Après le processus de Bologne pour les universités, le secteur de la formation professionnelle fera à son tour l’objet d’une réforme européenne. Eneffet, la Commission européenne préconise, à l’instar des ECTS, un système de crédits d’apprentissage européens pour la formation etl’enseignement professionnels. Dans son rapport du 16 février dernier, le Conseil de l’Éducation et de la Formation de la Communauté française de Belgiquesoulève nombre de questions à ce propos.
En Belgique comme ailleurs en Europe, les universités et établissements d’enseignement supérieur vivent à l’heure du processus de Bologne.
Pour rappel, Bologne repose sur deux mesures phares :
• d’une part, l’harmonisation européenne selon trois niveaux communs d’études (baccalauréat, master et doctorat) ;
• d’autre part, la généralisation du système ECTS, qui mesure de façon comparable la valeur des diplômes.
L’Europe de l’enseignement supérieur est en marche. Mais qu’en est-il de l’Europe de la formation professionnelle ? Elle se cherche, elle hésite, elleprogresse à petits pas. Pourquoi cette évolution à deux vitesses ? Sur le plan européen, le monde des universités se connaît assez bien. Les filièresne sont pas si nombreuses. La lisibilité internationale des diplômes y est par conséquent relativement facile.
Avec le monde de la formation professionnelle, la musique est tout autre, bien plus complexe. Les filières, les modes de qualification, les métiers varient grandement d’un paysà l’autre. Les opérateurs de formation sont multiples. Chaque État conserve ses traditions, c’est ainsi que des formations qui relèvent chez nous del’enseignement secondaire, ne peuvent exister ailleurs qu’au niveau de l’enseignement supérieur (nos infirmières brevetées par exemple). À l’évidence,réaliser la mobilité européenne constitue une gageure pour la formation professionnelle.
La Commission avance ses propositions
En 2002, 31 pays européens décident, par la « déclaration de Copenhague », de lancer un dispositif de crédits d’apprentissage européen pour laformation et l’enseignement professionnels : ECVET (selon l’abréviation anglaise). La Commission européenne prend la balle au bond et élabore des premièrespropositions, sous la forme d’un document de travail, rendu public en octobre 20061. Cette note martyre est actuellement soumise à une vaste consultation européenne.À la suite de cette consultation, une réunion se déroulera en juin 2007 à Munich, durant laquelle des orientations plus précises seront prises. Dans ce contexte, le16 février 2007, le Conseil de l’Éducation et de la Formation (CEF) de la Communauté française de Belgique2 a décidé de contribuer, par laremise d’un rapport au gouvernement, à la préparation d’une réponse à cette consultation.
Le Conseil de l’Éducation et de la Formation décerne à la Commission un bulletin globalement satisfaisant, assorti de nombreuses remarques. Ainsi, le CEF formule unepremière exigence de clarification. Il importe, souligne-t-il, de mieux établir la différence entre le système ECTS (éducation supérieure) et lespropositions ECVET (formation professionnelle). Bologne vise une véritable harmonisation du monde de l’enseignement supérieur. En revanche, « Copenhague »s’emploie à assurer la mobilité des citoyens européens en apportant une plus grande transparence des qualifications sans pour autant porter atteinte à leurdiversité.
Des questions de fond
Le domaine de la formation professionnelle est vaste. En Belgique, il couvre l’enseignement professionnel et technique de plein exercice, l’enseignement supérieur nonuniversitaire, l’enseignement de promotion sociale. Or, on l’a vu, l’enseignement supérieur vient de réaliser des efforts considérables de restructuration envertu de Bologne. À peine ce chantier terminé, va-t-il falloir reprendre la pelle et la pioche ? Pour le Conseil de l’Éducation et de la Formation, dans l’étatactuel du document proposé par la Commission, les crédits « éducation » (ECTS) et « formation professionnelle » (ECVET) relèvent de logiques etd’usages différents qui ne sont pas nécessairement incompatibles. Mais la mise en œuvre d’ECVET, parallèlement au système ECTS, doit êtrelaissée à la discrétion des établissements d’enseignement supérieur qui procéderont à leur rythme et dans le respect de leurs missions. Plusgénéralement, le CEF souhaite que l’on prenne en compte les besoins et spécificités de tous les opérateurs d’enseignement et de formation dans la miseen œuvre d’ECVET.
Le CEF soulève d’autres questions de fond. Le système ECVET, avec ses lourdeurs de procédure, ne risque-t-il pas de privilégier les grands opérateurs deformation professionnelle, au détriment des plus petits ? Ces petits opérateurs – telles les associations et entreprises de l’économie sociale – qui jouent enCommunauté française un rôle majeur dans l’insertion et la cohésion sociales. Les futurs crédits « formation professionnelle » tiendront-ils biencompte de la nécessité d’intégrer les qualifications et non simplement de les additionner ? Enfin, ECVET ne va-t-il pas favoriser des « microcertifications »,prêtes à l’emploi, répondant à des attentes purement techniques ? Le nouveau système valorisera-t-il aussi des compétences de base, comme l’espritcritique, le travail en groupe ou la culture générale ?
1. Document de travail des services de la Commission, du 31/10/2006 (SEC/2006 – 1431) : « Les crédits d’apprentissage européens pour la formation etl’enseignement professionnels » – « Un dispositif pour le transfert, la capitalisation et la reconnaissance des acquis des apprentissages en Europe ».
2. Le Conseil de l’Éducation et de la Formation ( www.cef.cfwb.be ) réunit en Communautéfrançaise de Belgique 28 organisations représentatives des secteurs de l’éducation et de la formation – Espace 27 septembre, Bloc C – Communauté française -bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles – tél. : 02 413 26 21 – courriel : C.E.F.@cfwb.be