Les CPAS sont de plus en plus sollicités par des personnes détenues ou placées en surveillance électronique.
En 2011, le tribunal du travail de Liège condamnait la commune de Juprelle à payer 75 euros par mois à un détenu de la prison de Lantin domicilié dans cette entité. «Depuis cette décision, il y a eu un effet boule de neige avec des centaines de demandes et plusieurs condamnations», explique le président du CPAS, Joseph Pâque. Entre 400 et 500 détenus de Lantin et du centre de défense sociale de Paifve sont domiciliés à Juprelle. D’où des demandes régulières pour ces personnes sans revenus. L’aide apportée par les CPAS est résiduaire, c’est-à-dire qu’elle n’intervient qu’après d’autres types d’intervention. Mais outre la charge de travail que cela implique, cette aide se fait sur fonds propres. «Nous avons peur que cela ne mette à mal nos missions premières. C’est pourquoi, dans un cas sur deux, nous allons en justice pour nous défendre. Certains veulent le paiement de frais d’hospitalisation ou de prothèses dentaires, d’autres réclament de l’argent de poche pour cantiner. Nous n’intervenons pas automatiquement, sans quoi ce serait la faillite», ajoute Joseph Pâque.
Récemment, le député et président du CPAS de Charleroi, Éric Massin, interpellait le ministre de la Justice, Koen Geens, à ce propos, car de plus en plus de détenus demandent une intervention financière aux CPAS, visant principalement les produits de première nécessité, les soins médicaux et de l’argent de poche pour passer des appels téléphoniques ou acheter des timbres.
En Wallonie, à côté du CPAS de Juprelle, ceux de Namur et d’Andenne sont les plus confrontés à cette demande d’intervention financière. À Andenne, le phénomène se tasse pourtant: on est passé entre 2011 et 2014, de 16 à 7 demandes d’aide sociale. «La politique de notre CPAS est claire: l’administration pénitentiaire a l’obligation d’offrir aux détenus des conditions de vie décentes, afin de leur permettre de vivre conformément à la dignité humaine. Sur cette base, toutes les demandes sont rejetées», nous explique-t-on. La «politique» d’aide sociale varie très fort d’une prison à l’autre: à Andenne, les détenus peuvent bénéficier de la caisse d’entraide à hauteur de 50 euros par mois, en plus d’un kit d’hygiène gratuit comprenant le strict nécessaire (papier W.C., dentifrice…). Par contre, l’accès à un frigo, à une plaque chauffante ou une télé en cellule est payant. Le montant accordé par la caisse d’entraide n’est souvent pas suffisant et «oblige» les détenus à introduire ces demandes d’aide financière.
Caisses d’entraide: des pratiques qui manquent de clarté
Du côté de la Fédération des CPAS, on prend la situation très au sérieux. «Il s’agit d’un transfert de charges et d’une déresponsabilisation du fédéral vers le local qui sont inacceptables, dénonce-t-on. L’État est tenu d’assurer des conditions de détention conformes à la dignité humaine. Il est indécent de constater que les produits de première nécessité et les soins médicaux indispensables ne sont pas pris en charge par l’administration pénitentiaire.» Et la Fédération de renvoyer la balle aux établissements pénitentiaires: «Tout établissement dispose d’une caisse d’entraide des détenus financée par les marges bénéficiaires des produits de la cantine. Cette caisse est vouée à être utilisée pour soutenir individuellement les détenus indigents, ainsi que pour financer certaines dépenses en faveur de l’ensemble des détenus. La gestion du fonds est confiée au directeur de l’établissement. Les pratiques d’utilisation de ce fonds sont peu harmonisées et manquent de clarté.»
Pourtant, depuis 2011, une circulaire ministérielle précise de façon très claire qu’«afin d’éviter que les détenus s’adressent au CPAS pour de tels besoins, il convient de les aider par l’entremise de la caisse d’entraide de la prison». Quatre ans plus tard, la situation est au point mort, et le ministre actuel renvoie toujours les communes à leurs responsabilités.