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Regard critique · Justice sociale
© Flickrcc Giuseppe Milo

Il s’appelle Christophe Béchu. Ni gauchiste ni khmer vert, il est seulement le ministre français de la Transition écologique. Sur Europe 1, une radio tout sauf pour bobos, il appelait son pays à «sortir du déni» et à se préparer à s’adapter à un réchauffement climatique qui puisse aller jusqu’à 4 °C. «Tant mieux si on n’arrive pas à 4 °C, mais ne pas s’y préparer, c’est exposer nos concitoyens, nos agriculteurs, nos activités économiques à des risques sans leur donner les moyens d’y faire face», déclarait-il, en citant des risques aggravés pour la montée des eaux, la perte d’enneigement, les sécheresses ou encore les canicules, durant lesquelles «on peut tangenter les 50 °C en ville». «S’adapter à ça, c’est sortir du déni, a-t-il jugé. Il faut qu’on investisse dans des matériaux qui nous permettent de résister à ces températures, ça veut dire penser l’organisation des services publics, les lois sur l’eau, la protection de la biodiversité, des sols, des règles sur les assurances…»

C’est que le temps presse: en France, février s’est terminé avec un déficit pluviométrique de plus de 50%, devenant ainsi «l’un des mois de février les plus secs jamais enregistrés depuis le début des mesures en 1959», a annoncé Météo-France.

Outre la France, le nord de l’Italie connaît également un important déficit de pluie et de neige, en raison de températures trop douces pour la saison. La Suisse voisine a elle aussi essuyé des précipitations inférieures de moitié aux valeurs moyennes de ces dernières années. Et chez nous, il faut remonter à 1963 pour enregistrer un mois de février aussi sec. D’ailleurs, en Wallonie, la cellule sécheresse s’est réunie pour faire un bilan de l’hiver et une première évaluation des risques de sécheresse cet été. C’est que 2022 fut également une année très sèche, avec des records aux mois de mars et juillet. La situation est d’ores et déjà inquiétante pour les prochains mois. Selon Pascal Mormal, météorologue à l’IRM, une grande partie de notre pays est concernée par un manque de précipitations.

Il faut donc s’adapter, préparer les esprits comme les territoires à la sécheresse comme aux inondations. Au vu des prévisions scientifiques, la Belgique, comme le reste de l’Europe, connaîtra de plus en plus souvent ce genre d’événements. Il y a dès lors un «besoin criant de culture du risque» au sein de la population. Telle est d’ailleurs l’une des conclusions de la commission d’apprentissage mise en place par le gouvernement fédéral après les inondations de 2021 et présentée en ce début d’année. Le rapport insiste sur «la très faible préparation de la population à la gestion de crise et, plus largement, à la culture du risque». «Dans la plupart des cas, ce n’est que quand la montée des eaux a été visible dans un environnement proche que les habitants des zones sinistrées ont pris la décision de partir. Nombre d’entre eux sont restés coincés dans leur habitation et ont dû attendre de longues heures pour pouvoir être sauvés», ajoute-t-il. Le déficit de culture du risque ne concerne pas que la population évidemment, mais aussi les autorités, à tous les échelons. Sans entrer dans le drame ou l’angoisse, il nous faut donc sortir du déni, en épousant l’urgence, seule façon de créer, face aux risques, de nouvelles formes de solidarité entre les territoires et leurs citoyens. Car ce qu’on ne peut éviter, il faut l’embrasser, pourrait-on conclure en paraphrasant Shakespeare, bien plus balaise en drame que l’auteur de ces lignes.

À lire dans le même numéro le dossier «Environnement. Un climat d’insurrection», ainsi que l’interview du biologiste français Olivier Hamant: «Il faut embrasser la lenteur, les incohérences et l’hétérogénéité».

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste

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