Des villageois reprennent l’épicerie locale alors qu’elle allait fermer. Du projet citoyen au projet économiquement soutenable, il y un pas qui n’est pas encore vraiment franchi. Undéfi exemplatif.
Le village s’appelle Meix-devant-Virton. Et de fait. Meix est devant Virton, à huit kilomètres. Dans la cité gaumaise se concentrent les supermarchés, lesréseaux de grande distribution qui alimentent toute la population de la région. Conséquence directe, à Meix-devant-Virton comme dans les autres villages, les commerces sefont rares. Une pharmacie, une boulangerie, deux boucheries, une friterie, entre autres. Le village s’en sort encore bien. La librairie a fermé boutique à la suite d’uncambriolage. Elle était située juste à côté de l’épicerie « Epicentre1 », toujours bien présente. Pourtant, ils’en fallut de peu pour que ce commerce ferme à son tour.
En 2007, la gérante Denise, 67 ans, décide de mettre la clé sous le paillasson, faute de repreneur. Le CAGL2 connaît malheureusement les dégâtsde pareilles disparitions. Cette association d’éducation permanente anime alors un groupe de travail « Femmes et précarité » et lors des ateliers,l’importance des épiceries du village pour les femmes isolées et pauvres se décline à tous les âges.
Le groupe envisage depuis peu de soutenir une initiative citoyenne redynamisant un de ces commerces abandonnés. L’épicerie de Denise tombe à pic. Aprèsinformation et coups de sonde auprès des habitants, la coopérative « La Débrouillardise villageoise » se met en place. Les habitants achètent pourcinq cents parts à 10 euros. La commune double la mise3. Avec cet argent, le matériel de Denise est racheté et les stocks reconstitués.
Depuis lors, le lieu n’a pas fondamentalement changé. Denise est toujours présente, comme bénévole. Marie, compagne de trente ans, a aussi gardé le tablierautour de la taille. Il y eut bien un coup de peinture et surtout beaucoup moins d’étagères. Le CASG mobilise deux employés mi-temps sur le projet, dont Françoise Humblet.« L’Epicentre est un point de rencontre et d’approvisionnement. L’idée est aussi de commercialiser d’autres produits. Du local, du bio. Nous menons un travaild’éducation à la consommation. »
Pour les produits de base, la coopérative va se fournir chez Colruyt, s’abonner à une centrale d’achat étant hors de prix. Colruyt a refusé toute réduction alorsque le magasin prend chez eux pour 1500 € par semaine. L’expédition dans leurs rayons mobilise trois bénévoles pendant une demi-journée. Par ailleurs, unréseau de dix-sept producteurs locaux propose des paniers de primeurs qui marchent très très fort. Le travail ne manque donc pas et les coups de main restent ponctuels.Après trois ans, les chiffres de fin de journée approchent les 1000 euros et les ventes ne décollent pas. C’est essentiellement les coopérateurs qui sont les clientsde l’Epicentre. Décourageant ? Françoise Humblet constate que « les gens viennent en marge, ils ne se sentent pas concernés pour une part active.»
Anne-Marie, institutrice dans le village le reconnaît. « Epicentre, c’est pour les dépannages, pratique, mais cher ». Elle n’a pas de parts.« Ce n’est pas notre rôle d’intervenir dans cette épicerie, c’est à la commune. Nous, nous avons déjà suffisamment de dépenses à assumercomme ça, mais c’est une richesse pour le village. » La gérante de l’hôtel-restaurant du village, le Fin Bec n’est pas plus assidue : « Onn’y va jamais car on a nos fournisseurs. Et avec la voiture, on est tout de suite à Virton ». Les légumes ? « On est servis par laProvençale » (une société luxembourgeoise dans l’alimentation employant six cents personnes). Les parts dans la coopérative ? « Cela ne nousintéresse pas. »
Si l’épicerie est précieuse pour le village, reste donc à savoir qui peut (ou veut) se l’offrir. Aussi, les deux cents coopérateurs vont bientôtêtre relancés : « Si chacun d’entre eux s’engageait à acheter pour 10 euros en plus par semaine, l’Epicentre pourrait engager une personne àmi-temps » explique Françoise Urbain4, cheville ouvrière de l’Épicentre. Des étudiants en commerce cherchent la meilleure formule pour sonderet formaliser l’engagement de chacun. Pourquoi solliciter le réseau d’acheteurs existants plutôt que de chercher à trouver un nouveau public ? « Ilsont donné dix euros il y a trois ans. Ils n’en sont pas plus pauvres, précise Françoise Urbain. Mais ils ont besoin de l’épicerie. » Etl’épicerie a besoin d’eux.
1. L’Epicentre SCRL :
– adresse : rue de Virton, 27 à 6769 Meix-Devant-Virton
– tél. : 063 57 88 77
2. Le centre d’Animation globale du Luxembourg :
– adresse : rue Camille Joset, 1 à 6730 Rossignol
– tél. : 063 41 15 96
– courriel : cagl@belgacom.net
3. Commune de Meix-devant-Virton :
– adresse : rue de Gérouville, 5 à 6769 Meix-devant-Virton
– tél. : 063 57 80 51
– courriel : info@meix-devant-virton.be
4. Françoise Urbain :
– adresse : rue de Bavelan, 242 à 6769 Gérouville
– tél. : 063 58 37 27