De plus en plus d’enfants – et de plus en plus de jeunes enfants – au comportement borderline auraient besoin d’un accueil en psychiatrie. Mais faute de celui-ci,ils se retrouvent dans l’enseignement spécialisé, où la situation devient parfois explosive. Comme celle révélée à Hoegaarden le moisdernier.
L’incident avait choqué beaucoup de monde : un professeur de l’école secondaire d’enseignement spécial Mariadal à Hoegaarden a étésuspendu pour avoir maltraité un élève. Il avait crié sur un adolescent avant de lui enfoncer la tête dans un seau de ciment puis de le maintenir sous un robinetouvert, le tout dans l’indifférence générale des autres élèves. L’un d’entre eux avait toutefois filmé la scène avec sontéléphone mobile. Mais cet incident a priori isolé cache une autre réalité : la situation dans la plupart des écoles de ce type est tout simplementdramatique.
Reportage dans une école secondaire d’enseignement spécial, quelque part en Flandre : Kenny est un enfant de 14 ans, sous-doué, dont le comportement est devenuincontrôlable depuis septembre. Il entend parfois des voix, devient subitement agressif, fabrique des armes avec tout ce qu’il trouve : des clous, des bouts de verre… Mais ilregarde aussi Bumba (une émission pour les 2 à 4 ans…) à la télévision. Il a été tellement « endommagé » pendant ses jeunesannées qu’il est resté en enfance : il ne peut s’exprimer que par les larmes ou la colère. Il est sur toutes les listes d’attente des institutionspsychiatriques mais il n’y a pas de place. « Il est trop peu doué pour suivre une thérapie comportementale classique et montre trop de troubles du comportement pourêtre admis dans une institution pour handicapés mentaux légers. Tant qu’on ne trouve pas de place pour lui, il reste ici. Vous ne nous entendrez pas dire que nous servons desalle d’attente pour la psychiatrie. Et pourtant, nous accueillons beaucoup d’enfants qui auraient besoin d’une aide spécialisée », souligne le directeur del’école en question.
Moratoire sur les inscriptions
Fin mars, le Comité anversois d’Aide spéciale à la Jeunesse a annoncé un moratoire complet sur les inscriptions. Il y avait à ce moment-là 1.300jeunes sur les listes d’attente. Le moratoire a été maintenu pendant deux mois. Les écoles secondaires d’enseignement spécial croulent sous lesélèves en proie à des troubles psychiatriques, ou empêtrés dans un dossier judiciaire ou des problèmes sociaux. Et de plus en plus d’adolescents del’enseignement général sont dans le même cas. An Thijssen, collaboratrice du Centre de guidance du réseau des écoles de la Ville d’Anvers, constate :« Nous avons tellement de dossiers lourds et tant d’élèves auxquels nous n’avons pas de solution à proposer que nous ne pouvons même plus aider lesélèves du groupe intermédiaire, ceux qu’on pourrait plus facilement tirer d’affaire. Ainsi, nous ne traitons pratiquement plus les dossiers de harcèlement,faute de temps, sauf s’il y a un risque de suicide. »
Dans l’Institut municipal des Arts décoratifs (Sisa) où elle travaille quatre demi-jours par semaine, ils sont quatre à faire de l’encadrementd’élèves et sont complètement débordés. Sur les quelque 1 100 élèves de cette école – d’enseignement technique etprofessionnel et non d’enseignement spécial – 150 à 200 d’entre eux passent par la case guidance chaque année. Ils reçoivent des conseils et un encadrementà court terme, pas de traitement thérapeutique en principe. Mais pour cet enfant qui vient de commettre une tentative de suicide, par exemple, An Thijssen passera outre. «C’est un cas tellement urgent. Je ne vais quand même pas le laisser tomber. Quelqu’un doit le faire », explique-t-elle. Elle estime que les problèmes s’aggraventau fil des années : « Les enfants tombent de plus en plus jeunes dans les problèmes, parfois dès les deux dernières années d’école primaire.À Anvers, il y a beaucoup de petites familles, qui n’ont aucun réseau social dans la ville. La reliance et le contrôle social disparaissent. Je vois beaucoup d’enfantsqui n’ont jamais appris à gérer aucune forme de frustration. Ils ne connaissent aucune limite et peuvent très vite tomber dans la drogue ou fuguer. »
Pour éviter d’en arriver à des situations « inadmissibles et pourtant compréhensibles » comme à Hoegaarden, elle préconiserait aussid’avoir deux professeurs par classe dans ce type d’école : une vraie révolution pour le monde de l’école…
D’après De Morgen et De Standaard