Le dernier train de reconnaissances d’associations d’éducation permanente révèle, une fois encore, les difficultés d’application des nouvellesdispositions réglementaires, en particulier l’arrêté d’exécution du 28 avril 2004. Quant à la nouvelle fournée de demandes de reconnaissance (le« 4e train »), pléthorique, elle pose un nouveau problème. Pour permettre l’examen consciencieux des 174 dossiers déposés fin mars 2007, laMinistre Laanan1 propose un étalement des délais ainsi que l’impossibilité de « candidater » en 2008. En principe sans dommage financier pour qui que ce soit, saufpeut-être pour les associations qui s’apprêtent dès cette année à déposer leur candidature l’année prochaine.
Un 3e train de seconde classe
Les dernières décisions de reconnaissance prises par la ministre Laanan1 laissent clairement apparaître que celle-ci a presque systématiquement suivil’avis le moins-disant d’entre celui de ses services et celui du Conseil supérieur de l’éducation permanente (Csep). Dans 52 dossiers sur 103 recevables, lesassociations n’obtiennent pas tout ce qu’elles demandaient. Soit que les services du gouvernement (Administration et Inspection, dans 26 cas), le Csep (dans 4 cas) ou les deux (dans 21cas) aient préconisé de revoir à la baisse les ambitions des demandeurs. Dans un cas, c’est la Ministre seule qui en a pris l’initiative. Autrement dit, sur unetrentaine de cas où les avis divergeaient, seul 4 de ceux émis par le Conseil supérieur ont été suivis par la Ministre.
De nombreux recours ont donc été introduits. À l’administration, on se refuse à tout commentaire à ce sujet tant que la procédure n’aura pasabouti et que les requérants ne se seront pas vu notifié la décision finale.
Laxiste le Conseil supérieur ?
Raisons budgétaires ou moins grande pertinence des avis du Conseil supérieur ? C’est, en substance, la question que l’on peut se poser au regard de ces chiffres. Et quele député Yves Reinkin (Ecolo) a adressée à la ministre en commission le 9 mai dernier. Réponse de Fadila Laanan : « Il est vrai que j’aidécouvert une série d’avis divergents et que j’ai souvent suivi les propositions de mon administration. Je voudrais d’emblée vous assurer de toute maconsidération pour le travail réalisé par le Conseil supérieur dans l’examen de ces dossiers. (…) mais le Conseil s’octroie parfois plus de latitudedans l’interprétation de la réglementation. Je me range souvent à la pertinence de ses remarques quand la version du texte m’y autorise. »
« Dire que le Conseil a une interprétation plus souple des critères de reconnaissance, c’est faux ! » rectifie un membre du bureau du Csep. « Nous avonsréalisé un travail extrêmement rigoureux. » Tant et si bien qu’il nous revient que certains représentants du secteur se seraient demandés tout hautà quoi servait leur investissement – non rémunéré – au sein du Conseil.
Interprétations multiples cherchent arbitre
Dans sa réponse à l’interpellation parlementaire, la Ministre poursuit ses explications. « Le décret d’aujourd’hui impose une lecture quantitative surla base de critères définis qui semblent parfois dénaturer les activités de l’association. (…) Pour être à l’abri de tout reproche, je medois de respecter le prescrit du décret. »
La Ministre semble reconnaître elle-même à demi-mot les marges de manœuvre étroites que lui laisse le nouveau dispositif réglementaire. Pour ce membre duBureau du Conseil, ce n’est pourtant pas le décret qui pose problème mais bien l’arrêté d’exécution. Et de rappeler l’existence d’unmémorandum, adressé par le précédent Conseil supérieur à la Ministre. Les représentants du secteur y faisaient une série de propositions afinde lever les divergences d’interprétations de diverses dispositions de l’arrêté d’exécution du nouveau décret. Notre informateur de conclure:« À la Ministre d’agir. Un arrêté est moins compliqué à modifier qu’un décret. Elle pourrait aussi, à tout le moins, adopter unecirculaire interprétative. »
Autre point de vue : celui des points2 attribués. Là, il semble que les associations reconnues comme « mouvement3 » se taillent la part du lion. Enadditionnant les points qui leur sont attribués à travers la procédure de reconnaissance, les sept mouvements totalisent à ce stade (dans l’attente desrésultats des recours introduits) 1545 points. Soit près de 50 % du budget « points » (3265) consacré à des organisation « historiques ». Ils’agit évidemment d’associations employant de nombreux travailleurs et qui sont actives sur l’ensemble de la Communauté française. Rien d’anormal. Parcontre, les 11 associations émergentes reconnues dans le 3e train se partagent quant à elles 115 points et 55 milliers d’euros de forfait4. De làà y voir une confirmation chiffrée des difficultés d’interprétation des critères de reconnaissance en défaveur des émergentes, n’y a-t-ilqu’un pas ?
Au cabinet Laanan, il y a une semaine, on réfutait en tout cas toute velléité de révision du décret sur ce sujet en dehors de l’agenda et desprocédures d’évaluation prévues dans les textes. Soit durant l’année 2009, année électorale à la Communauté française.
4e train bondé : des retards sur la ligne ?
En principe non, nous affirme-t-on au cabinet de la Ministre. En tout cas, pas de retard dommageable pour qui que ce soit. Qu’est-ce à dire ?
Le 30 mars dernier se clôturait la période de candidature à la reconnaissance pour le 4e train. 174 associations ont rentré une demande, dont lesdernières à être encore reconnues dans le cadre du décret de 1976 (soit 139 demandes) et qui ont bénéficié jusqu’ici des dispositionstransitoires, soit une prorogation de leur reconnaissance aux conditions d’avant le nouveau décret. 35 nouvelles associations ont également rentré un dossier de candidatureau « sas », le dispositif de transition avant une éventuelle reconnaissance en pleine et due forme. Bref, la nouvelle fournée est pléthorique.
À situation extraordinaire, mesures extraordinaires ? L’administration laisse entendre que les délais habituels seront prolongé
;s. Au point de mettre en dangerl’équilibre budgétaire des associations candidates au sas ? En principe non. À cette fin, une note de la Ministre Laanan adoptée en 1re lecture augouvernement de la Communauté française vendredi 22 juin dernier précise les modalités envisagées.
Report sans frais pour les candidates 2007
En substance, le décret et l’arrêté sont modifiés afin de reporter à mai 2008 la remise des divers avis sur les dossiers des 139 associations «décret 76 ».; et à janvier 2009 l’octroi de leur éventuelle reconnaissance à durée indéterminée. Ce qui permet àl’administration et à l’inspection d’étaler sur 9 mois de plus l’examen de ces dossiers. La bonne affaire pour ces associations qui, tant que leur dossiern’est pas étudié, retardent d’autant le moment de se frotter aux nouveaux critères de reconnaissance avec les risques financiers qu’ils comportent. Lesémergentes candidates cette année ne sont donc pas concernées par cette modification (mis à part une prolongation de deux mois de la période d’attente del’accusé de réception de l’administration). Ce qui signifie que leurs dossiers seront traités en priorité, dans les délais auxquels elles pouvaientlégitimement s’attendre au moment de les rentrer. Reconnaissance éventuelle, en principe donc, en janvier 2008.
Le Conseil supérieur, sollicité pour avis mercredi 17 juin dernier, a, d’après nos informations, remis un avis favorable sur cet étalement. Il a toutefoissuggéré que soient un peu raccourcis les nouveaux délais. Histoire d’éviter que les éventuels recours ne tombent en pleine période d’affairescourantes du gouvernement de la Communauté française (les élections sont prévues en juin 2009).
5e train : pas en 2008 ?
Restent les associations qui se préparent depuis quelques mois à rentrer un dossier en 2008. Les modifications prévues par la Ministre prévoient explicitement «qu’aucune demande n’est introduite au cours de l’année 2008 ». Sur ce point, le Conseil demande que soit maintenue la possibilité de rentrer un dossier de demande dereconnaissance en 2008. On attend avec impatience de savoir sur quel voie seront mises les futures émergentes.
1. Cabinet de la ministre de la Culture, de l’Audiovisuel et de la Jeunesse :
– adresse : place Surlet de Chokier, 15-17 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 213 17 28
– courriel : info.laanan@cfwb.be
– site : www.laanan.cfwb.be
2. Pour rappel, en 2007, un point vaut 2 670,17 euros
3. Association chrétienne rurale des femmes (120 pts), Cepag (190 pts), les Equipes populaires (270 pts), Femmes prévoyantes socialistes (320 pts), Lire et écrire (355 points),Oxfam Magasins du monde (245 pts) et Présente et action culturelles (365 pts).
4. En vertu des dispositions de l’arrêté d’application du décret qui prévoit des forfaits de 5 000 ou de 10 000 euros pour des associations actives à unepetite échelle (quartier, hameau,…). (Voir art. 4 § 1er et 2 de l’arrêté).