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Entre cadre d'action et stratégies électorales : quel consensus politique autour du PAS ?

Cadre d’action découlant d’un accord de coopération conclu entre l’État fédéral, les régions et les communautés, le PAS a, depuis presque troisans, instauré une nouvelle normativité en matière d’accompagnement et de suivi des chômeurs1.
En conditionnant la viabilité du système d’assurance chômage à la réduction du nombre de demandeurs d’emploi, la prévention est devenue synonyme decontrôle; et l’insertion, synonyme de contrat.

04-05-2007 Alter Échos n° 228

Cadre d’action découlant d’un accord de coopération conclu entre l’État fédéral, les régions et les communautés, le PAS a, depuis presque troisans, instauré une nouvelle normativité en matière d’accompagnement et de suivi des chômeurs1.
En conditionnant la viabilité du système d’assurance chômage à la réduction du nombre de demandeurs d’emploi, la prévention est devenue synonyme decontrôle; et l’insertion, synonyme de contrat.

La formulation de nouvelles obligations, afin d’avoir accès aux anciens droits, a néanmoins fait du plan non seulement un vecteur de consensus mais aussi de controverse. Si le plan adivisé socialistes et libéraux francophones en termes d’alliance avec les syndicats ou le patronat sur la question de la vacance d’emploi, il les a rassemblés lorsqu’il s’est agide défendre la politique menée en Wallonie, en invoquant le différentiel de taux de chômage avec la Flandre. Difficile, en effet, pour les francophones, de concevoirl’emploi comme une solution à tous les problèmes alors même qu’il est bien moins « disponible » en Wallonie.

Pourtant aujourd’hui, en dépit d’un climat pré-électoral où chacun cherche à se distinguer, il semble que les politiques d’activation et leur logique decontrôle agrègent davantage qu’elles ne divisent. En effet, l’intensité de l’activation est vantée tant en Wallonie qu’en Flandre ; la Wallonie cherchant mêmeà détrôner le « bon élève » flamand2. Quant aux programmes préélectoraux en matière d’emploi, ils ne sont pas, nonplus, marqués par la dissension.
Passons en revue ces questions qui, paradoxalement, fédèrent les politiques alors qu’elles divisent les travailleurs.

L’activité, solution à tous les problèmes ?

La rhétorique de l’activation veut que, pour être inséré socialement, il faut travailler. Ce serait vrai même si le travail que l’on effectue est loin del’emploi en termes de statut auquel il donne accès (c’est-à-dire loin de recouvrir les qualités de garantie dans la durée et de protection sociale) ou encore, mêmesi on ne choisit pas librement son activité et ses conditions de travail. En dépit du fait que les effets du plan soient proches de zéro dès lors que l’on est peu oupas diplômé, que l’on réside dans des sous-régions où le chômage est élevé, qu’on n’ait pas connu d’expérience detravail récente,…)3, il y aurait un lien entre justice sociale et système de contrôle.
Cette hypothèse d’efficacité de l’activation a conduit à la mise en place d’une nouvelle procédure remplaçant l’article 80 et souventconfondue avec le plan d’accompagnement car elle le complète: la procédure d’activation du comportement de recherche d’emploi (ACR), qui autorise l’Onem non seulementà contrôler la disponibilité mais également l’intensité de l’effort de recherche d’emploi (évalués lors d’entretiens avec des « facilitateurs» de l’Onem).
Responsabiliser en contraignant aurait déjà porté ses fruits. Cela inciterait le chômeur à « intensifier sa recherche d’emploi ou à modifier sonattitude face aux offres d’emploi avant la survenance du premier entretien »4.

Vers un « guichet unique » ?

Si le volet « emploi » est loin d’être le plus volumineux au sein des programmes préélectoraux, le renforcement de l’accompagnement, déjàassorti de dispositifs de contrôle et de sanction, est appelé des vœux de presque tous les partis. Et le climat n’est pas à la polarisation gauche-droite puisque,alors que le MR propose la création d’un guichet unique pour les chercheurs d’emploi qui rassemblerait les compétences des interlocuteurs fédéraux etrégionaux, le PS suggère la mise en place d’un plan national pour l’emploi les associant. Quant au CDH, au premier chef de ses « 100 propositions pour unesociété créatrice d’activités et d’emplois », on trouve « le contrat de chercheur d’emploi », rendant obligatoire de saisir « sa chance ». Passer uncontrat accentuerait encore les « chances » de s’en sortir. Le chômeur aurait le droit à un accompagnement individualisé, mais il aurait également “le devoird’utiliser cette chance qui lui est donnée pour s’en sortir et aboutir à terme à se réinsérer sur le marché du travail”5. SeulÉcolo se démarque, en ne jugeant pas utile d’y ajouter un système d’activation du comportement de recherche d’emploi.

Du discours électoral au discours doctrinal

Pourtant, lorsque l’on interroge les députés individuellement, le discours partisan est davantage marqué par les différences de couleurs politiques, avec moinsd’égard pour les nécessaires coalitions gouvernementales. C’est ainsi que Denis Ducarme, député fédéral MR, associe complaisance dansl’assistanat et système d’allocation de chômage illimité dans le temps. Melchior Wathelet Junior (CDH), quant à lui, considère qu’il est de laresponsabilité de l’État de sanctionner les refus d’emploi, tout en soulignant les dangers des pièges à l’emploi. Cette position contraste fortement aveccelles défendues par Karine Lalieux (PS) et Zoé Genot (Ecolo), qui considèrent que la persistance du chômage est liée à une problématiqueéconomique et non à des abus. Selon elles, le plein emploi serait d’autant plus illusoire que les travailleurs ont tendance à produire de plus en plus. Dès lors, sil’État ne peut assurer le plein emploi, le chômage est un droit. Dans cette optique, l’activation devrait se traduire par des formations offertes aux chômeursplutôt que par des contrôles.

L’État actif est-il social ?

Doit-on voir dans ces stratégies électorales un alignement à droite de l’échiquier politique? N’est-il pas un peu court d’expliquer ceci par une tentative des Wallonsde couper l’herbe sous le pied aux Flamands revendiquant une scission de la sécurité sociale ? En effet, une stratégie nationale pour l’emploi ne soulève nullement lesquestions de la précarisation de l’emploi (notamment à travers le développement des emplois atypiques), de la fragilisation des droits sociaux par leur mise sous condition, ducaractère profondément paradoxal d’un système qui au nom de l’insertion exclut, sans pour autant réduire le non-emploi. En outre, une question s’impose àl’analyse : depuis quand contrat rime-t-il avec contrainte ? Ne doit-on pas être libre de contracter pour qu’il puisse y avoir contrat
? Par ailleurs, réduire ce contrat àune chance ne conduit-il pas à nier les inégalités de fait auxquelles sont confrontés celles et ceux dont l’emploi sera freiné par l’absence d’une réellepolitique en matière de garde d’enfant, de mobilité,… ?

D’après Audrey Lanckmans, Maxime Leclercq-Hannon et Selma Bellal

1. L’accompagnement renvoie aux informations, aides, etc. dispensés par les offices régionaux de l’emploi, tandis que le suivi concerne l’ensemble des contactsdirects avec l’office national de l’emploi, convoquant pour des entretiens d’évaluation des efforts consentis à chercher/trouver du travail.

2. Lire Rocour V., “La Wallonie aussi sévère que la Flandre”, in La Libre du 16/03/2007.
3. Cockx B., Dejemeppe M., Van der Linden B., “Le plan d’accompagnement des chômeurs favorise-t-il l’insertion en emploi?”, UCL, p. 3.
4. Cockx B., Dejemeppe M., Van der Linden B., “Le plan d’accompagnement des chômeurs favorise-t-il l’insertion en emploi?”, UCL, p. 2.
5. “100 propositions pour une société créatrice d’activités et d’emploi”, p. 2.

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