Ce lundi, à l’ouverture du 14ème round des négociations du TTIP qui se déroulent à Bruxelles, une septantaine d’activisites déguisés en animaux a fait irruption dans le périmètre de sécurité du Centre Albert Borschette où les négociateurs se trouvaient. Chats, poules, poneys et crocodiles y ont dansé et lancé des branchages, réponse subversive et symbolique aux menaces que le TTIP fait peser sur l’environnement. On avait déjà pu voir ce groupe baptisé Ensemble Zoologique de Libération de la Nature envahir un concessionnaire Volkswagen durant la COP 21 (à lire ici). Comment sont-ils nés? Que revendiquent-ils exactement? Comment s’organisent-ils? Rendez-vous au QG de l’EZLN, avec la sous-commandante Pingouin, pendant que les autres activistes – tous «sous-commandants» – profitent du jour «off» des négociations pour préparer dans le plus grand secret la suite de leurs actions.
Alter Échos: On a vu pour la première fois votre «troupeau» durant la COP 21. Comment l’EZLN est-il né?
Sous-commandante Pingouin: L’EZLN est né dans le cadre des Climates Games (plateforme qui rassemble des actions non-violentes et de désobéissance civile menées dans le monde entier en marge de la conférence de Paris, NDLR) lancés avant la COP21. Il est composé de plusieurs groupes affinitaires. En fait, tout le monde se connaît un peu. La plupart d’entre nous militent pour d’autres causes de manière plus classique, par exemple dans des associations. Nous menons ces nouvelles actions dans le cadre des «TTIP Game OVER», un appel d’activistes à mener des actions de désobéissance civile durant les négociations prévues cette semaine à Bruxelles.
A.É.: L’EZLN fait-il référence à l’Armée zapatiste de libération nationale?
S-C P.: Il nous fallait un nom. On n’y a pas vraiment pensé à l’avance mais la référence nous convient puisque le mouvement zapatiste est un peuple qui a pris son destin en matin et qui s’est autonomisé par rapport à l’État mexicain.
A.É.: Ces masques sont aussi une référence au sous-commandant Marcos…
S-C P.: On n’en a pas tous chacun choisit en fonction de s’il veut dévoiler son visage ou non. En fait, le masque ou le déguisement est le signe qu’on a dû faire les rigolos pour être pris au sérieux. On veut que les gens trouvent notre action drôle en vue de les sensibiliser à notre message politique.
A.É.: «Nous ne protégeons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend», « La nature reprend ses droits», «TTIP Game Over»… Quel est votre message politique?
S-C P.: Nous exigeons la justice climatique dans l’idée que l’enjeu environnemental et l’enjeu des inégalités sociales composent les deux faces d’une même pièce. Durant la COP 21, nous avons mené des actions chez un concessionnaire Volkswagen, chez Fortis, à la Chambre de commerce de Paris, pour dénoncer l’accord trop faible qui était ressorti de ce sommet du climat de Paris; pour dénoncer aussi la place et l’influence énorme des multinationales et des lobbies.
A.É.: Pourquoi avoir décidé de passer aux actions de désobéissance civile?
S-C P.: On a besoin de renouveler les moyens de se mobiliser. Notre action est un moyen créatif pour sensibiliser un maximum de gens à notre message. On dérange, on perturbe. D’ailleurs, on se réjouit de voir un retour médiatique assez important. Mais l’action directe ne doit évidemment pas être le seul moyen d’action. Il faut également manifester et faire du plaidoyer politique. Pour le TTIP, il est clair aussi que l’action directe est le dernier recours.
A.É.: Mais le «buzz» laisse-t-il la place au message?
S-C P.: C’est clair que le fait de voir des animaux débarquer attire, questionne, fait rire. On joue sur l’image. Mais c’est pas de la publicité… Nous réalisons aussi des vidéos légendées pour expliquer notre action et le message qu’elle porte. On peut considérer que nos actions sont un tremplin pour une réflexion.
A.É.: Ne craignez-vous pas des arrestations administratives et des amendes? Etes-vous parés?
S-C P.: Ce lundi, on pensait vraiment qu’on allait nous arrêter (l’interview a été réalisée mercredi. Ce jeudi, plusieurs membres de l’EZLN ont été arrêtés lors de l’opération TTIP Lockdown, puis relâchés, NDLR). La plateforme de TTIP Game Over a organisé pour les différents groupes d’activistes une «legal team», un groupe d’assistance juridique qui permet de nous aider à mesurer le risque.
Peut-être avez-vous été surpris la semaine passée de voir dans plusieurs stations de métro bruxelloises des publicité remplacées par une affiche au slogan «Reboot Democracy: No more negotiations, No more free trade deals, Reboot democracy». Cette action fait aussi partie des TTIP Game Over. Le collectif «C’est pas eux, c’est pas nous» a détourné 700 affiches publicitaires dans la nuit pour attirer l’attention sur les négociations qui se trament dans les hautes instances européennes. «Nous faisons de la communication du pauvre à côté des moyens très puissants mis par les lobbies, explique Flupke. On veut sensibiliser les gens déjà convaincus mais aussi Monsieur et Madame Tout le monde car ces actions sont reprises par la presse mainstream.» Reconnaissant la nécessité d’autres initiatives comme le plaidoyer politique en parallèle à ces actions coup de poing, Flupke souligne que la mobilisation citoyenne fait son effet: « La pétition contre le TTIP a récolté 3 millions de signatures, c’est énorme. Et 1.500 communes belges ont décidé d’être hors TTIP», rappelle-t-il.
Seule ombre au tableau: la Stib et la société JCDecaux qui loue des espaces publicitaires ont annoncé qu’ils portaient plainte contre X après cette action. Toutes les actions réalisées dans le cadre des TTIP Game Over sont à découvrir sur ttipgameover.net