L’épicerie sociale des Petits Riens fête ses cinq années d’existence. L’occasion de rappeler son rôle dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion.
« La nourriture est le carburant de la vie. Comment vivre sans ? » Eric Mercial vient acheter ses denrées alimentaires aux Petits Riens depuis trois mois. Pris dans le cercle vicieux des dettes qu’il n’était plus capable de payer, ce quarantenaire isolé s’est tourné vers l’épicerie sociale. « C’est un pas à franchir, mais je n’ai pas eu le choix », dit-il à ce propos. Comme lui, 2400 personnes y ont été accueillies, acquérant plus de 42 000 euros de marchandises.
L’épicerie sociale permet à ses bénéficiaires d’acheter des produits de première nécessité à la moitié du prix du marché. Une aide précieuse quand on sait qu’aujourd’hui, 14,6 % de la population belge et 26 % de la population bruxelloise bénéficient d’un revenu inférieur au seuil de pauvreté et que plus d’un tiers de la population a du mal à joindre les deux bouts. Qu’en 2010, on estime à 150 000 le nombre de personnes ayant eu recours à l’aide alimentaire. Car bien souvent, c’est dans le budget « alimentation » que ces personnes précarisées coupent. « Cette aide leur permet de souffler le temps de rebondir », explique Adeline Delisse[x]1[/x], travailleuse sociale au Centre d’accueil social Abbé Froidure (CASAF).
L’épicerie sociale fonctionne à perte et ne peut exister que grâce au bon fonctionnement des autres activités de l’asbl. Ces dernières, en bénéfice, permettent de financer les 40 000 euros/an nécessaires pour équilibrer le budget de l’épicerie.
« C’est une manière d’apporter ma pierre à l’édifice. Je n’ai jamais connu ces situations de précarité, mais je tiens à offrir de mon temps », déclare tout sourire Jean-Claude. Bénévole comme tous ceux qui travaillent au sein de l’épicerie, Claude en est le gérant. « Je l’ai vue naître et grandir », plaisante-t-il. Si Jean-Claude avouait attacher une grande importance au contact qu’il lie avec les bénéficiaires de l’épicerie, Claude, lui, dit « ne pas pouvoir s’attacher ».
Travailler dans la globalité
L’épicerie sociale, à côté des restaurants sociaux et des colis, permet donc de soulager le budget de ces ménages. Mais c’est aussi une porte d’entrée pour le travail social. « L’ambition d’un tel projet n’est pas de répondre structurellement à la problématique du coût excessif des denrées alimentaires, mais plutôt de soulager de manière ponctuelle le budget d’un ménage », fait remarquer Adeline Delisse.
Une aide à court terme pour un changement structurel. Pour ce faire, les personnes entrant dans le programme d’aide bénéficient d’un accompagnement social. « Comme toutes les activités des Petits Riens, l’épicerie sociale vise à offrir un soutien aux personnes en difficulté en parallèle à un accompagnement sur le chemin de la revalorisation et de l’autonomie. De la responsabilisation aussi ». Apprendre à gérer un budget, être conscient de la valeur des choses sont autant d’étapes pour s’insérer dans un cercle vertueux. « En assumant ces responsabilités, ils redeviennent auteur de leur propre vie », poursuit Adeline Delisse, qui nuance toutefois : « Certains problèmes ne peuvent être réglés du jour au lendemain ».
« Je préfère devoir payer. Sinon… »
Sinon Eric aurait eu l’air « d’un simple pauvre », dit-il. Sur les étals, les denrées ne sont pas gratuites. « Acheter de quoi se nourrir et nourrir sa famille est un acte qui reprend tout son sens en termes de responsabilité et de dignité humaine. Les clients ne sont pas des assistés. »
L’épicerie des Petits Riens est à situer dans un contexte d’aide et d’accompagnement plus global : « Ce n’est pas seulement pour un mieux-vivre, mais en fonction d’un projet défini mis sur pied avec le soutien de l’assistante sociale. » Le travail se fait donc en concertation avec la personne, afin de la consolider, de la remettre en confiance en essayant de comprendre le pourquoi et le comment de sa situation. Et de définir des solutions, de donner des outils. Car le contrat dure trois mois, renouvelable une fois sur l’année (avec certaines variations en fonctions des situations). A l’issue de cette période, les bénéficiaires doivent pouvoir s’en sortir seuls. Certains reviennent. D’autres pas. « Cette aide améliore ma vie quotidienne. Dommage qu’elle ne dure que trois mois… », déclare Eric. Il n’est pas pour autant fataliste et croit en un avenir plus rose. « Tout le monde a le droit de se planter. Il ne faut pas en avoir honte et s’en cacher », conclut-il.
1. Adeline Delisse :
– adresse : rue Américaine, 101 à 1050 Ixelles
– tél. : 02 537 30 26
– site : http://www.petitsriens.be
– courriel : info@petitsriens.be