L’ex-secrétaire d’État à la Lutte contre la fraude sociale, John Crombez (SP.A), part en guerre contre le dumping social et veut même que l’on puisse expulser les contrevenants. Il a écrit en ce sens à la nouvelle commissaire européenne à l’Emploi, la Belge Marianne Thyssen.
Les ministres SP.A du gouvernement fédéral sortant, Monica De Coninck (Emploi) et Johan Vande Lanotte (Économie), s’étaient déjà exprimés sur le sujet, mais l’ex-secrétaire d’État remet l’affaire sur le tapis et n’y va pas de main morte: «L’Union européenne doit permettre à notre pays d’expulser les fraudeurs et de leur interdire temporairement l’accès à notre marché du travail.» John Crombez vient de démissionner de ses fonctions fédérales pour devenir chef de groupe au parlement flamand. Il s’est adressé à Marianne Thyssen juste avant l’audition de celle-ci par les eurodéputés. «Nous devons être plus sévères. Chaque jour, des PME belges font faillite, des postes de travail sont perdus à cause du dumping social et des travailleurs étrangers se font exploiter. Si je m’adresse à Mme Thyssen, c’est parce que l’Europe nous empêche pour l’instant d’intervenir. La loi anti-abus a été bloquée par son prédécesseur Laszlo Andor parce qu’il la jugeait en contradiction avec le principe de libre circulation des personnes. Nous avons pourtant besoin de cette loi pour permettre à l’inspection sociale et à la justice d’agir contre les travailleurs étrangers et leurs patrons, certains parmi ces derniers étant belges.»
Les dispositions «anti-abus» de la loi de 2013 visant à lutter contre la fraude au détachement ont effectivement été bloquées par la Commission européenne, qui a donné un dernier avertissement à notre pays fin septembre. Si la Belgique n’adapte pas sa législation dans les deux mois, l’affaire pourrait être portée devant la Cour de justice de l’Union européenne. Selon les termes de cette loi, en cas de soupçon de fraude, l’inspection sociale peut par exemple imposer à des travailleurs étrangers se trouvant sur un chantier d’acquitter des cotisations à la sécurité sociale belge. Or la Commission exige de la Belgique qu’elle obtienne d’abord du pays d’origine des travailleurs la preuve que ceux-ci n’y ont payé aucune cotisation. Ils ont en effet parfaitement le droit de cotiser à la sécu chez eux. Mais le gouvernement belge estime que les autorités des pays en question (la Roumanie est notamment citée) sont beaucoup trop lentes à réagir et qu’aucune lutte contre la fraude n’est possible en suivant une telle procédure.
Soins de santé
John Crombez ajoute d’autres arguments. Selon lui, la nécessité de cette loi est largement appuyée par une série de jugements de la Cour européenne de justice. Et de nouveaux chiffres de Bouwunie (PME flamandes dans la construction) vont dans le même sens. Cette année, le secteur flamand de la construction dans son ensemble a perdu 2.500 emplois, ce qui fait 7.300 postes perdus en trois ans. «Chaque jour, trois emplois sont perdus dans une province comme la Flandre occidentale et la modération salariale n’a aucun effet: à quoi cela peut-il servir de réduire les salaires horaires de 30 à 25 euros quand l’inspection sociale croise tous les jours des travailleurs étrangers travaillant pour 6 euros?» Selon l’ex-secrétaire d’État, il y a longtemps que la fraude ne se limite plus aux secteurs de la construction et du transport: le gardiennage et même les soins de santé sont désormais également touchés. Il souligne que son approche n’a rien d’anti-européen et affirme être un chaud partisan de la libre circulation des personnes, «mais il est nécessaire de contrer les abus si nous voulons préserver ce droit fondamental européen. Sinon, ce sont les gens qui vont tourner le dos à l’Europe».
Enfin, il souligne que si le commissaire à l’Emploi a jusqu’ici donné tort à la Belgique, celui à la Lutte contre la fraude (le Lituanien Algirdas Šemeta dans la Commission Barroso) avait approuvé la loi anti-abus. Il juge la Commission schizophrène et estime qu’il est absolument impératif que la nouvelle équipe s’exprime dorénavant d’une seule voix.
Lors de son audition par les parlementaires, Marianne Thyssen a cité la lutte contre le dumping social comme l’une de ses priorités.
D’après De Morgen et De Standaard