La Coordination des ONG pour les droits de l’enfant publie une étude sur la transmission des écrits dans l’aide à la jeunesse. De quoi raviver un vieux débat sectoriel.
Dans l’aide à la jeunesse, les écrits suscitent débats et embarras. Les rapports, les notes, les accords, les enquêtes psychosociales écrits par le personnel des services de l’aide à la jeunesse (SAJ) ou des services de protection judiciaire (SPJ) au sujet de l’enfant en difficulté, et de ses parents, sont omniprésents.
Les parents concernés devraient-ils avoir un accès automatique à ces documents? Et les enfants? Les familles doivent-elles tout savoir?
Ces questions sont remises en débat par la Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (Code) qui a publié une analyse à ce sujet: «Les écrits de l’aide à la jeunesse sont-ils respectueux des droits des enfants et des familles?»
Explications, par Valérie Provost, de la Code: «Les familles se sentent souvent dépossédées de leur histoire. Des documents parlent d’elles sans qu’elles sachent toujours ce qu’on y trouve.»
Cette analyse fait suite à un ouvrage – Pour une glasnost dans l’aide à la jeunesse – écrit en 2011 par Marc Chambeau. Il s’agissait d’un plaidoyer pour une transmission généralisée et quasi automatique de ces documents aux familles. Quatre ans plus tard, Marc Chambeau déplore qu’en ce domaine il n’y ait aucune «avancée majeure». «Je pense que c’est dû à des résistances du secteur», estime-t-il.
Il faut dire que ces documents sont délicats. «Ces écrits servent avant tout à éclairer les autorités mandantes, les orienter, les aider à la décision», déclare Dominique Moreau, président de l’Union des conseillers et directeurs de l’aide à la jeunesse. Les décisions évoquées ici sont capitales pour les familles: un placement en institution, le passage d’une aide négociée à une aide contrainte, le prolongement de décisions.
Maintenir des zones de confidentialité
Pour revendiquer ce droit des familles à être mieux informées, la Code s’appuie sur le décret sectoriel de 1991 qui consacre le droit à l’information et à la participation. Rappelons que les familles ont le droit de consulter certaines pièces du dossier même si elles n’en sont pas toujours informées, et que la compréhension des textes n’est pas des plus évidentes.
C’est pourquoi certaines associations, comme Luttes Solidarité Travail, qui anime le groupe «Agora» constitué de familles dont les enfants sont suivis par l’Aide à la jeunesse, milite pour que les documents qui aident les autorités mandantes à la décision soient automatiquement envoyés aux familles. Cela nécessiterait un gros effort de la part du personnel des SAJ et SPJ pour rendre plus accessible la lecture de ces documents.
La Code, de son côté, partage ce souci de l’écriture, du style. Mais elle n’adhère pas forcément à l’idée d’envois par la poste. Selon Valérie Provost, cette «option n’est pas idéale. La transmission du document devrait être l’occasion d’un temps d’échange autour d’une table avec la famille. L’idée est bien de donner une place prioritaire aux bénéficiaires.»
Dominique Moreau admet qu’il «n’existe pas d’accord sur ces questions entre les conseillers et directeurs. Certes, la transmission des écrits serait une réelle avancée en termes de droits. En transmettant les pièces d’un dossier, on perd la maîtrise de l’information. Et certaines informations sont sensibles. Elles devraient être confidentielles car elles peuvent même mettre l’enfant en danger». On pense ici à des cas de violences intrafamiliales, de maltraitance. «C’est vrai qu’il existe une tension entre droit des enfants et droit des parents», reconnaît Valérie Provost. Dans ce cas, son association milite pour le «maintien de zones de confidentialité».
Des associations, comme LST, espèrent que la proposition de nouveau décret de l’Aide à la jeunesse sera l’occasion de revenir sur ce thème.