En matière d’inégalités, les cieux sont peu cléments. L’eau manque. Les factures pleuvent. Les gamins pleurent.
Quand l’orage éclate, on offre des parapluies. Mais avant ça, pour se protéger de ça… Il existe ce droit qui s’appelle un toit, un logement «décent», «convenable», selon textes. Or, aujourd’hui encore plus d’un milliard de personnes dans le monde ne sont pas bien logées et des millions de personnes sont expulsées ou menacées d’expulsion de leur logement chaque année. A Bruxelles, grâce à un travail de fourmi, on sait aujourd’hui que 3.908 expulsions judiciaires ont eu lieu en 2018, cela fait donc «un peu plus de 75 expulsions par semaine, un peu moins de 11 par jour» (lire dans ce numéro «Expulsions: la carte et le territoire bruxellois»).
Pour éviter ces expulsions et garantir «une protection sociale du logement», une proposition du terrain a fini par remonter dans l’hémicycle politique: un Fonds public régional d’arriérés de loyers1 auquel locataires et propriétaires pourraient s’adresser. «Les propriétaires obtiendraient le remboursement (total ou partiel, en fonction du montant des revenus respectifs du propriétaire et du locataire) des loyers impayés via ce Fonds public, et ce uniquement dans les limites du ‘loyer raisonnable’ tel que fixé par la grille des loyers (…). L’intervention du Fonds entraînerait l’interdiction, au propriétaire, de réclamer toute somme additionnelle au locataire; la saisine du Fonds devrait d’ailleurs être un préalable obligé à toute procédure judiciaire d’expulsion.»
Actuellement, le locataire peut s’adresser au CPAS, mais cela reste bien insuffisant. Sans parler du débordement structurel des CPAS, il ressort d’une enquête flamande sur les expulsions judiciaires2 que d’une part «la gestion budgétaire ne suffit pas» pour des familles déjà endettées, mais aussi que les personnes ne frappent pas à la porte des CPAS, ou trop tard.
Pour éviter ces expulsions et garantir «une protection sociale du logement», une proposition du terrain a fini par remonter dans l’hémicycle politique: un Fonds public régional d’arriérés de loyers.
Ce fonds donnerait donc la possibilité au juge de paix de résoudre des situations de loyers de un, deux ou trois mois et aux personnes de garder leur logement. Une mesure préventive donc, qui concrétiserait les engagements du gouvernement bruxellois. Et qui permettrait aussi d’utiliser intelligemment des deniers publics, sachant que réparer les conséquences d’une expulsion coûte plus cher à la collectivité que quelques mois de prise en charge d’un loyer.
Interpellée en commission Logement le 22 janvier dernier, la secrétaire d’État au Logement Nawal Ben Hamou (PS) a annoncé qu’allaient être étudiés le moratoire hivernal et le fonds de prise en charge des arriérés de loyers, comme elle l’avait d’ailleurs aussi annoncé dans son Plan d’urgence logement. Elle précise que «le projet en cours de rédaction prévoit d’étendre l’objet du Fonds budgétaire régional de solidarité (qui intervient en faveur de certains ménages qui doivent quitter un logement frappé d’une interdiction de mise en location. Le fonds, destiné au paiement des allocations, est alimenté par les amendes infligées aux bailleurs en infraction, NDLR) pour prendre en charge les indemnités d’occupation dues aux propriétaires pendant la période de trêve hivernale, lorsque l’occupant ne peut y faire face».
Ce à quoi la députée Zoé Genot, dont le parti Écolo est dans la majorité, a répondu qu’il ne faudrait pas que ce fonds soit pensé comme un «dédommagement des personnes qui attendent la fin du moratoire», rappelant que le but est «d’empêcher l’expulsion, pas de la reporter».
Pour éviter que chaque 31 mars, et chaque jour de l’année, le ciel ne tombe sur la tête de locataires acculés.
1. « Expulsés à la rentrée pour cause d’impayés ? », communiqué de presse de la Fédération des Services sociaux, 31 aout 2020. La députée bruxelloise Zoé Genot l’a également défendue sur BX1, 29 avril 2021, sans entrer dans les détails expliquant qu’il s’agirait d’un fonds auquel locataires et propriétaires pourraient s’adresser, au téléphone d’abord, dans une optique de prévention.
2. Verstraete, J. en De Decker, P. (2015), «Gerechtelijke uithuiszetting nog steeds in het duister», De Decker, P. e.a. (red.), Woonnood in Vlaanderen. Feiten/mythen/voorstellen, Antwerpen, Garant, 247-262.