Depuis 2008, la Strada opère régulièrement un comptage des personnes sans abri ou mal logées (hébergement provisoire, logement précaire ou inadéquat) sur le territoire de la Région bruxelloise. Pour la première fois, ce dénombrement s’est effectué en deux temps: en novembre 2016 (soit avant le démarrage du dispositif hivernal) puis en mars 2017 (dispositif hivernal tournant à plein régime). Dans la nuit du 7 novembre 2016, ce sont pas moins de 3.386 personnes qui ont été comptabilisées par les quelque 180 volontaires mobilisés pour l’opération, soit pratiquement le double par rapport à 2008 (+96%).
Un phénomène multifactoriel
Quelles sont les causes de cette drastique augmentation? Différentes hypothèses sont formulées par le Centre d’appui au secteur bruxellois de l’aide aux sans-abri. Parmi elles: une fragilisation des couches les plus pauvres de la population par la crise économique ainsi qu’une importante problématique d’accès au logement; conséquence de cette paupérisation, un accroissement des problématiques de santé, de vie, d’assuétudes, l’augmentation des freins à l’accès des personnes à leurs droits sociaux, l’afflux des migrants sur notre territoire, parallèlement à un durcissement de la politique en matière d’accueil en Belgique et dans les pays voisins et la présence non négligeable à Bruxelles d’Européens qui n’ont pas accès à l’aide sociale belge.
Le nombre de celles qui n’ont pas droit aux services reconnus d’aide ou ne désirent pas faire appel à l’un d’eux, s’est accru de manière drastique.
Parmi les personnes comptabilisées, le nombre de celles qui n’ont pas droit aux services reconnus d’aide ou ne désirent pas faire appel à l’un d’eux, s’est accru de manière drastique. La hausse de 30% (!) des personnes recensées depuis 2014 est surtout due, selon le rapport de la Strada, à l’augmentation des personnes recensées dans les espaces publics (+72%), dans les occupations négociées (+42%), dans les squats (+39%) et dans l’accueil d’urgence (+29%). Il y a toujours plus de personnes qui passent la nuit en rue, relève notamment la Strada: 707 personnes en 2016 contre 269 en 2008. «Les gens cherchent un abri dans les rues, sous les portiques, dans les parcs, dans les stations de métro ou dans les gares. La nouveauté en 2016 est le nombre important de tentes et d’édifices réalisés avec des restes de matériaux (de construction), ainsi que de camps montés sur des terrains vagues où des groupes plus larges de familles s’installent, qui ne font pas appel aux services existants.»
Autre évolution importante: l’éparpillement des personnes dénombrées sur l’ensemble du territoire de la Région. Ces personnes se déplacent depuis le centre-ville et les pourtours des trois principales gares vers les différentes communes bruxelloises. En cause? Les mesures très strictes de sécurité en vigueur depuis les attentats terroristes de Paris et de Bruxelles, qui incitent les personnes à chercher des lieux où elles peuvent éviter les contrôles et/ou les aides. Elles trouvent aussi davantage de possibilités dans des zones plus périphériques pour occuper ou se créer un refuge plus ou moins durable: on note davantage de signalements d’abris «longue durée» et de campements dans les parcs et sur les terrains vagues de Bruxelles, souligne la Strada.
Les hommes constituent la majorité des personnes dénombrées. Si cette différence est encore plus marquée dans les espaces publics (423 hommes pour 50 femmes et 210 de sexe inconnu en 2016) et dans les squats (385 hommes pour 112 femmes), elle s’atténue durant le plan hiver. Cependant, lors du dernier dénombrement, 24 enfants en rue, 149 en centre d’accueil d’urgence, 90 en squats et 64 en occupations négociées ont été rencontrés. Des situations alarmantes et probablement sous-estimées, s’inquiète la Strada.
En savoir plus
Double dénombrement des sans-abri et mal logés en Région de Bruxelles-Capitale – 7 novembre 2016 et 6 mars 2017, enquête disponible sur le site de la Strada