Elles sont déjà quelques dizaines : des familles du sud des Pays-Bas qui franchissent la frontière pour échapper aux foudres des services locaux d’Aide àla jeunesse. Une situation qui pose question chez nos voisins du Nord, mais aussi chez nous.
C’est un reportage de la chaîne de télévision néerlandaise Netwerk qui a révélé le phénomène début mars. Dans lereportage, maître Jan van Ruth, avocat à Eindhoven, reconnaît avoir lui-même conseillé à six parents de déménager en Belgique pour pouvoirconserver la garde de leurs enfants. Il estime que les enquêtes du Conseil néerlandais pour la Protection de l’enfance concluent pratiquement toujours à lanécessité de faire placer les enfants alors que, dans certains cas, une forme minimale d’aide suffirait à régler les problèmes. Par contre, une fois enBelgique, ses clients ne rencontrent pas de problèmes. « Dans deux cas, il y a eu une enquête, mais celle-ci a conclu qu’il n’y avait rien à signaler. Cesfamilles vont vraisemblablement rester en Belgique. Elles s’y trouvent très bien et, si elles reviennent, elles courent le risque que le Conseil relance à nouveaul’enquête », poursuit l’avocat. Les communes concernées du côté belge sont toutes des communes frontalières : Lommel, Overpelt, Neerpelt,Hamont-Achel, et surtout Maaseik. À Maaseik, Lucienne Janssen, du Comité de sollicitude pour la jeunesse (Comité Bijzondere Jeugdzorg) a déjà ouvert une quinzainede dossiers pour des familles néerlandaises, ce qui constitue entre 5 et 8 % du total des dossiers traités.
Pas anecdotique
« Ce n’est pas un phénomène marginal, souligne-t-elle, cela pèse sur notre fonctionnement. » Elle souligne que le Comité lance systématiquementune enquête lorsqu’il apprend des autorités néerlandaises qu’il s’agit d’une famille pour laquelle une mesure de placement est envisagée. Elleestime que le système flamand est différent de celui pratiqué aux Pays-Bas : « Chez nous, contrairement à ce qui se passe là-bas, nous proposons d’abordune assistance sur une base volontaire. Si la famille n’est pas d’accord, nous allons ensuite en commission de médiation. Nous l’avons fait pour ces famillesnéerlandaises et nous remarquons que les réactions sont positives à partir du moment où nous proposons des formes d’aide à domicile, qui ne requièrentpas le départ des enfants de la maison », ajoute-t-elle.
Lucien Rahoens, de l’agence flamande d’Aide à la jeunesse (Vlaamse Agentschap Jongerenwelzijn), conteste l’image de laxisme flamand – opposé à unesévérité hollandaise – qui a été propagée par la télévision : « Nous demandons les dossiers de ces familles, mais ensuite, nousrefaisons notre propre enquête. Nous parlons avec la famille, nous prenons contact avec l’école et nous nous formons une opinion définitive, qui peut déboucher surdes mesures allant d’une aide ponctuelle à une décision de placement, éventuellement sous contrainte judiciaire. »
Aux Pays-Bas, en tout cas, cette situation fait débat. La présidente du Bureau d’aide à la jeunesse de la province de Noord-Brabant, Rita van Breugel, trouve «très préoccupant et très triste que les parents qui ont justement le plus besoin de notre aide fuient en Belgique » et le ministre local de la Jeunesse et de la Famille,André Rouvoet, a annoncé son intention de contacter son homologue flamande Veerle Heeren (CD&V). Il compte également tenter d’évaluer le nombre de famillesconcernées. Familles à problèmes ou pas ? Le dossier d’une femme présentée dans le sujet de Netwerk semble assez lourd : enfants placés en centresfermés, tentative d’enlèvement d’un autre enfant placé… Et son dossier a été classé sans suite chez nous. Mais selon maître vanRuth, les six familles qu’il a poussées à s’exiler ne posent pas le moindre problème en Belgique : « Les enfants se débrouillent bien àl’école. […] La Belgique n’est quand même pas un pays du tiers monde en matière d’Aide à la jeunesse. Le problème se passe au niveau del’aide à la jeunesse des Pays-Bas, qui est payée au prorata du nombre de placements. Pour le reste, ils ne font pas grand-chose. » Et de citer l’exempled’une mère décrite comme borderline alors qu’elle travaille par ailleurs comme salariée dans une institution de soins psychiatriques. Elle vitaujourd’hui à Postel, en province d’Anvers, et aide ses compatriotes dans le même cas qu’elle à venir s’installer en Belgique.
D’après De Morgen, Het Belang van Limburg et De Standaard