La ministre de l’Energie Freya Van den Bossche fait actuellement barrage à l’installation généralisée des compteurs intelligents dans les foyers flamands. Alors que Bruxelles-Capitale a rendu un avis négatif sur l’analyse coûts-bénéfices et que la Wallonie est en passe de faire de même avant l’échéance européenne du 3 septembre, la Flandre met un frein à son enthousiasme initial et préfère ne pas se prononcer avant fin 2013.
La montée du scepticisme à l’encontre du remplacement systématique des compteurs traditionnels semble avoir eu raison du volontarisme de la Région flamande. Celle-ci se profilait alors comme partisane convaincue des compteurs informatisés – le déploiement des smart grids (réseaux intelligents) figure dans l’accord gouvernemental 2009-2014 via le plan d’action « Région urbaine verte »1. Le régulateur régional du marché de l’électricité et du gaz (VREG) escompte 144 millions d’euros de bénéfices sur une période de 30 ans2. Les conseils consultatifs, socio-économique (SERV) et environnemental (Minaraad), ainsi que plusieurs acteurs de la société civile flamande3 estiment que l’argument de l’efficacité énergétique élude la question de savoir « qui va réellement bénéficier de ce système ? »
Bénéfices négatifs
L’université d’Anvers évalue le coût total d’installation des limme meters à la bagatelle de 2,272 milliards d’euros, au bas mot. D’entrée de jeu, la facture énergétique des ménages flamands sera ainsi alourdie de 40 euros par an, pendant 20 ans – et davantage si leurs compteurs devaient être remplacés avant 15 ans. Au lieu de réaliser des économies, aussi minimes soient-elles (la VREG table sur une baisse de consommation de 1,5 % à 4 %), les petits et moyens consommateurs (600 à 3500 kWh/an) seront doublement pénalisés. Comme le rappelle Test-Aankoop, « une partie de la consommation d’énergie est tout simplement vitale et ne saurait être revue à la baisse. » Seuls les gros consommateurs (> 7500 kWh/an) peuvent espérer réaliser une épargne appréciable. La mise en place prévue de systèmes de prix adaptés aux horaires de consommation est perçue par la Gezinsbond comme une « attaque supplémentaire contre la facture déjà impayable des familles ». « La bataille des compteurs intelligents n’est pas une question d’efficacité énergétique », dénonce en substance l’OIVO. Même les gestionnaires de réseau Infrax et Elia émettent des réserves « contre toute décision précipitée » et plaident pour une « mise en œuvre progressive afin d’éviter que les tarifs ne montent en flèche ».
A l’en croire, la ministre Van den Bossche ne prendra pas de décision avant la parution l’an prochain des résultats d’une expérience pilote en cours, « quitte à reporter l’usage généralisé des compteurs digitaux à dans cinq ans, quand la technologie sera moins onéreuse et davantage performante. » Cinquante mille slimme meters sont actuellement testés sur tout le territoire flamand, logements sociaux et kots compris. Plusieurs communes de la province d’Anvers en avaient déjà installé 5 000 en 2010, mais ce premier test avait moins pour but de mesurer les économies d’énergie que de « confirmer la fiabilité des systèmes de communication », selon Eandis. En matière de résultats tangibles délivrés à un moindre coût, l’isolation des logements et les énergies vertes restent en tête des priorités. « Les compteurs intelligents devraient être installés sur une base volontaire et là où il y a un véritable potentiel d’économie, comme dans les entreprises et autres grandes structures », conclut la ministre de tutelle, qui assure que « l’accord gouvernemental sera respecté, d’une manière ou d’une autre. »
1. « La Flandre en Action – Pacte 2020 » – site web : http://www.vlaandereninactie.be
2. L’étude commanditée au consultant néerlandais KEMA est disponible sur http://www.vreg.be/sites/default/files/rapporten/kema.pdf
3. Les syndicats ABVV, ACOD, ACV et ACW ; Bond Beter Leefmilieu ; Gezinsbond ; les ASBL Samenlevingsopbouw et Welzijnszorg; OIVO (CRIOC) ; Test-Aankoop.