«L’énergie, cette puissance impalpable, que nous ne pouvons pas voir mais dont nous ne pouvons plus nous passer, est en voie de devenir un produit de luxe.» C’est parfois le tort des journalistes – et d’Alter Échos en particulier – d’avoir raison trop tôt. Ces mots datent de 2014 et, autant le dire, nous pourrions les utiliser encore et toujours tant ils sont d’une criante actualité. Nous ajoutions alors: «Si le pétrole explose à 300 dollars le baril en 2050, les 10 % des Bruxellois les plus pauvres devront consacrer la moitié de leurs revenus pour l’énergie liée au logement et au transport! Lapalisse ne l’aurait pas mieux dit, les ménages en situation précaire sont les plus touchés par cette flambée des prix. Parce que les logements dont ils sont locataires sont souvent de véritables passoires. Parce que l’énergie est ce qu’on appelle, de façon un peu barbare, une dépense incompressible. Que ce soit par idéal écologique ou par souci économique, ou les deux, même le plus motivé des décroissants ne pourra se passer d’un minimum d’énergie pour vivre décemment» (Alter Échos n°371-372).
Dans ce dossier, Alter Échos s’intéresse donc à cette crise énergétique et fait le bilan de 15 années de libéralisation du marché de l’énergie. Un bilan qui se résume purement et simplement par un échec. Ce basculement avait pour principal objectif de faire baisser les prix. Quinze ans après, on peut dire que rien ne s’est passé comme prévu: la plupart des bénéfices promis par la libéralisation de l’énergie ne sont jamais venus… et, dans l’état actuel des choses, il est probable qu’ils n’arrivent jamais (lire «L’échec de la libéralisation»). Pour mieux s’y retrouver dans un secteur chamboulé, on dresse aussi un panorama des acteurs du marché de l’énergie en Wallonie et à Bruxelles. C’est d’ailleurs dans ces deux régions que la précarité énergétique est la plus élevée, avec respectivement 28,3% et 27,6%. Face à cette problématique qui va croissant, on s’organise sur le terrain. Notamment dans les communes et les CPAS. Comme à Seraing. Depuis l’automne, et face à la hausse des prix de l’énergie, la Ville met en place des ateliers collectifs gratuits dans plusieurs quartiers pour aider les citoyens à faire des économies. La démarche réunit la cellule énergie du CPAS et le service logement conseil de la Ville, en ayant des objectifs évidents: permettre aux participants de comprendre, d’analyser une facture, de choisir un fournisseur ou d’apprendre à économiser l’énergie pour alléger leurs dépenses (lire «S’outiller pour se défendre»). À côté de ce type d’initiative, et devant l’impasse dans quelle nous nous trouvons tous, des coopératives citoyennes, start-up ou communautés d’énergie essaient, quant à elles, de proposer, non sans mal, une alternative à un modèle énergétique en crise, de concilier les enjeux environnementaux et sociaux. Et, surtout, donner plus de pouvoir aux citoyens (lire «L’énergie au milieu du village»).