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Regard critique · Justice sociale

Environnement/territoire

Elle met du vieux pain dans sa grenouille

À Forest, on trouve une grenouille géante pour réutiliser le vieux pain et éviter les dépôts sauvages

À Bruxelles, des habitants déposent leur vieux pain dans les parcs ou dans les allées. Jeter le pain serait-il un proscrit culturel ? religieux ? À Forest, l’asbl Une maison en plus gère une grenouille géante qui permet de réutiliser le pain qu’on y dépose.

Dans certains quartiers de Bruxelles, les dépôts de pain ne passent pas inaperçus. Dans les parcs ou dans les allées, les tranches s’entassent et pourrissent.

À Forest, Marc Loewenstein, l’échevin en charge de la propreté (FDF) souligne les désagréments : « Nous menons des campagnes de répression, car cela attire les rats ou les cafards. »

Pourquoi déposer du pain plutôt que le jeter, lorsqu’il est pourri ? « Tout simplement parce que les gens ne veulent pas gaspiller », estime Eloy Alexandre de l’asbl forestoise Une maison en plus, active dans le quartier Pont de Luttre-Primeurs. Certains voient une dimension culturelle, voire religieuse à ce phénomène. En effet, dans la tradition arabo-musulmane, jeter le pain serait proscrit.

« Un constat culturel. Une réalité de terrain à laquelle il faut apporter des réponses », estime l’échevin de Forest. Lors de la semaine de réduction des déchets, un atelier sur le pain sera proposé aux habitants. « C’est une sorte de show-cooking pour voir ce qui peut être fait avec du pain sec, explique Laurence Simonart, du service propreté. Des croûtons, du pain perdu, etc. Des idées pour réutiliser le pain plutôt que le jeter en rue. »

« Le pain est balancé un peu partout »

La dimension culturelle de ce rapport au pain est-elle avérée ? Pour Younnous Lamghari, chercheur à l’ULB, c’est oui. On répète, par exemple dans certaines familles marocaines, que « cela ne se fait pas ». De même, un lien avec l’islam existe, même si le Coran « ne fait aucune mention de la chose », nous dit-il. « Ce sont les savants musulmans qui ont tiré d’un verset interdisant aux musulmans les excès dans la consommation (gaspillage, dilapidation) la réprobation de jeter le pain à la poubelle. Il convient de le donner aux animaux. Il y a donc cette croyance que le pain est un « don » de Dieu. La même pudeur est observée concernant tous les aliments. » Bien sûr, le phénomène ne saurait être réduit à sa dimension culturelle. Eloy Alexandre évoque sa grand-mère qui, marquée par les privations du passé, lui aurait aussi transmis le souci de réutiliser le pain rassis. « Le problème à Forest, c’est que le pain est balancé un peu partout. »

Pour remédier à ce problème, l’association Une maison en plus a soutenu une initiative d’une habitante qui « voulait faire quelque chose ». L’idée était de trouver un financement pour ériger une structure permettant de collecter le vieux pain et de le réutiliser pour nourrir des animaux. La Fondation Roi Baudouin a répondu. Ainsi, une grande sculpture de grenouille est apparue boulevard de la Deuxième Armée Britannique. Une maison en plus et des habitantes effectuent le tri entre le pain réutilisable ou pas. L’association de protection des animaux Veeweyde passe deux fois par semaine prendre son pain sec afin de le redistribuer aux animaux dont elle s’occupe.

Globalement, le projet fonctionne. « Peut-être un peu trop bien », affirme Eloy Alexandre. Car du pain et d’autres déchets sont déposés à côté de la fameuse grenouille, « ce qui attire les nuisibles ». Un bémol qui n’empêche pas Eloy Alexandre d’affirmer que le but est atteint : « Le pain est déposé et réutilisé. »

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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