A la suite des dernières élections régionales, en 2009, le gouvernement wallon a créé un nouveau ministère consacré à la ville, unepremière pour la Wallonie. Paul Furlan (PS), le ministre compétent, compte développer une nouvelle politique urbaine, encore embryonnaire en Wallonie. Objectif ? «Valoriser les moteurs économiques que représentent les villes » et « mieux assurer la solidarité territoriale et le partage des ressources » entre lescentres urbains et les autres territoires.
« Les villes représentent des moteurs économiques pour la Wallonie, elles constituent un formidable enjeu de développement. Agir sur la ville, et c’est dansl’intérêt de tous, passe donc par la mise en œuvre de politiques sectorielles et par leur coordination. » Paul Furlan (PS)1, le ministre wallon des Pouvoirslocaux et de la Ville, se fait le chantre des centres urbains de sa région. Pour dynamiser les villes wallonnes et faire face aux difficultés qu’elles traversent, il ambitionne demettre sur pied une véritable politique de la ville en Wallonie.
Entreprise louable au regard des maigres moyens que la Région consacre au développement de ses villes. Actuellement, le ministère de la ville gère deux dispositifsdestinés aux centres urbains : la rénovation et la revitalisation urbaine. Ces instruments ont produit des résultats encourageants dans certains quartiers, mais restenttoutefois insuffisants pour permettre un véritable changement à l’échelle des villes concernées. Paul Furlan reconnaît d’ailleurs que les moyens octroyés pources outils sont limités. « Entre 10 et 15 millions d’euros annuels, c’est insuffisant pour s’attaquer à tous les aspects du développement urbain ! »
Rénovation et revitalisation urbaine
Déclinés à l’échelle d’un quartier, les dispositifs de rénovation et revitalisation urbaine permettent aux communes de bénéficier de subventionsrégionales pour construire des logements, rénover des espaces publics ou construire des espaces communautaires. La différence entre les deux outils tient principalement dans lemode de financement. La rénovation urbaine est directement financée par des subsides publics régionaux tandis que la revitalisation urbaine est construite sur un «partenariat public privé »2.
Faute de moyens, les projets de développement urbain en Wallonie fonctionnent avec des bouts de chandelles. Au niveau local, dans les administrations communales, on s’évertueà mettre en place des projets de cohésion sociale, de réaménagement d’espaces publics, d’équipements de quartier, en mettant bout à bout des subventionsd’origines diverses. Là, un subside régional dans le cadre de la rénovation urbaine, ici, une dotation de la politique fédérale des grandes villes. Le toutcomplété par des fonds Feder, destinés aux régions en décrochage économique. De tels montages de projets ne font pas pour autant une politiquevéritablement intégrée et susceptible de relever les défis sociaux et de développement territorial auxquels sont confrontées des villes comme Liège,La Louvière ou Charleroi. La Wallonie serait-elle donc à la traîne en matière de politique de développement urbain ?
Pour Véronica Cremasco, député régionale (Ecolo)3, « il y a un vrai retard dans notre Région pour tout ce qui concerne les questionsurbaines ». Ce retard se constate tant dans la faiblesse de moyens publics investis dans le renouvellement urbain que dans le désintérêt de la part des politiquesà la dimension urbaine du développement territorial. « A l’heure actuelle, quand on pense développement des villes en Wallonie, ironise Veronica Cremasco, lesdébats se focalisent sur la création de nouveaux centres commerciaux. On n’est pas encore dans une optique de ville contemporaine. »
Pourtant, les défis que doivent relever les villes wallonnes, comme ailleurs en Europe, sont multiples : la lutte contre l’exclusion sociale, la réduction de la consommationénergétique, la place de la nature en ville, la mobilité douce, le développement des économies alternatives. « Toutes ces questions restent ensuspens », estime l’élue écologiste qui pointe les manques de la Wallonie par rapport à d’autres régions européennes : « En Flandre, enAutriche, en Allemagne, il existe de véritables politiques en faveur du redéploiement des villes. Il faudrait pouvoir aboutir à la même chose en Wallonie où laquestion de la transition industrielle, dans les centres urbains, est particulièrement aiguë. »
« Vaincre les égoïsmes »
Le ministre Furlan admet lui aussi que les centres urbains rencontrent des difficultés spécifiques. « Les villes doivent en effet relever de nombreux défis tantd’ordre social, économique qu’environnemental. Sur ce dernier point, il faut bien reconnaître que vivre en ville est bien plus respectueux de l’environnement que d’habiter dans une »quatre façades » en zone périurbaine. Il faut encourager un retour vers la ville. Ce retour ne pourra se faire qu’en rendant nos villes plus accueillantes. »
Pour le ministre, les problèmes que rencontrent les villes wallonnes sont en grande partie causés par le mécanisme de financement des communes. « Actuellement, lesvilles doivent supporter seules des dépenses d’équipement qui profitent à un bassin de vie bien plus large. Il faudra bien revoir, un jour ou l’autre, le mode de financement descommunes : c’est une question de solidarité territoriale et du partage des ressources qui est posée. » Paul Furlan s’attaque là à un problèmeépineux quand on sait que les communes se livrent à une véritable compétition entre elles, pour capter l’impôt sur les personnes physiques, principale source derecette. « C’est en effet un sujet délicat, mais il faut pouvoir en débattre sereinement », estime le ministre. « Les villes qui sont souventobligées de financer des programmes sociaux coûteux doivent aussi assurer le financement d’équipements qui profitent à toute la population occupant un hinterland bien plusvaste que le centre urbain. Il s’agit de mettre fin à des formes d’égoïsmes que l’on peut rencontrer dans des communes périurbaines. »
Véronica Cremasco reconnaît, elle aussi, que le mode de financement des communes est actuellement peu favorable aux villes. Pour autant, reposer la question des moyens financiersn’est pas suffisant. « Parallèlement à la question des moyens, il est indispensable de réfléchir à de véritables projets de ville quidépassent les limites communales et s’ancrent dans la réalité des agglomérations urbaines &raq
uo;, explique Véronica Cremasco. « L’heure est venuede dépasser les rivalités locales et de s’inscrire dans des projets intercommunaux. Sans cette vision, nous resterons dans une logique de projets indépendants les uns des autres,qui peuvent parfois entrer en concurrence. »
Un colloque pour l’élaboration d’une politique de la ville
Au-delà des déclarations d’intention, comment Paul Furlan compte-t-il élaborer cette nouvelle politique de la ville et quelle forme pourrait-elle prendre ? Le ministre seveut prudent. Les domaines abordés par la Politique de la ville sont multiples et il ne pourra mettre en place, à lui tout seul, une telle politique. « Les thématiquespropres à la ville et les questions qu’elles posent sont par nature transversales et multisectorielles. Elles supposent donc d’emblée une approche intégrée et appellentà la coordination des compétences entre les différents ministres », explique le ministre qui veut jouer en équipe. Pour y parvenir, il annonce la tenue d’uncolloque « au cours du premier trimestre de 2011 ». A cette occasion, il compte bien initier un débat avec « les hommes politiques, les administrations, lesuniversitaires, mais aussi les citoyens », sur la manière dont la Wallonie doit valoriser ses villes. Paul Furlan souhaite parvenir à un consensus autour des objectifsà défendre et des actions à mener avant de mettre en œuvre cette fameuse politique.
Et quelles seront les orientations de cette nouvelle politique ? Quels seront les axes prioritaires ? La cohésion sociale, le développement culturel, ledéveloppement économique, le logement ? On n’en saura pas plus à l’heure actuelle.
Dans sa déclaration de politique régionale de 20094, le gouvernement wallon balisait déjà les grandes lignes d’une politique de la ville. La déclarationde politique régionale wallonne de 2009 indique vouloir « amplifier la politique de reconstruction de « la ville sur la ville », c’est-à-dire le renouveau, le renforcement etla densification des villes et des noyaux urbains et ruraux (sic) existants, en les rendant attrayants ». De bonnes intentions, mais qui ne font pas encore le corps d’une politiquevéritablement opérationnelle.
Vision globale, supra-communalité et nouvelle contractualisation
Bien que prudent sur le contenu, le ministre a quelques pistes à proposer, quelques esquisses de fonctionnement à mettre sur la table. Les pays européens mènent depuisde nombreuses années des politiques en faveur du développement urbain et Paul Furlan veut s’inspirer des pratiques qui ont fait leurs preuves. Les pays membres ont ratifié, en2007, la Charte de Leipzig5 qui donne un cadre aux politiques urbaines au sein de l’Union. Sans aller chercher des exemples lointains, le ministre plébiscite le fonctionnement de lapolitique fédérale des grandes villes (PGV). « C’est une politique souple, qui a donné beaucoup de latitude aux communes urbaines pour définir leur projet dedéveloppement. Je suis un grand défenseur de l’autonomie communale, et le fonctionnement de la PGV respecte ce principe. C’est aux communes de prendre leur destin en main. A nous, auniveau régional, de définir des objectifs généraux et au niveau local de les mettre en œuvre. Si une politique de la ville doit voir le jour en Wallonie, il faudraque les relations entre la Région et les communes soient revues. Il est nécessaire que la Région exerce un droit de contrôle, mais sans nuire aux initiatives locales.»
Une manière de fonctionner que souhaite aussi encourager Véronica Cremasco pour qui il est nécessaire d’améliorer les formes de contractualisation entre laRégion et les communes. A l’instar de ce qui se fait en Flandre ou dans la PGV. « Au nord du pays, rappelle la députée, les communes signent des contrats avec laRégion flamande. Libres à elles de choisir les priorités dans lesquelles elles souhaitent s’inscrire. Une fois les programmes d’actions clairement définis par lescommunes, ils sont financés par la Région. C’est vers ce type de mécanisme qu’il faut s’orienter. »
La PGV6
Mise sur pied en 2000 par Charles Picqué (PS), alors ministre fédéral en charge de cette matière, la Politique fédérale des grandes villes (PGV) visait,au départ, à restaurer la cohésion sociale dans les quartiers en difficulté des grandes villes belges par des contrats de ville et des contrats logement.
En 2009, les contrats de villes et contrats de logement ont été transformés en contrats de ville durable avec pour objectifs : le renforcement de la cohésion sociale envue de favoriser la mixité sociale et culturelle, la réduction de l’empreinte écologique des villes (performance énergétique des bâtiments publics, bilancarbone…) et le renforcement de l’attractivité et du rayonnement des villes pour contrer l’exode urbain.
La PGV comme référence ?
On le voit, la PGV est citée en exemple. Elle semble faire l’unanimité sur son nom. Souplesse de fonctionnement, ciblage des quartiers défavorisés, projets innovants,elle pourrait être source d’inspiration pour la future politique régionale. D’autant plus que son avenir dans le giron de l’état fédéral est sans cesse remis enquestion (voir Alter Échos nº 302 : « Grandes villes : la balance penche vers la régionalisation ») . Pour Alexandre Maitre, de l’Union des villes et communes de Wallonie(UVCW)7, la PGV est une politique qui a fait ses preuves et qui su évoluer avec le temps. « D’une politique ciblée sur la cohésion sociale, nous sommespassés à une politique de développement urbain durable. C’est aujourd’hui un dispositif indispensable dans les communes qui en bénéficient.8 »
Quant à son avenir, personne n’ose s’avancer, même si l’optimisme n’est guère de mise. Le ministre veut rester en retrait sur ce dossier, qui relève desnégociations fédérales. Il milite toutefois pour le maintien au niveau fédéral de la PGV. En cas de régionalisation, Paul Furlan souhaite bien sûr queles moyens financiers soient transférés vers les Régions. Du côté d’Ecolo, Véronica Cremasco souhaite, en revanche, que le transfert de compétences sefasse. « Nous avons l’occasion de prendre notre avenir en main », dit-elle. « Si les financements suivent, c’est une opportunité à saisir pour laRégion wallonne. »
Une politique wallonne de la ville semble être sur les rails. La méthode d’élaboration et le mode de fonctionnement de la nouvelle politique de la ville sont esquisséspar le ministre Furlan, sans pour autant s’avancer sur son contenu. Les objectifs se veulent ambitieux et peuvent expliquer cette prudence. Paul Furlan souhaite mettre en place une politique dans« une perspective à long
terme, c’est-à-dire vingt ou trente ans. Pas question donc de passer en force pour privilégier une vision plutôt qu’uneautre ». Reste donc à mettre les partenaires autour de la table et à… « vaincre les égoïsmes ».
1. Cabinet du ministre Paul Furlan :
– adresse : rue du Moulin de Meuse, 4 à 5000 Namur
– tél. : 081 23 47 11
– courriel : info-furlan@gov.wallonie.be
– site : http://furlan.wallonie.be/
2. Pour plus d’informations concernant la rénovation et la revitalisation urbaine, voir : http://mrw.wallonie.be/…/PouvPubl/Aides.asp
3. Véronica Cremasco, Groupe Ecolo :
– adresse : rue Notre-Dame, 9 à 5000 Namur
– tél. : 081 25 95 54
– courriel : veronica.cremasco@ecolo.be
4. http://gouvernement.wallonie.be/….
5. http://www.spidh.org/…/Charte_Leipzig.pdf
6. www.politiquedesgrandesvilles.be. Rubrique : « Que faisons-nous ? – Progamme ».
7. UVCW :
– adresse : rue de l’Etoile, 14 à 5000 Namur
– tél. : 081 24 06 11
– courriel : commune@uvcw.be
– site : www.uvcw.be
8. Seules cinq villes participent à la Politique des grandes villes en Wallonie. Il s’agit de Charleroi, La Louvière, Liège, Mons et Seraing.