Alter Échos fait le bilan de l’axe construction durable de l’alliance emploi-environnement bruxelloise. Nous avons donné la parole à quatre représentants de partenaires qui y sont impliqués.
Voilà plus de trois ans que l’alliance emploi-environnement axe construction durable a été signée à Bruxelles. C’était le 25 février 2011. Depuis, 66 actions ont été menées, dont 15 sont clôturées. Huit nouvelles actions sont également en cours. Rayon chiffres toujours, un bilan daté d’avril 2014 et publié sur le site de l’alliance fait état de 500 emplois créés. Et de 1.800 entreprises suivies en un peu plus de trois ans. Pour rappel, l’alliance emploi-environnement a pour objectif de «stimuler certains secteurs porteurs en termes d’activité économique et d’emploi, et de soutenir leur développement pour une transition vers plus de durabilité, de compétitivité ainsi que de développer l’emploi pour les Bruxelloises et Bruxellois, y compris pour les moins qualifiés». Quatre axes existent à l’heure actuelle: construction durable (le premier a avoir été lancé), eau, ressources et déchets, alimentation durable.
Pour faire le bilan de l’axe construction durable, Alter Échos a posé quelques questions à quatre représentants des partenaires de l’AEE: Laurent Schiltz, directeur adjoint de la Confédération construction Bruxelles-Capitale; Jean-Luc Bodson, chargé de projets chez SAW-B (fédération d’économie sociale); l’équipe du cluster Ecobuild.brussels; et enfin Olivia P’tito, directrice générale de Bruxelles Formation.
Nous avons également contacté les cabinets de Céline Fremault (cdH), la nouvelle ministre de l’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale, et de Didier Gosuin (FDF), nouveau ministre bruxellois de l’Emploi, tous deux au pilotage de l’alliance. Mais aucun des deux cabinets n’a souhaité se prononcer aussi tôt après l’entrée en fonction du nouveau gouvernement. Il nous revient cependant que le second aurait demandé une évaluation de l’alliance pour tous ses axes. Bruxelles-Environnement y travaillerait.
Laurent Schiltz, Confédération Construction Bruxelles-Capitale
Alter Échos: La Confédération Construction Bruxelles-Capitale se trouve dans le comité de suivi de l’axe 1 de l’alliance. Quel bilan tirez-vous de ce point de vue particulier?
Laurent Schiltz: L’alliance a été très positive. Elle a permis de créer une dynamique de politique publique innovante. On a pu mettre les acteurs de terrain, privés et publics, autour de la table. Le tout pour identifier les problèmes, les pistes de solution, les actions à mettre en place et leurs pilotes. Et au sein du comité de suivi, nous avons veillé à ce que le pragmatisme de terrain soit aussi présent en ce qui concerne les critères de suivi.
A.É.: En parlant de suivi, un bilan publié sur le site de l’alliance emploi-environnement parle de 500 emplois créés jusqu’ici. Que pensez-vous de ces chiffres?
L.S.: Pour moi, il est impossible d’établir des chiffres objectivables. J’ai plus de retours qualitatifs que quantitatifs. Mais 500 emplois, cela me paraît plausible. Dernier point: il convient de ne pas parler que d’emplois créés, mais aussi d’emplois maintenus.
A.É.: Le secteur économique «classique» se plaint notamment de la concurrence déloyale que lui ferait l’économie sociale. L’alliance a-t-elle permis à ces deux «mondes» de se parler?
L.S.: Des ponts ont été jetés, mais tout n’est pas résolu. Il reste beaucoup de travail à faire sur la vision que l’économie traditionnelle peut avoir de l’économie sociale d’un côté. Et de l’autre côté, sur le fait que l’économie sociale n’accepte pas toujours de jouer le jeu. Pour nous, les conditions à ce propos sont claires. Il faut que l’économie sociale accepte de jouer le jeu de la commission paritaire 124 (la commission paritaire de la construction, NDLR). Ou bien alors qu’elle se limite à un marché qui n’est pas celui de l’économie «traditionnelle».
A.É.: Vous étiez au pilotage de plusieurs actions. Notamment pour la création d’une plateforme. Expliquez-nous.
L.S.: Cette plateforme permet de conscientiser les entreprises aux besoins en formation de leurs travailleurs en matière de construction durable et de les accompagner dans cette démarche, de trouver les formations. Elle permet également de les informer à propos des appuis financiers qui existent. Enfin, elle donne l’occasion de faire remonter les besoins en formation des entreprises vers les opérateurs de formation et d’inciter ceux-ci à la mise en place de formations.
A.É.: Quel regard jetez-vous sur le futur de l’alliance axe 1?
L.S.: L’alliance ne doit pas être vue comme quelque chose de limité dans le temps. Il s’agit d’une nouvelle dynamique de création d’une politique publique, il n’est pas possible d’y mettre une deadline. Et si une action est clôturée, cela ne veut pas dire qu’elle est terminée. Elle a parfois été intégrée structurellement à la structure porteuse. Enfin, il faudrait qu’il y ait des actions vers l’économique et l’aide aux entreprises. À l’heure actuelle, ce sont les entreprises qui jouent le jeu de l’emploi local, de la transparence, qui sont les plus contrôlées. Nous voudrions qu’on leur donne des incitants positifs.
Jean-Luc Bodson, SAW-B
Alter Échos: Quel bilan tirez-vous de l’alliance premier axe?
Jean-Luc Bodson: Un bilan mitigé, marqué par une lourdeur de gestion et un suivi d’indicateurs très approximatif. Par ailleurs, l’animation des alliances et de la concertation a été menée par des consultants plutôt que par le politique. Si les contacts avec ce dernier existaient, sous-traiter l’animation ne nous apparaît pas comme une bonne chose. D’autant plus que nous pouvons établir la comparaison avec le pilotage wallon.
A.É.: Dans un bilan publié sur le site de l’alliance emploi-environnement, on parle de 500 emplois créés jusqu’ici. Pouvez-vous effectuer un décompte pour l’économie sociale?
J.-L.B.: Nous n’avons pas de retour validé, mais Impulcera a créé des emplois, les clauses sociales ont progressé (avec création d’emploi à la clé) et une première grappe mixte d’entreprises regroupant l’économie sociale et l’économie classique continue ses activités hors financement.
A.É.: Ces trois points correspondent à des actions pour lesquelles SAW-B était à la barre. Pouvez-vous détailler?
J.-L.B.: Pour les clauses sociales, l’alliance a plutôt permis d’établir un cadre formel, car les moteurs des actions furent SAW-B et le cabinet de l’Emploi. Sur deux ans, cette relation a permis de mettre en place une circulaire «clause sociale», une cellule de coordination avec Actiris et un vade-mecum bruxellois concernant les clauses sociales. En ce qui concerne les grappes d’entreprises (en collaboration avec le cluster Ecobuild.brussels, NDLR), nous avons fusionné les deux grappes existantes en janvier 2014 suite à l’arrêt du financement fin 2013. La grappe unique continue ses réunions et son travail. Quant à Impulcera, le projet s’achève fin 2014 et une évaluation a été menée avec le centre d’économie sociale de l’ULg. Les objectifs fixés au départ — sensibiliser les étudiants à l’entrepreneuriat social dans les universités, permettre aux porteurs de projets d’entreprises sociales de tester la faisabilité de leurs projets et lancer des entreprises sociales — ont été atteints même si des améliorations sont évidemment envisagées. L’alliance a surtout offert un écho plus grand aux appels à projets dans le monde économique bruxellois.
A.É.: De manière plus générale, avez-vous l’impression que l’alliance a permis de contrer la méfiance entre les structures d’économie «traditionnelle», qui se plaignent souvent de concurrence déloyale, et celles de l’économie sociale?
J.-L.B.: Certaines actions, comme les grappes, jouent clairement ce rôle. Mais si la confiance s’installe sur le terrain grâce à des collaborations concrètes, il reste encore du chemin à faire avec les représentants du secteur. L’alliance a au moins eu le mérite de faire dialoguer les acteurs au plan institutionnel.
Ecobuild.brussels
Alter Échos: Quel bilan tirez-vous de l’alliance premier axe?
Ecobuild.brussels: On peut tirer un bilan globalement positif. L’alliance a notamment permis d’effectuer un travail de fond auprès des entreprises qui ne sont pas encore convaincues par la construction durable ou qui ne la connaissent pas.
A.É.: Une action prévoyait que vous constituiez et que vous accompagniez «des grappes (verticales et horizontales) d’entreprises aptes à répondre aux exigences de qualité environnementale du marché». Où en est cette action?
E.B.: Il s’agissait de rassembler des micro-entreprises bruxelloises aux compétences diverses afin qu’elles puissent atteindre des marchés pour lesquels elles ne pourraient remettre de prix toutes seules. Cette fiche-actions a été réécrite et est actuellement intitulée «Susciter diverses formes de collaborations et les accompagner». Nous encourageons les entreprises bruxelloises à se rencontrer de façon informelle ou formelle tout en créant des valeurs communes entre elles afin d’arriver à des collaborations professionnelles. Notre rôle est d’identifier un projet de construction, de déterminer parmi nos membres les entreprises désireuses de participer au projet, et d’accompagner les entreprises tout au long du projet.
A.É.: Quel autre enseignement tirez-vous de l’alliance?
E.B.: Nous pensons qu’il est indispensable de mettre sur pied une plateforme liant l’offre et la demande. Les premiers contacts avec des partenaires pouvant nous aider à mettre en place un tel projet ont déjà été noués. Nous espérons pouvoir lancer la plateforme début 2016.
A.É.: Quel regard jetez-vous sur le futur de l’axe 1?
E.B.: Toutes les actions n’ont encore pu être menées à leur terme et d’autres actions ont vu le jour entre-temps. Prolonger l’aventure pour une deuxième saison permettrait d’atteindre ces objectifs. Autre chose: il y a clairement un intérêt à développer des synergies entre les différents axes de l’alliance. Notamment entre l’axe construction durable et l’axe déchets. Mais aussi entre l’axe eau et l’axe construction durable.
Olivia P’tito, Bruxelles Formation
Alter Échos: Quel bilan tirez-vous de l’alliance, premier axe?
Olivia P’tito: Les budgets alloués – notamment un budget extraordinaire de 250.000 euros en 2012 — ont permis à Bruxelles Formation construction d’augmenter de 2.500 m2 la surface utile de formation, d’y construire une importante superstructure, d’y accueillir de nouvelles formations et d’embaucher un formateur supplémentaire.
A.É.: Bruxelles Formation était à la barre de deux actions: «Créer un réseau des opérateurs de formation actifs dans le domaine de la construction durable» et «Élaborer un module de formation ‘construction durable’ pour demandeurs d’emploi». Où en sont ces deux actions?
O.P.: En ce qui concerne le réseau d’opérateurs, des formations en isolation de façades, placement de menuiseries extérieures, monteurs en construction bois sont régulièrement organisées au sein de Bruxelles Formation construction en collaboration avec les missions locales. Enfin, un réseau des opérateurs actifs dans la construction durable a été mis sur pied. Il réunit des organismes publics et privés concernés par la formation professionnelle des demandeurs d’emploi et des travailleurs ou encore des fonds sectoriels. Et ce du côté tant francophone que néerlandophone. Pour ce qui est du module de formation construction durable, tous les stagiaires de Bruxelles Formation construction suivent dorénavant un module ressource généraliste d’une durée de 18 heures abordant l’isolation et l’étanchéité à l’air des bâtiments.
A.É.: Quel regard jetez-vous sur le futur de l’alliance axe 1?
O.P.: Nous espérons que Bruxelles Formation continuera à bénéficier de budgets supplémentaires afin de nous permettre de contribuer à atteindre les objectifs de 20.000 places de formation à Bruxelles en 2020.
Aller plus loin
Alter Échos n°384 du 17.06.2014: «Alliance emploi-environnement: promesses tenues?».
Alter Échos n°349 du 16.11.2012: «Économie sociale et ‘classique’ s’allient doucement».
Alter Échos n°324 du 09.10.2011: «Emploi-environnement: l’esprit de l’alliance en Wallonie».
Alter Échos n°312 du 17.03.2011: «Alliance emploi-environnement à Bruxelles: place à la mise en œuvre».