Quelles formes d’habitat pour la Wallonie dans 10 ans ? Ce fut l’une des questions abordées lors du colloque organisé par la CPDT (Conférence permanente dudéveloppement territorial)1 dans le cadre de ses 10 ans.
Yves Hanin, professeur au Creat, le Centre d’études en aménagement du territoire de l’UCL, rappelle que l’intérêt de la CPDT pour l’habitat est né dans lafoulée du Schéma de développement de l’espace régional, le fameux Sder. Il s’agissait alors de réduire le phénomène d’étalement urbain, deréfléchir à comment se mouvoir en Wallonie.
Le désurbanisation entraîne des coûts en termes de mitage du territoire, et aussi en termes d’infrastuctures routières et techniques (eau, gaz, électricité,égouttage), de mobilité et de dépendance automobile – et donc d’insécurité routière -, de dynamiques sociales et d’incidences sur l’environnementnaturel et paysager. Il est vrai que « les politiques du logement, des infrastructures routières et de l’aménagement du territoire ont contribué à la faibleconcentration de l’habitat et même à la diminution délibérée des populations en ville. »
Parmi les autres constats, Yves Hanin épingle le fait que de plus en plus de Wallons travaillent en dehors de leurs communes : « On passe donc plus de temps dans la communeoù l’on ne réside pas, ce qui pose problème dans le cadre de la participation. » Cela a, entre autres, pour effet que de nombreuses communes sont dépendantes.Elles n’assurent plus de fonction productive, étant essentiellement tournée vers une économie résidentielle – le financement des communes se faisant vial’impôt des personnes physiques.
Aujourd’hui, remarque Yves Hanin, il y a une remise en question de l’habiter. Il faut tenir compte de divers phénomènes, tels la retraite active, le développement des famillesrecomposées, la flexibilité du marché du travail et les changements d’emploi et de lieux de travail, le fait que la maison devient un lieu de travail… Dans le même temps,il observe la nécessité de produire 120 000 nouveaux logements d’ici 2015 et un besoin accru de petits logements du fait de l’évolution socio-démographique. Àcela, s’ajoute l’objectif de performance énergétique qui oblige à agir sur le parc existant et à venir, mais aussi à favoriser la mitoyenneté – ce quicontrecarre la volonté d’avoir la « 4 façades » si recherchée par certains. Il pointe aussi tout l’enjeu de l’urbanisation autour des gares. Pour lui, on a toutintérêt à densifier le résidentiel et à développer les services autour des petites gares en termes de mobilité et d’intermodalité. Concernantles grandes gares, la question portera davantage sur comment les restructurer.
Distances et proximité
Alain Bourdin, professeur des Universités à l’Institut d’Urbanisme de Paris, s’étonne qu’on étudie toujours les coûts de la désurbanisation et jamais ceuxde la concentration urbaine.
« Dans la ville dense, la proximité a perdu une partie de son utilité économique », estime-t-il. Selon lui, « le rapprochement entre emploi etrésidence est une douce illusion, car on aura toujours des marchés du travail ouverts et flexibles. » Et de regretter qu’on s’intéresse si peu aux espacesd’activités en termes de développement territorial, leur préférant l’habitat.De même, la notion de proximité et de relations sociales évolue aussi :« La proximité, ce n’est pas forcément le voisinage. Elle varie : un commerce de proximité, est-ce un commerce proche du domicile, du travail ou des loisirs ?Aujourd’hui, la proximité ne correspond plus aux structures sociales. Prenons l’exemple du débat autour du quartier. On a des études qui disent que des jeunesdiplômés s’investissent dans leur quartier. Et c’est vrai, il y a un intérêt pour le quartier, mais il y a deux façons d’être en relation avec lui qu’on oubliede distinguer : soit avec un sentiment d’appartenance, soit en l’utilisant comme un univers de ressources auxquels on accède facilement. »
Enfin, il dresse aussi le constat que « le processus d’individualisation et de différenciation des modes de vie va durer et il faut l’acter au niveau de l’habitat. On estconfronté à une demande sociale contradictoire. Elle est à la fois tournée vers plus d’autonomie, de mise à distance, de besoin de contact avec la nature, et, enmême temps, les gens veulent être au cœur des choses, avoir un accès facile à de plus en plus de ressources. » Pour répondre à cette demande,il préconise de travailler sur de nouveaux produits urbains, plutôt que sur la planification urbaine : « L’enjeu pour les villes est de ne pas laisser cela aux seulsmarchands, il faut en faire un enjeu pour le bien commun. »
1. CPDT :
– adresse : rue des Brigades d’Irlande, 1 à 5100 Jambes
– tél. : 081 33 24 25
– site : http://cpdt.wallonie.be