Illustration de couverture : Maud Romera
On vous voit venir, chers lecteurs. Vous vous dites: «Non mais encore des articles sur la pauvreté infantile, y en a ras la casquette!» Ou quelque chose dans ce goût-là. Et c’est vrai qu’il faut bien admettre qu’on en a eu notre dose, de la pauvreté infantile, ces derniers temps. Tous les journaux, télé et radio, se sont fait l’écho – avec raison – de l’excellent «rapport pauvreté» du délégué général aux Droits de l’enfant. La septième édition de «Viva for Life» – dédiée à la thématique – dégouline un peu partout. Et il n’est pas possible d’aller voir La Reine des neiges 2, tranquillement, au cinéma, sans s’enfiler un petit clip pathos contre la pauvreté des enfants. Tout cela est vrai.
Mais justement, Alter Échos, à la pointe des questions sociales, ne pouvait pas esquiver cet enjeu de société, malgré son côté «rabâché». Tout en n’oubliant pas d’y apporter son expertise, en multipliant les regards. Car derrière la «pauvreté des enfants» se cachent bien sûr la pauvreté des parents, les inégalités sociales et l’impuissance politique à s’y attaquer.
Pour mieux cerner ces grands enjeux, Alter Échos ouvre le bal de son dossier avec un long dialogue, passionnant, entre Bernard De Vos, le délégué général aux Droits de l’enfant – qui dans son rapport fait la part belle au ressenti des familles précaires – et Anne-Catherine Guio, économiste, spécialiste des questions de pauvreté, qui nous détaille en chiffres l’étendue des dégâts (lire «En dix ans, les plus fragiles se sont encore fragilisés»).
Car les dégâts sont bien là, ils s’incrustent, surtout en Wallonie, mais, «encore pire» à Bruxelles. Des enfants et des parents parfois privés de chauffage, de logement, de chaussures neuves… Face à cela, les quelques «bonnes pratiques locales» semblent bien dérisoires (lire, «Polo, un lapin qui réduit l’écart scolaire»).
Le décalage entre le discours, toujours empathique, pour ces «pauvres enfants» et l’action politique est frappant. Même si des lueurs d’espoir émergent lorsqu’on évoque la politique de la petite enfance et le plan crèche de la Fédération Wallonie-Bruxelles (lire «Crèches: un levier sous-exploité contre la précarité») et que des structures tentent le tout pour le tout pour réduire les inégalités d’accès aux activités extrascolaires (lire: «Une tartine dans le cartable ou une activité extrascolaire?»).
Enfin, derrière toutes ces mobilisations contre la pauvreté infantile se cache une question qui fâche et qu’il ne s’agirait pas d’éluder: la pauvreté des enfants – «pratique» pour lever des fonds – n’aurait-elle pas un effet pervers, celui de déresponsabiliser la société face aux enjeux globaux des inégalités et de culpabiliser les parents? (lire: «Pauvreté infantile: jeter le bébé avec l’eau du bain?»). Peut-être… mais il ne faudrait pas non plus oublier que les enfants ont des droits propres, qui sont reconnus dans la convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la Belgique en 1991. Et que ces droits ne sont toujours pas pleinement respectés. Et ça, il est toujours utile de le rappeler.