Dans le cadre de la nouvelle édition de la «Triennale internationale de Reciprocity» du design et d’innovation sociale, le musée Liégeois de la Boverie présente deux expositions jusqu’au 25 novembre. Parmi elles, «Fragilitas» invite à s’interroger sur la manière dont le design peut aider à combattre la fragilité et les difficultés que rencontrent certains individus de notre société.
Situé à la pointe sud de l’île d’Outremeuse, l’ancien Palais des beaux-arts de Liège s’est refait une santé. Surplombant le parc de la Boverie, le nouveau musée accueille l’exposition «Fragilitas», qui se découvre sur trois volets différents mais sensiblement liés. L’exposition montre que le design, par son côté social, peut améliorer la vie quotidienne des personnes se retrouvant dans la difficulté, la fragilité, et la précarité. Il se retrouve alors dans des projets sociaux d’architectures, de soin, mais également dans des appareils utilisés au quotidien.
Pour Giovanna Massoni, directrice artistique de Reciprocity, le design est en constante évolution. Cette triennale, organisée à Liège, a pour but d’informer sur la place que le design occupe au niveau social. «Le but du design n’est pas seulement de faire du beau, mais aussi du juste. Avec cette nouvelle édition de la triennale, nous voulons montrer l’importance du design à l’échelle sociale.»
Design et architecture en aide aux populations fragilisées
Est-ce que l’architecture doit s’intéresser aux choses fragiles et précaires ? C’est la question que s’est posé Jean-Philippe Possoz, commissaire du volet «Precarious Architecture & Design», en rassemblant une quinzaine de designers et d’architectes. «Ce volet s’intéresse au changement et à la possibilité que le design et l’architecture participent à une trajectoire sociale. On est face à une précarité grandissante, et ces deux domaines ont aussi un rôle à jouer afin de contrer les déséquilibres globaux de notre monde provoqués par les conflits, les migrations, ou l’exclusion sociale», explique Jean-Philippe Possoz. Cette partie de l’exposition déroule ainsi une série de travaux en lien avec la précarité.
Parmi eux, un projet de construction d’une bibliothèque dans le petit village de Shuanghe, en Chine, après que ce dernier ait subi un tremblement de terre en 2012. On peut également retrouver le travail de Petra Pfermenges, qui a essayé de redonner vie aux façades inhabitées de la rue d’Aerschot, à Bruxelles. Elle y prend notamment le temps de détailler sous forme de frise chronologique l’ensemble des problèmes auxquels elle a été confrontée. «Les exposants sont souvent des architectes issus de pays développés, avec pour projet de construire des bâtiments dans des pays ravagés par les catastrophes naturelles et la pauvreté. Ils ne vont pas juste se contenter de réaliser l’oeuvre sur place et repartir directement. Au contraire, ils passent du temps avec les locaux, leurs transmettent des techniques de construction, créent des relations. Tout ceci ramène au premier but du design : répondre à des besoins, mais surtout améliorer la qualité de vie des êtres humains.»
Chutes et planches de bois, dessins et croquis affichés au mur, structures plus imposantes, la plupart des exposants présents dans « Precarious Architecture & Design » ne présentent pas seulement les matériaux choisis et les techniques utilisées pour leurs oeuvres. «Nous avons fait le choix de proposer des approches plutôt que d’exposer des produits. De ce fait, la traduction du processus dans l’exposition est aussi importante que la mise en scène du résultat», ajoute le commissaire du volet.
Un design au coeur de la santé
Dans l’autre pièce de La Boverie, le volet «Handle with care» emmène le visiteur à changer de vision sur la notion de fragilité. Sixième doigt articulé, modules de skateparks accueillant les fauteuils-roulants, vêtements spéciaux, sièges, accoudoirs, une quarantaine de designers ont repensé et redessiné des objets destinés aux services de soins (maisons de retraite, hôpitaux, etc.) mais également à la vie quotidienne chez soi. Rassemblés par la Française Nawal Bakouri, enseignante et consultante en design, certains de ces objets amènent à combler un manque, d’autres servent à rendre moins complexe les déplacements ou de simples gestes du quotidien. Ces objets servent aussi, selon la commissaire, «à critiquer la manière dont un appareillage déjà construit prend en charge les vulnérabilités, et à le repenser avec plus d’innovation.»
Dans les dernières allées de La Boverie, de nouveaux objets se dressent devant le visiteur. Difficile de savoir si l’on vient de changer de volet. Pourtant, on entre bel et bien dans la dernière partie de cette exposition, et la thématique se révèle relativement différente. Après avoir fondé le projet de recherche et d’éducation «Design for (every)one (D4E1)», Lieven de Couvreur a décidé de montrer comment on peut facilement transformer un objet en y ajoutant, le plus souvent, un seul élément. Comme par exemple cet outil qui aide l’individu à mieux tenir le bâton de sa glace avec son majeur et son index ou encore le même genre d’élément que l’on enfile sur son auriculaire pour jouer de la flûte à bec. On retrouvera également plusieurs béquilles customisées en fonction des besoins de certaines personnes en difficulté, de leur morphologie ou de leur handicap, ainsi que des aides auditives modulaires. L’utilisation de techniques de hacking en concertation avec des designers, des patients et des ergothérapeutes permettent, au final, de revoir tout un système de production. «L’avènement des ordinateurs connectés et de la fabrication numérique permet aux personnes qui ne font pas partie des catégories conventionnelles de notre société de créer ou d’adapter leurs propres outils. Le plus souvent, ces objets customisés peuvent même rivaliser avec les standards de qualité de la production en série provenant de grandes industries», explique le commissaire. Ces projets ont été menés entre mars et juin 2018 à Howest Courtrai et à l’École supérieure des arts Saint-Luc de Liège avec les professeurs et les étudiants en design industriel des deux établissements.
Pratique :
Parc de la Boverie 4020 Liège, du mardi au dimanche, de 10 h à 18 h. Billet combiné avec le Musée de la Vie wallonne, 10 € plein tarif, 5 € tarif réduit / gratuité. Plus d’informations : +3242385501, www.laboverie.com.