèvent de Services sociaux d’intérêt général (SSIG) définis par la Commission européenne, celle-ci laisse uneforte latitude aux États membres pour établir le caractère d’intérêt général. Ce qui renvoie le secteur, en bonne partie, à lajurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes qui s’est déjà prononcée contre des élus locaux, regrette ConcertES, la plateforme deconcertation des organisations représentatives de l’économie sociale. Celle-ci demande dès lors que soit clarifié le cadre juridique applicable aux SSIG et que desmécanismes permettent de reconnaître la spécificité des entreprises d’économie sociale et leur contribution propre à la production del’intérêt général.
Ce qu’ils en pensent
Le Parti socialiste (PS) soutient le développement de l’économie sociale, notamment dans la perspective de la lutte contre le chômage et de l’accompagnement de lamise à l’emploi. Concernant le financement du secteur, son programme wallon propose « de renforcer la coopération avec le pouvoir fédéral pour les mesurestouchant à l’économie sociale » tandis qu’à Bruxelles il s’agira de « confier à la SDRB une mission de soutien au développement del’économie sociale tant associative que commerciale. » Il demande aussi de développer le micro-crédit ciblé pour des porteurs de projet exclus du circuit bancairetraditionnel.
Pour développer l’économie sociale « comme véritable alternative autonome au libéralisme économique », le programme d’Écolopropose que les pouvoirs publics « mettent en place, si possible en élargissant des outils existants, des facilités de financement et de garantie pour les opérateurs dusecteur ». Écolo exige également que la régionalisation de cette compétence aille de pair avec un maintien du niveau de financement accessible au secteur quepermettait jusqu’alors le FESD. Enfin, le parti vert estime nécessaire d’évaluer le dispositif wallon d’Initiatives de développement de l’emploi dans lesservices de proximité à finalité soci
ale (Idess).
Le CDH parle d’économie non-marchande et de services aux personnes. Pour les centristes, il s’agit d’un secteur susceptible de compenser au moins partiellement les pertesd’emplois du secteur marchand dus à la crise. Il s’agira dès le début de la législature de coordonner entre niveaux de pouvoir un vaste de plan decréation d’emplois et de services nouveaux dans ce secteur. Au chapitre autonomie des aînés, on retrouve l’intention du CDH de « pérenniser et renforcerl’offre de services d’aides et de soins à domicile (Idess, aides familiales, soins à domicile, titres-services, etc.) ».
Le mouvement réformateur n’aborde l’économie sociale que dans son programme bruxellois. Il y formule le souhait que la Région « accorde des prêtsà des conditions attractives pour le lancement ou le développement d’entreprises d’économie sociale » et qu’elle « apporte sa garantie pour leurpermettre de bénéficier d’emprunts auprès d’institutions financières ». Pour le MR, ce secteur doit également pouvoir bénéficier desaides à l’expansion économique.
Au niveau européen, le CDH, opposé à une « libéralisation à tout crin qui ferait l’impasse sur l’étude des alternatives et desincidences », souhaite « exiger de la Commission européenne la présentation d’une proposition de directive-cadre sur les services sociaux d’intérêtgénéral. » Les écologistes belges exigent eux aussi l’adoption de pareille directive sur les services d’intérêt général,précisant qu’il s’agit de « garantir le droit et la capacité des pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux de financer et de gérer ce type deservices. » Pour les socialistes, cette directive cadre doit en outre être l’occasion d’inscrire l’obligation d’une évaluation sociale deslibéralisations déjà engagées et contenir les principes et définitions permettant à la fois aux États de prémunir certaines de leurs politiquesde la concurrence et des procédures de marchés publics et à la fois à l’Union européenne de développer des services publics européens. Quant auprogramme européen du MR, il n’évoque nulle part la question.