Le 8 juin dernier, Kind en Gezin1, VIBOSO2 et la province de Flandre orientale organisaient une journée d’études autour du concept d' »ervaringsdeskundige in de armoedebestrijding »(experts par expérience en lutte contre la pauvreté). L’objectif était de mener une réflexion sur cette méthode originale, développée en Flandre pourimpliquer des défavorisés dans la lutte contre la pauvreté, et pour évaluer la formation d' »Expert en lutte contre la pauvreté » qui termine sa premièreannée.
Qui est le mieux placé pour faire comprendre la pauvreté ? Ceux qui ont eu l’opportunité d’étudier, de se former et de trouver un travail ? Qui n’habitent pas des petitesmaisons humides et grisâtres ? C’est plutôt la personne pauvre elle-même en racontant son expérience. C’est du moins la conception quui se trouve à la base de laformation. Les défavorisés témoignent de leur expérience et formulent au pouvoir et aux professionnels du social les attentes et perspectives desdéfavorisés.
Ce principe n’est pas nouveau. Les Etats-Unis et le Canada l’appliquaient déjà depuis les années ’60. En Flandre, l’asbl anversoise De Cirkel3 (qui deviendra plus tard un despartenaires du Rapport général contre la pauvreté) constatait en 1988 un chaînon manquant entre professionnels du social, pouvoir et défavorisés, et partaitde la même idée. Kind en Gezin (l’équivalent flamand de l’ONE) développait le concept et démarrait en 92 avec une première formation de neuf moisdestinée aux défavorisés. Les premiers « experts » se trouvaient sur le terrain en 94.
Depuis peu de temps De Cirkel, Kind en Gezin et quelques écoles supérieures à Bruxelles et Gand se sont mises ensemble pour un projet intitulé « Formation et Emploi desExperts en lutte contre la pauvreté ». L’asbl De Link créée dans ce cadre a pris la coordination du projet en Flandre et organisait fin 99 la première formation àgrande échelle. Le programme durera trois ans et trois mois. Kind en Gezin ayant déjà une certaine expérience en la matière, a apporte son savoir-faire au niveau ducontenu. La première année étant terminée, une évaluation s’impose.
L’expérience de la pauvreté est le point de départ. L’objectif : être un intermédiaire entre l’aide sociale et les défavorisés et jouer un rôleactif comme interprète ou médiateur. L’accès à la formation était le plus facile possible en partant du principe que le participant pourrait se développerdans cette fonction. Les seuls critères d’accès : avoir vécu soi-même dans des situations de pauvreté et être motivé. Une trentaine de personnes se sontinscrites fin 99 à Gand et Bruxelles. D’autres centres seront prévus à Anvers, Hasselt et Courtrai.
Les trois premiers mois sont en fait une préformation pendant laquelle on travaille en groupe autour de l’expérience propre de la pauvreté. Puis, les participantsreçoivent une formation dans plusieurs domaines avec, la première année, deux jours par semaine consacrés à la théorie et un jour à la pratique; etl’inverse la deuxième année, deux jours de pratique, un de théorie.
La formation donne accès au diplôme d’éducateur. De ce fait elle est financée en partie par l’enseignement. La VDAB qui reconnaît la formation est une autre source definancement. Des examens sont également prévus.
Une étude approfondie sur la perception qu’ont les familles défavorisés du rôle de l’expert n’a pas encore été menée, mais quelques indications sontrévélatrices. Dans la plupart des cas la relation entre l’expert et les familles est positive. Le témoignage d’une infirmière résume bien ce constat : « Un desavantages de travailler avec un expert est son image positive auprès des familles. Il est considéré comme quelqu’un qui parle par expérience de la vie. Nous on estperçus comme des personnes qui en ont seulement la connaissance théorique. Dans le sens de ‘Vous avez beau parler mais vous ne savez pas comment on vit’ ”.
Ces experts ne sont pas (encore ?) pour autant intégrés au niveau administratif. Si quelques CPAS font appel à l’expert en pauvreté, on ne peut toutefois pas parlerd’intégration dans le sens d’appui structurel aux organisations pour qu’elles fassent intervenir un expert en pauvreté.
Un souci qui était également au cœur des organisations qui ont participé à la journée d’étude. Les perspectives d’emploi posent d’ailleurs question pources experts, une fois la formation terminée ?
Kind en Gezin emploie actuellement 12 experts avec un contrat de durée indéterminée dont 6 suivent la nouvelle formation. Elle est la seule instance dans laquelle les expertsfont partie du cadre du personnel. De Link a engagé récemment un expert en pauvreté.
Les organisations travaillent à rattacher ces experts à un statut de médiateur, afin de créer un cadre plus formel à l’embauche des 30 personnes qui ontcommencé la formation.
1 Kind en Gezin, Porte de Halle 27 à 1060 Bruxelles, tél. : 02 533 13 29.
· VIBOSO vzw, rue du Progrès 323 à 1030 Bruxelles. e-mail : viboso@skynet.be Organisation qui promeut et appuie les organisations flamandes qui développent un travailcommunautaire.
3 De Cirkel vzw, Hogeweg 84 à 2600 Berchem, tél. : 03 239 76 34, e-mail : decirkel@compaqNET.be
Archives
"Expert en lutte contre la pauvreté, un nouveau métier en Flandre"
Pierre Gilissen
11-09-2000
Alter Échos n° 81
Pierre Gilissen
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