Le 29 mars, le délégué général aux Droits de l’enfant, Claude Lelièvre1, visitait l’aile des familles nouvellement aménagée ausein du centre fermé pour demandeurs d’asile de Vottem. Un rapport très critique s’en est suivi. Côté gouvernement, des propositions d’amélioration ontété faites, mais elles ont été vertement critiquées par le Centre pour l’égalité des chances. Depuis, un appel contre l’enfermement desenfants a été lancé par diverses organisations et personnalités.
Le département visité par Claude Lelièvre abritait fin mars trois familles (un couple avec un enfant de 18 mois et un nouveau-né mais aussi deux mamans d’origineafricaine ayant à charge l’une un bébé, l’autre une fillette de 10 ans, qui ne comprenait pas pourquoi on la privait soudain d’école).
Leur transfert du centre 127bis de Steenokkerzeel à Vottem avait entraîné une manifestation de 250 personnes, parmi lesquelles de nombreux élus, protestant contrel’enfermement de mineurs dans le centre. Dans le rapport remis par Claude Lelièvre aux autorités concernées, et notamment au ministre de l’Intérieur, Patrick Dewael (VLD),il est notamment dit que les établissements fermés ne sont pas un lieu adapté au bien-être et au bon développement d’un enfant et qu’aucun mineur ne devrait donc s’ytrouver.
« Il s’agirait, recommande-t-il, de légiférer afin que les mineurs étrangers non accompagnés et les familles avec enfants en situation illégale ne soientplus détenus dans des centres fermés. En attendant, demande encore Claude Lelièvre, il s’agirait d’accueillir ces familles dans des structures mieux adaptées à laprise en charge d’enfants. »
S’agissant spécifiquement de Vottem, le délégué général propose d’augmenter le nombre d’éducateurs présents au sein de l’aile des familles(il y en a deux, plus une assistante sociale). Il demande aussi qu’un protocole de collaboration soit conclu avec l’Office de la naissance et de l’enfance prévoyant que chaquebébé soit vu par le médecin pédiatre de l’ONE dès son admission, que des consultations régulières soient organisées et qu’une infirmièrepédiatrique soit attachée à l’unité des familles de façon permanente.
Claude Lelièvre propose encore que les agents de sécurité (un le matin, deux l’après-midi ce qui permet une sortie des familles de… quinze à dix-sept heures,beaucoup trop peu dit le délégué) bénéficient d’une formation et il suggère l’aménagement d’une plaine de jeux dans la cour (dont la pelouseétait jonchée d’ordures lors de la visite) réservée aux familles.
À l’issue de sa visite, Claude Lelièvre avait déjà dénoncé la situation : « Le centre n’est pas adapté aux enfants. C’est un bâtimentcarcéral, construit pour accueillir des adultes. »
Dans son rapport, il constate encore la bonne volonté de la direction et du personnel mais s’inquiète, vu le contexte et les moyens réservés à cette aile, de cequi pourrait se produire si celle-ci devait un jour être remplie (elle compte 42 places).
Didier Reynders veut faire des « aménagements »
Un rapport qui a fait réagir le ministre des Finances et responsable de la Régie des Bâtiments, Didier Reynders (MR)2. Il a ainsi fait savoir ce 7 avril qu’encollaboration avec son collègue de l’Intérieur, Patrick Dewael, il proposera, prochainement au conseil des ministres de décider de mener des travaux d’aménagementsupplémentaires dans certains centres fermés, afin d’améliorer l’accueil des familles avec enfants, et d’autre part d’aménager d’autres lieux, extérieurs àces centres, pour accueillir ces familles. Didier Reynders a indiqué qu’il envisageait de faire des travaux supplémentaires pour quelque 50.000 euros afin d’améliorerl’aménagement du centre de Vottem.
Il envisage aussi de réserver des appartements où étaient logés les anciens gendarmes à des familles avec enfants. L’État en possède 600 et adécidé d’en vendre 200. Certains des 400 autres pourraient être aménagés pour accueillir ces familles, étant entendu qu’il s’agirait toutefois de lieuxfermés où serait assurée la même surveillance que dans les centres fermés, a précisé Didier Reynders.
Bref, la critique fondamentale qui porte sur l’enfermement de mineurs en contradiction avec la Convention internationale des droits de l’enfant n’est pas rencontrée.
Le CECLR réagit
Le Centre pour l’égalité des chances3 a, quant à lui, réagi aux projets nourris par Didier Reynders. « Que le gouvernement ait conscience que lasituation actuelle est inacceptable, qu’il soit prêt à prendre des initiatives pour y remédier et à y consacrer les moyens nécessaires est un signe positif », dit leCentre. Mais il rappelle que la situation régnant dans les centres 127 et 127bis est beaucoup plus grave qu’à Vottem et requiert des mesures urgentes. Le 127 doit même êtredémoli, dit le Centre pour l’égalité des chances. Le 127bis requiert quant à lui une rénovation radicale. Réquisitionner d’anciennes casernes de gendarmerieet les transformer en centres fermés, n’est-ce pas augmenter la capacité totale de détention administrative ?, s’interroge le centre.
Est-ce un choix politique délibéré?, demande encore le Centre qui plaide contre la détention systématique des mineurs étrangers en vue de leuréloignement du territoire et appelle le gouvernement à examiner de vraies alternatives à la détention administrative.
Enfants détenus: « Stop »
Le Ciré (Coordination et initiatives pour réfugiés et étrangers)4 a lancé une action de mobilisation contre la détention d’enfants dans lescentres fermés pour étrangers. « En un an, le nombre d’enfants étrangers détenus en centres fermés n’a cessé de croître. Depuis 2006, en plus descentres 127 et 127 bis près de l’aéroport de Zaventem, les centres de Vottem et de Merksplas reçoivent eux aussi des enfants avec leur famille et parfois non accompagnés.Certaines semaines, on a compté jusqu’à 70 enfants détenus. Leur détention dure parfois plusieurs mois. Leurs conditions de vie sont plus que difficiles, relève leCiré. Au 127 bis, la salle de séjour commune est petite et bruyante, le mobilier réduit au minimum. Peu de jouets sont disponibles et les activités se résumentà peu de chose. Il n’existe pas de vrai enseignement scolaire alors que la plupart des enfants fréquentaient l’école avant d’être enfermés. Les conditions de vie aucentre 127 sont comparables, sauf que les visites de proches y sont interdites, précise le Ciré. Le bruit du décollage des avions est assourdissant et la promiscuitémanifeste. »
« Faut-il, s’interrogent les auteurs de l’opération, ajouter à la rupture liée au départ de ces enfants de leur pays et de leur environnement familial lasouffrance d’un enfermement souvent brutal ? L’enfant ne comprend pas pourquoi il est mis « en prison » sans avoir rien fait de mal. Par ailleurs, il est sans cesse confronté aux angoisses deses parents. Souvent, les enfants ainsi traités développent de graves troubles du comportement. »
Pour le Ciré, cet enfermement constitue une maltraitance psychologique institutionnelle grave. « Notre conscience morale, individuelle et collective s’insurge contre cette pratique. Il fauty mettre une fin rapide. Nous demandons que les familles avec mineurs ainsi que les mineurs non accompagnés résident dans des lieux non fermés, de bonne tenue humaine etpédagogique », poursuit l’appel signé par plus d’une centaine de personnalités, recteurs et professeurs d’université, responsables d’organisations de défense desdroits et des intérêts de l’enfant, avocats, magistrats, médecins, psychologues, stars du show business, etc. Des personnalités mobilisées à l’appel dupédopsychiatre Jean-Yves Hayez, de la psychologue pour enfants Francine Dal et d’associations spécialisées (Ciré, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, Jesuit RefugeeService Belgium, Amnesty International)
L’appel peut être signé ou téléchargé en ligne.
Centres fermés: le droit à l’enfance
La Ligue de l’enseignement et de l’éducation permanente consacre un dossier de sa collection Éduquer aux enfants en centres d’accueil pour illégaux enBelgique. « Centres fermés: le droit à l’enfance ».
Comme l’association le rappelle : « en décembre dernier, l’UNHCR (Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés) critiquait la Belgique quant à sapolitique de détention de mineurs demandeurs d’asile, accompagnés ou non, dans les centres fermés. Un sujet que nous avons voulu aborder dans le dossier de ce nouvel Eduquer.Vous y trouverez diverses informations sur la procédure d’asile, les centres fermés, les impacts de la détention sur les mineurs, les droits de l’enfant,… ».Le dossier est téléchargeable en ligne. Infos : LEEP, rue de Lenglentier 1a à 1000 Bruxelles –tél. : 02 512 97 81
1. Délégation générale aux droits de l’enfant, rue des Poissonniers, 11-13 bte 5 à 1000Bruxelles – tél. : 02 223 36 99 – rép. : 02 223 36 45 – fax : 02 223 36 46 – dgde@cfwb.be
2. Didier Reynders, ministère des Finances, rue de la Loi, 12 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 233 8014/90 – fax : 02 233 80 03 – contact@ckfin.minfin.be
3. CECLR, rue royale, 138 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 212 30 00 – fax : 02 212 30 30 – centre@cntr.be
4. Ciré, rue du Vivier, 80/82 à 1050 Bruxelles – tél. : 02 629 77 10 – fax : 02 629 77 33 –
cire@cire.irisnet.be