Des travailleurs issus d’Ilde ou d’EI sont contraints d’arrêter de travailler car ils ne disposent plus de permis de travail et de titre de séjour. D’après certains, lephénomène serait en croissance.
Des travailleurs issus d’Ilde (initiatives locales de développement de l’emploi) ou d’EI (entreprises d’insertion) contraints d’arrêter de travailler car ils ne disposent plus depermis de travail et de titre de séjour ? Si le phénomène semble exister depuis longtemps, il prendrait actuellement plus d’ampleur que par le passé, d’aprèscertaines structures d’économie sociale bruxelloises. « Sur les douze derniers mois, nous avons eu trois travailleurs dans le cas », nous explique ce directeur d’une Ildede la capitale, qui préfère cependant garder l’anonymat. Du côté de la Fébisp1 (Fédération bruxelloise des organismes d’insertionsocioprofessionnelle et d’économie sociale d’insertion), on confirme que certaines structures membres sont aussi confrontées au problème. Un problème qui toucheprincipalement les travailleurs bénéficiant du statut d’article 60, une des principales sources d’entrée sur le marché du travail pour les personnes en processusd’insertion.
Deux cas de figure semblent à l’heure actuelle être à l’origine de ce phénomène, comme l’explique Jean-Luc Bienfet, conseiller à la section CPAS de l’AVCB(association de la ville et des communes de la Région de Bruxelles-Capitale)2, où l’on déclare d’ailleurs être au courant de l’affaire. « Il y ad’abord la situation de la personne qui perd son titre de séjour et son permis de travail en cours de chemin. Il y a ensuite des cas qui sont dus à un problème de renouvellementdu titre de séjour », explique-t-il.
La faute aux communes ?
Dans la première hypothèse (perte en cours de parcours), il s’agirait pour la plupart de cas concernant des personnes arrivées sur le territoire belge dans le cadre duregroupement familial. Pour rappel, un certain nombre de conditions peuvent à l’heure actuelle mettre fin au séjour de la personne « regroupée » (notamment,pour ce qui concerne les séjours de plus de trois mois, en cas de dissolution, d’annulation de mariage, de fin de partenariat ou s’il n’y a plus d’installationcommune).
Le deuxième cas de figure, quant à lui, interpelle un peu plus puisqu’il serait dû aux retards pris par les communes dans la transmission des demandes de renouvellement dutitre séjour à l’Office des étrangers ; quand les ratés ne proviendraient pas de l’Office lui-même. Pour rappel, les personnes porteuses d’une« autorisation de séjour en vue du travail » doivent la renouveler tous les ans avant de pouvoir prétendre à un titre définitif après cinqans. Dans cette situation, elles doivent transmettre leur demande aux communes de 30 à 45 jours avant la fin de l’autorisation. Les communes, qui jouent ici un simple rôle d’interface,transmettent ensuite la demande à l’Office des étrangers, qui accorde, ou pas, le renouvellement.
Or certaines d’entre elles tarderaient à le faire, générant ainsi un « gap » dans le séjour de la personne, qui se retrouve en situation delatence pour une, deux, trois, quatre semaines avant le renouvellement de son titre. « C’est un phénomène [NDLR : d’interruption du titre de séjour] que nousrencontrons souvent, et qui n’est pas forcément dû à de la mauvaise volonté, mais aussi à des problèmes de personnel dans les communes et à l’Office[NDLR des intervenants nous chuchoteront que l’Office fait face à des problèmes de manque de personnel depuis 20 à 30 ans…], explique-t-on ainsi au Ciré3(Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers). Il ne concerne d’ailleurs pas que ce cas précis, mais aussi des domaines comme l’assurance maladie ou encore lanaturalisation pour laquelle il faut justifier de sept ans de séjour ininterrompu et pour laquelle ces interruptions tombent donc mal… »
Problème transversal, ces retards de renouvellement auraient aussi parfois comme origine le zèle de certaines communes qui vont jusqu’à organiser de nouvelles enquêtesau domicile de la personne afin de voir si celle-ci réside toujours bien à l’adresse déclarée, comme cela se passe à Anvers, d’après le Ciré.
La question serait donc nationale, ce que confirme indirectement Jean-Luc Bienfet lorsqu’il déclare que la section CPAS de l’AVCB se concerte à l’heure actuelle avec les autresrégions sur les pratiques qu’elles adoptent face à ce phénomène.
Du côté de l’Office
Du côté de l’Office des étrangers4, on analyse la situation : « Ce problème, c’est notre quotidien. Il y a en Belgique beaucoupd’étrangers en situation précaire, en séjour temporaire », explique Fernand Simon, conseiller général, avant de préciser qu’il n’a pas, àsa connaissance, eu vent de problèmes de ce genre au niveau des communes. « Mais ce que je vous dis, ce sont des considérations générales, cela ne veut pas direque certaines situations ne peuvent pas les contredire. A ce propos, si retard de ce type il y a, nous n’allons pas pénaliser la personne, elle ne sera pas sanctionnée, explique-t-il.Et si on nous soumet une situation de ce genre, avec des impératifs de rapidité, nous en tiendrons compte. » Une déclaration par ailleurs confirmée par unintervenant du secteur. « L’Office a une vraie sensibilité, et si nous leur demandons d’accélérer, ils essaient. Mais tout le monde leur demanded’accélérer… »
Quant à la possible augmentation du nombre d’interruptions (pour lesquels nous n’avons pas trouvé de chiffres) à la suite de retards dans le processus de renouvellement, ilssont beaucoup à citer la régularisation de 2009 comme source potentielle du problème. « Une partie de la régularisation de 2009 était effectivementbasée sur le critère de l’obtention d’un contrat de travail, explique-t-on au Ciré. Mais il faut noter qu’il n’y pas eu énormément de régularisations par cecritère, entre 1 000 et 1 300 personnes. Et puis surtout, la procédure n’est toujours pas finie à l’heure actuelle, d’autres personnes vont donc encore arriver sur le »marché ». »
Des article 60 « borderline »
Il n’empêche, malgré cette absence de chiffres, la réalité du phénomène engendre une série de problèmes. Pour les travailleurs tout d’abord,en situation d’insécurité, pour les structures d’économie sociale ensuite dont les « chiffres » d’insertion en prennent un coup, mais aussi pour les CPASqui se retrouvent avec des « article 60 » dont le statut devient carrément &laqu
o; borderline ». « Nous nous sommes demandé si lescontrats de ces personnes devaient être suspendus ou devaient prendre fin, explique Jean-Luc Bienfet. Nous avons posé la question au ministère du Travail et on nous a dit de lessuspendre le temps que le titre soit renouvelé, ce que nous faisons. »
Néanmoins, certains CPAS pourraient choisir de continuer à travailler avec ces personnes, le temps que le titre de séjour et le permis de travail soient renouvelés.« Dans ce cas, et si la demande de renouvellement a été introduite en temps et en heure, nous disons au CPAS : si vous continuez à faire travailler la personne etque son titre de séjour est renouvelé, il y aura effet rétroactif, vous recevrez l’argent du subside article 60, explique-t-on au SPP Intégration sociale5. Maissi ce n’est pas le cas, on a un problème. » Un problème financier, premièrement, puisque les CPAS pourraient être amenés à rendre aufédéral les subsides reçus pour cette personne dans le cadre de l’article 60. Un problème légal ensuite. « Le plus grand souci des CPAS, dans ce cas,n’est pas vraiment l’argent, nous explique-t-on encore au SPP Intégration sociale. Ceux-ci ont des fonds propres. Le plus gros problème, c’est que sans titre de séjour, pas derenouvellement du permis de travail. » Or sans permis de travail, employer ces personnes est illégal. Pas génial pour des employeurs publics comme les CPAS…
Des CPAS qui prennent d’ailleurs la situation au sérieux puisque la section CPAS de l’AVCB a organisé une formation à destination des travailleurs des CPAS sur leséjour et le droit au travail avec l’aide de l’Adde6 (Association pour le droit des étrangers), qui n’a malheureusement pas souhaité se prononcer sur le sujet,apparemment trop préoccupée par des problèmes de « différence de temporalité » quelque peu sibyllins…
1. Febisp :
– adresse : galerie Ravenstein, 3 boîte 4 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 537 72 04
– courriel : secretariat@febisp.be
– site : www.febisp.be
2. AVCB :
– adresse : rue d’Arlon, 53 boîte 4 à 1040 Bruxelles
– tél. : 02 238 51 40
– courriel : welcome@avcb-vsgb.be
– site : www.avcb-vsgb.be
3. Ciré :
– adresse : rue du Vivier, 80/82 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 629 77 10
– courriel : cire@cire.be
– site : www.cire.be
4. Office des étrangers, World Trade Center II
– adresse : chaussée d’Anvers, 59 B à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 793 80 00
– courriel : helpdesk.dvzoe@dofi.fgov.be
– site : www.dofi.fgov.be
5. SPP Intégration sociale :
– adresse : bd Roi Albert II 30 à 1000 Bruxelles
– tél : 02 508 85 86
– courriel : question@mi-is.be
– site : www.mi-is.be
6. Adde :
– adresse : rue du Boulet, 22 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 227 42 42
– site : www.adde.be