Au cours d’un colloque, SAW-B1 a tenté de démêler les liens éventuels entre économie sociale, entrepreneuriat social et responsabilité socialedes entreprises (RSE). Parmi les questions de départ : « RSE et entrepreneuriat social sont-ils les nouveaux habits du capitalisme ? » Une question sansréponse ?
En décembre dernier, la SAW-B organisait une journée de colloque pour clarifier la notion d’entreprise sociale et les concepts d’entrepreneuriat social et de RSE. Unemanière de faire le point sur ce secteur et ses enjeux. Parmi les intervenants, le sociologue français Jean-Louis Laville a rappelé l’historique du développementéconomique et de la RSE :
• Au début du 19e siècle, les sociétés sont auto-organisées autour d’un « associativisme solidaire ».
• Ensuite, sous l’influence de l’idéologie du progrès, la solidarité est vue non comme un droit, mais comme un acte de compassion envers les exclus du progrès.
• Fin du 19e siècle, face aux revendications de droits, l’Etat va intervenir pour légiférer. L’Etat social organise la politique de redistribution desrichesses pour rembourser « la dette sociale des entreprises ».
• Dans les années 70, un nouveau capitalisme de marché remet en cause l’Etat social. Le mouvement de la RSE apparaît. Il vise à remplacer la loi par une formevolontaire de solidarité des entreprises.
Dans la foulée, Marthe Nyssens, professeure à l’UCL et membre fondateur du réseau Emes2 (un réseau européen de chercheurs sur l’économiesociale), a livré trois conceptions de l’entreprise sociale. La première, l’école des « ressources marchandes », est centrée sur uneactivité marchande ou une stratégie commerciale développée par des associations, d’abord, et par des entreprises, ensuite, pour générer des revenus afin desoutenir sa mission sociale. La deuxième, l’école de « l’innovation sociale », en provenance des Etats-Unis, met en avant l’impact social plusque les ressources marchandes développées par les entreprises sociales.
Enfin, l’approche Emes de l’entreprise sociale fixe trois critères :
• un projet économique, à savoir une activité continue de production de biens ou services et un niveau significatif de risque économique ;
• la primauté de la finalité sociale : une limite dans la distribution du profit est fixée ;
• un mode de gouvernance participatif caractérisé par une forte autonomie et implication des parties prenantes, et par un processus de décision non fondé sur lapropriété du capital.
Des questions persistantes
Les participants ont ensuite débattu d’une série de questions et d’enjeux pour l’avenir du secteur :
• concernant les relations entre les organisations économiques, la question est de choisir entre le capitalisme, éventuellement moralisé par l’engagement volontaire desentreprises dans le RSE, face à des économies locales et solidaires, ou bien la coexistence et l’éventuelle collaboration entre des structures socioéconomiques plurielles?
• sur la responsabilité sociale et environnementale, le secteur de l’économie sociale, depuis longtemps actif en la matière, ne risque-t-il pas d’êtredéjà dépassé par le RSE des entreprises capitalistes ?
• quant à la diversité sociale, les acteurs du secteur ne devraient-ils pas développer une politique encore plus pro-active, notamment par rapport à la place et aurôle des syndicats dans les entreprises sociales ?
• enfin, la notion d’innovation sociale devrait être clarifiée : quelles sont ses spécificités, quels critères déterminer pour fixer un cadreen concordance avec les réalités des entreprises ?
Face à ces questions et ces enjeux, Marie-Caroline Collard, la directrice de la SAW-B contactée après le colloque, entend notamment « approfondir l’analyse auniveau européen et accentuer la politique pro-active vers les pouvoirs publics et avec les partenaires syndicaux, qui ont bien compris l’importance de l’économiesociale ». En ce qui concerne l’usage de la RSE comme nouveau vêtement du capitalisme, elle ajoute que c’est sans doute un moyen de socialiser ou de moraliser le capitalisme :« La RSE fait partie de la dynamique d’entrepreneuriat social. Par contre, il faut peut-être s’interroger sur cette démarche de la part de plus grossessociétés. »
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2. Emes European Research Network c/o université de Liège:
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